Un jeune Franco-Algérien de Lille rentre en France après avoir passé huit mois dans une prison près d’Alger
Un jeune Franco-Algérien de Lille rentre en France
après avoir passé huit mois dans une prison près d’Alger
De notre correspondant régional, Le Monde, 5 juin 2001
Près de huit mois après son incarcération à la prison d’El Harrach, près d’Alger, Mohamed Bilem a pu regagner la France dans la nuit de lundi à mardi 5 juin. Ce Franco-Algérien de trente-quatre ans, qui était accusé d’avoir participé, le 24 avril 1993, à une tentative d’assassinat contre le général algérien Kamel Abderrahim, n’a jamais cessé de clamer son innnocence. Il est arrivé à Roissy par un vol d’Air Algérie vers 23 heures, dans un état de santé alarmant, selon ses proches. Très amaigri et affaibli, il a été immédiatement hospitalisé à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) pour y subir une intervention de chirurgie digestive, mardi matin. Il souffrirait d’une péritonite aiguë, a indiqué sa sur, Fadila Bilem. Selon elle, les médecins considèrent son état comme critique.
Ce jeune habitant du quartier populaire Lille sud a été arrêté le 11 octobre 2000, à son débarquement à Alger, où il s’était rendu pour un court séjour en compagnie de sa mère et de l’un de ses frères. La justice algérienne lui a reproché, dans un premier temps, d’avoir participé à un attentat le 27 octobre 1994. L’accusation ne tient guère : Mohamed Bilem a, en effet, purgé une peine de prison en Espagne pour trafic de cannabis de mars 1994 à août 1996, comme l’atteste un document de l’administration pénitentiaire espagnole qui a été transmis très rapidement aux autorités algériennes.
Le jeune Lillois est alors accusé d’avoir pris part, en 1993, à la tentative d’assassinat du général Abderrahim, qui aurait cru le reconnaître sur une photo prise à Lille dix-sept ans plus tôt, sur laquelle il pose en compagnie d’Omar Chergui, un cousin devenu par la suite militant du FIS.
Ce dernier, qui a bénéficié de la loi algérienne sur la « concorde civile » et n’est plus inquiété, s’est rendu à la gendarmerie d’Alger pour défendre son parent. Mohamed Bilem – qui fut toujours vigoureusement soutenu par sa famille et ses amis – affirme ne s’être jamais rendu en Algérie avant juillet 2000, un voyage au cours duquel il ne fut, d’ailleurs, pas inquiété.
« LE COUPABLE IDÉAL »
Ses avocats – parmi lesquels Me Bouchachi, désigné par Amnesty international, en Algérie, et Pascal Cobert, à Lille – soulignent que le dossier contient d’incroyables faiblesses – notamment les hésitations du général qui, tout en affirmant avoir le pressentiment qu’il s’agit bien de l’homme qui a tiré sur lui, mentionne une différence de corpulence et de taille. Toutes les demandes de mise en liberté ont été refusées. Plusieurs élus du Nord, dont Bernard Roman, président de la commission des lois à l’Assemblée nationale et Guy Hascoët, ministre de l’économie solidaire, ont alerté les autorités françaises.
Mohamed Bilem « n’est impliqué dans aucun réseau » et « ne représente aucun danger pour les autorités algériennes », soulignait à l’époque de son arrestation, Me Cobert. Pour l’avocat, qui est aussi président de la Ligue des droits de l’homme dans le Nord, il faisait donc figure de « coupable idéal qui peut permettre de boucler une vieille affaire » (Le Monde du 6 décembre 2000). La pression de la famille, des amis et des avocats de Mohamed Bilem a, néanmoins, fini par payer. Une commission rogatoire délivrée par un juge d’instruction algérien a permis à la police lilloise d’auditionner, en mars, vingt-sept témoins attestant la présence du jeune homme à Lille en avril 1993, date de sa participation supposée à l’attentat contre le général Abderrahim.
Ces témoignages semblent avoir convaincu la justice algérienne. Le jeune Lillois a pu quitter sa cellule dimanche 29 avril (Le Monde du 10 mai), mais il est resté placé sous contrôle judiciaire sans pouvoir quitter le territoire algérien. Malade, très éprouvé moralement, il a attendu cinq semaines dans un hôtel de la banlieue d’Alger en compagnie d’Ahmed, l’un de ses frères venu le soutenir, avant de recevoir, dimanche 3 juin, son passeport et son autorisation de sortie.
« Il s’agit du dernier épisode avant un non-lieu qui, pour l’instant, n’est toujours pas prononcé », affirme Me Cobert. Ahmed, qui l’a accompagné jusqu’à Paris, et sa sur Fadila craignent cependant que cette mesure vienne un peu tard. « On nous l’a rendu dans un état lamentable, s’indigne cette dernière, des sanglots dans la voix. Il est très amaigri, son teint est jaunâtre, les yeux lui sortent des orbites. Il ressemble à un malade en fin de vie. On nous a fait attendre. On nous a traités de menteurs quand nous disions qu’il était au plus mal et devait être rapatrié d’urgence. »
Bilem retrouve la liberté… provisoire
Mohamed Bilem nie toute implication dans une tentative d´assassinat contre un général algérien