GRAVE ATTEINTE AUX DROITS DE L’HOMME A DELLYS

GRAVE ATTEINTE AUX DROITS DE L’HOMME A DELLYS
Des citoyens réprimés

Salima Tlemçani, El Watan, 8 décembre 1999)

De graves incidents ont eu lieu vendredi à Dellys, wilaya de Boumerdès. Pendant trois heures, des gendarmes et des policiers ont passé à tabac des dizaines de citoyens, évacués d’ailleurs vers les hôpitaux dans un état critique. L’un d’eux, diabétique, a succombé à ses blessures durant la journée de lundi à l’hôpital de Aïn Naâdja.

Les témoignages des blessés sont graves et n’honorent nullement les services de sécurité. Que s’est-il donc passé ? «Nous étions en train de faire la prière du vendredi lorsque nous avons entendu une forte explosion. Nous sommes tous sortis en courant vers l’extérieur. Une bombe venait d’éclater à une centaine de mètres de la mosquée et avait déchiqueté un policier. Nous avons donc repris nos places et après avoir terminé la prière, nous sommes rentrés chez nous», raconte un des blessés. Quelques minutes plus tard, les gendarmes du GIR et les policiers de la Brigade mobile de la police judiciaire (BMPJ) de Dellys investissent plusieurs maisons des quartiers Bordj Fnar, El Kous et La Cité pour opérer une rafle. «Nous étions plus d’une centaine de personnes, tous âges confondus et pour la plupart des pères de familles, enseignants, fonctionnaires, médecins, anciens moudjahidine, ingénieurs, étudiants et des jeunes lycéens à être sortis manu militari de nos domiciles à coups de pieds, de crosses, de ceintures, d’insultes et de grossièretés devant nos familles. Nous avions été amenés droit vers le lieu de l’attentat pour être jetés dans le cratère laissé par l’explosion de la bombe. Certains d’entre nous ont même failli être étouffés par le poids des corps que nous recevions par dessus la tête et des jets de pierres et de terre.» Tout le monde fut alors embarqué dans des fourgons et des véhicules type Peugeot 504 bâchée pour être transférés vers l’ancien Souk El Fellah de Dellys qui sert de caserne aux éléments de la BMPJ. «Couchés à plat ventre, les mains sur la nuque, nous avons tous été tabassés à coups de Rangers, de crosses, de poings, de ceintures. Certains d’entre nous ont eu les doigts coincés dans la fente d’une porte métallique et brisés. Des personnes ont été mises à poil et d’autres ont été jetées avec violence contre des portes vitrées, ce qui leur a causé de graves blessures, côtes brisées, le dos et le visage lacérés par les débris de verre… Rien n’a pu assouvir la rage de ces policiers et gendarmes qui nous lançaient : vous êtes tous complices (…). Si vous êtes des hommes allez montez au maquis». Même les deux membres d’une famille d’un ancien moudjahid assassiné par les terroriste n’ont pas échappé à cette descente infernale. Ils ont été roués de coups. L’un a eu le bras fracturé et l’autre les côtes brisées. Cette descente aurait pu se terminer en cauchemar si ce n’était l’arrivée sur les lieux du commissaire de la police judiciaire de la sûreté de la wilaya de Boumerdès qui a mis un terme à cette grave dérive. Il a ordonné la libération des séquestrés. «Pour calmer les esprits, j’ai d’abord évacué les blessés vers les hôpitaux et demandé à toutes les autres personnes de déposer plainte auprès du commissariat de Dellys et du groupement de la gendarmerie contre les auteurs de ces incidents», nous a-t-il affirmé au téléphone. Ce responsable a reconnu la gravité des faits. «J’ai d’ailleurs insisté pour que les concernés viennent identifier les auteurs sur photo et les poursuivre en justice afin qu’ils soient sanctionnés administrativement et pénalement. Il n’est pas question que ces actes restent impunis.» A propos de la mort d’un des blessés, l’officier a reconnu que la victime était parmi les personnes évacuées dans un état critique. «Il était diabétique, et selon le rapport médical, il est mort à la suite d’un arrêt cardiaque. Malgré cela, le procureur a demandé une autopsie pour vérifier si sa mort est liée à l’incident. Pour le moment, nous attendons le rapport du médecin légiste.» Nous avons appris par ailleurs que le procureur général de Boumerdès a été saisi de cette affaire et une enquête a été ouverte au niveau de la sûreté de wilaya. Hier matin, le président de l’APW de Boumerdès a rendu visite aux blessés en les encourageant à déposer plainte le plus vite possible. Mais la première action des victimes a été de saisir par écrit le président de la République et toutes les autorités concernées, entre autres le ministère de l’Intérieur, le DGSN, le Commandement de la Gendarmerie nationale et le commandant du secteur militaire de Boumerdès. En l’attente des réponses, les victimes ont l’intention d’ester en justice chacune de son côté les auteurs de ces actes.

 

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