L’affaire des «charniers» devant la Cour le 10 février

 

Ali Benhadj serait mourant

Sa famille alerte une «dernière fois» Bouteflika

Par Mohamed Zaâf, Le Jeune Independant, 28 janvier 2002

La famille d’Ali Benhadj a décidé de saisir par écrit le président Bouteflika et de lui lancer un «dernier appel» afin d’intervenir et de mettre fin aux vicissitudes du détenu de Blida, sans quoi les risques sont grands de le voir trépasser, selon la correspondance. Sur un ton des plus alarmiste, cette lettre intervenue au lendemain de la visite rendue lundi dernier, à Benhadj, dans sa prison militaire à Blida, exhorte le Président à «mettre un terme à ceux qui planifient sa mort, usant de moyens inhumains». Sa famille atteste que lors de leur dernière rencontre avec Ali Benhadj, il se trouvait dans un état qui le rendait «incapable de marcher, de parler, de se tenir debout ou même de respirer» convenablement. «Sa faiblesse et ses souffrances ne font que s’accumuler alors que dans la journée du 19 janvier dernier, le gardien de prison l’avait découvert inanimé, deux heures après avoir perdu connaissance», se plaint-elle. «Comment une telle chose peut-elle se produire dans une institution qui se revendique comme «l’héritière de l’Armée de libération nationale», s’insurge-t-elle.

Dans sa lettre au Président, la famille de Benhadj dresse un parallèle entre le traitement infligé au dirigeant islamiste et la complaisance observée vis-à-vis de ceux impliqués dans d’autres évènements. Au niveau de la nation, «il existe une désobéissance civile dans diverses régions du pays, il se trouve des voix qui appellent à la division du pays, qui évoluent dans les rouages du pouvoir et que le peuple algérien connaît de près, non pas à travers les écrits (de presse)», relève-t-elle. Cependant, «personne n’ose leur faire face car ils ont le bras long, d’une longueur qui parvient outre-mer», note-t-elle encore. Quant à Ali Benhadj, «on le torture dans sa prison individuelle, dans un isolement total, meurtrier, comme s’il était la cause de toutes les tragédies connues par l’Algérie depuis l’aube de l’histoire», reproche-t-elle. «N’êtes-vous pas le premier magistrat du pays, n’êtes-vous pas le protecteur des gens, n’êtes-vous pas le Président de tous les Algériens ? Nous vous appelons de partout, où êtes vous ? Où se trouve la justice algérienne ? Où sont la fermeté et l’équité ? Dans quel Etat sommes nous ? Qui sont ceux qui envisagent son (Ali Benhadj) élimination physique et son assassinat selon des méthodes loin d’être courageuses et qui n’honorent point votre réputation», s’interroge la famille Benhadj dans sa lettre au Président. Aussi, fait-elle état de ses «doutes sur le sort» du détenu qui se déciderait par une «partie étrangère». «Il se trouve des comparaisons et ce qui s’est produit dans divers lieux de par le monde le préfigure», argumente-t-elle, dans une allusion à la campagne occidentale anti-islamique à la faveur des attentats anti-américains du 11 septembre. «Nous avions observé le silence jusqu’ici, mais aujourd’hui nous constatons que notre enfant se meurt devant nous, dans un Etat qui se réclame de l’islam, du nationalisme, de l’arabisme, de la démocratie et des droits de l’homme alors que la réalité fait apparaître totalement le contraire», déplore la lettre.

La missive rappelle au Président son engagement pris devant Mme Louisa Hanoune, du Parti des travailleurs, au début de son mandat. Elle reproduit dans son intégralité le passage consacré à Ali Benhadj, dans la réponse présidentielle à l’écrit de Mme Louisa Hanoune qui le saisissait sur nombre de sujets dont le cas Benhadj. Ce fils de chahid se voyait, à l’époque, imposer un régime draconien qui lui interdisait jusqu’aux visites familiales, rappelle-t-on. Dans sa réponse que Mme Hanoune choisit de rendre publique, M. Bouteflika révélait avoir déjà pris une initiative en faveur de Benhadj mais admettait que ses directives n’étaient pas respectées. Néanmoins, il promettait de récupérer à Ali Benhadj tous les droits qui lui étaient reconnues par les lois de la République.

«Ce sont là vos belles paroles, Monsieur le Président. Des paroles exquises, raffinées mais qui, en vérité, ne sont qu’illusions et mirages qu’un assoiffé prendrait pour de l’eau dans un désert», tranche la lettre.

Ce dur rappel n’empêche pas, cependant, la famille d’intercéder auprès du Président pour «l’exhorter à intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Avant que l’homme ne rende son dernier souffle». Alors le peuple algérien se remémorera qu’en 1991, à l’époque de Chadli Bendjedid, Ali Benhadj était arrêté au siège de la télévision et qu’il meurt en 2002, entre les mains d’Abdelaziz Bouteflika, censé «venu sauver l’Algérie après une décennie noire puis une autre rouge», conclut la lettre en substance..