Un ex-prisonnier d’El Harrach témoigne :

Un ex-prisonnier d’El Harrach témoigne :
«Nous n’avions droit qu’à du pain sec !»

Par Hakim Amara, El Watan, 7 mai 2002

Il a été incarcéré à deux reprises dans la prison d’El Harrach pour participation à des manifestations publiques et «atteinte à l’ordre public». L’incendie qui a ravagé la prison d’El Harrach dans la soirée de samedi 4 mai soulève encore beaucoup d’interrogations, même si le ministre de la Justice Ahmed Ouyahia a renvoyé cela à la propagation et au phénomène de contagion.

Un ex-détenu, aujourd’hui en liberté provisoire, témoigne pour sa part de ce qu’il a vécu dans cette prison. H. F. raconte : « Ce qui s’est passé à la prison d’El Harrach était prévisible. Trop de choses se passaient à l’intérieur : des viols, des agressions, des bagarres mais surtout et en particulier la brutalité des gardiens de cette prison qui n’hésitent pas à tabasser des prisonniers en quête d’intervention des services pénitentiaires lorsque rien ne va entre eux.» Le témoin explique dans ce sens que «les détenus font brûler leur seule couverture pour alerter les gardiens ; sans cela, personne ne se soucie de leur état». À l’intérieur de la prison d’El Harrach, «les prisonniers sont entassés en grand nombre dans des salles exiguës et ceci s’accentue à la veille du passage devant le tribunal par exemple. La direction pénitentiaire met tous les prisonniers dans une salle étroite au point que 120 prisonniers s’entassent dans 80 m2», ajoute le témoin qui se rappelle encore des cellules 7A et 5A, dans lesquelles il a été incarcéré à deux reprises. Les conditions de nutrition, selon lui, sont des plus lamentables. «Nous n’avions droit qu’à du pain sec à 16 h… car une heure après, les gardiens ferment les cellules jusqu’au lendemain matin et pendant toute la nuit. Si des détenus acceptent encore cette situation et les dépassements des gardiens de la prison, c’est parce qu’ils ont peur d’aller aux geôles, ce qui est encore pire pour un détenu.» Au niveau de la prison d’El Harrach, la majorité des prisonniers sont des jeunes de 25 ans et plus et «plusieurs d’entre eux ont été emprisonnés pour des actes de vandalisme, de consommation de drogue ou autres délits», ajoute l’ex-détenu avant de préciser qu’au sein de cette prison, on ne fait pas de distinction entre un prisonnier du droit commun et un prisonnier d’opinion. «J’ai été arrêté, comme d’autres personnes, dans des manifestations publiques pacifiques, mais on nous a emprisonnés avec des détenus de droit commun.» Ce témoignage ne fait que conforter ceux des cadres incarcérés lors de l’opération dite «mains propres» en 1995 enclenchée par Ahmed Ouyahia, alors chef de gouvernement.