Lexpulsion de 90 familles à Leveilley a tourné hier à laffrontement
Le Syndicat National des Avocats Algériens
Action Urgente
90 familles comprenant 450 enfants étudiants (50), écoliers primaires, et des lycéens en majorité, sont victimes d’expulsion forcée et violente par les forces de sécurité requises par le wali délégué de Hussein-Dey, wilaya d’Alger.
Cette mesure impopulaire et inhumaine qu’exécutent les autorités administratives locales ne repose sur aucune base légale et n’a fait l’objet d’aucune décision judiciaire, outre le fait qu’elle vise des administrés de la commune qui ont bénéficié d’attribution de leur logement légalement au moyen de trois arrêtés délivrés par l’APC contre versement d’une avance dûment encaissée par l’APC d’un montant global de 13 828 000 DA.
L’expulsion provoque un grave trouble à l’ordre public tant l’injustice et l’abus de pouvoir sont flagrants et constitue un crime caractérisé contre l’humanité.
Il est constant que le Wali ne peut se prévaloir d’aucun droit de requérir la force publique en dehors de ses prérogatives en cas de troubles à caractère politique. En l’espèce, il s’agit d’un litige de droit commun relevant de la compétence du procureur d’octroyer ou non la force publique, quand il en est régulièrement requis.
Il est donc demandé à toutes les autorités compétentes d’intervenir afin d’éviter le massacre des femmes et d’enfant comme cela fut le cas dans l’affaire des 3 familles Douibi, où un enfant mort-né a été déploré à la suite de coups portés par des éléments de la police, et l’Affaire Rahmouni dont la mère de famille, enceinte a été violentée par des policiers et embarquée au poste de police quelques minutes après son accouchement, le nouveau-né abandonné seul au domicile, ou tout récemment, l’affaire Benzadi connue par la mise en garde à vue d’un bébé de 18 mois pendant 25 heures sans bénéficier d’allaitement, car séquestré au commissariat de police sans la présence de ses deux parents.
Cet appel interpelle monsieur le Président de la République, Premier Magistrat du pays et gardien de la Constitution et prend témoin l’opinion publique et le peuple au nom duquel la justice est rendue.
C’est un appel de détresse
Signé:
L’association « 170 logements » agrée depuis 1993
L’association « SOS expulsions »
Le Syndicat National des Avocats Algériens
Alger le 3 janvier 2001
Me M. Khelili
Lexpulsion de 90 familles à Leveilley a tourné hier à laffrontement
Hasna Yacoub, La Tribune, 3 janvier 2001
Les enfants dEl Hidjara à El Magharia ! On aurait été tenté, hier, de le croire face au spectacle des familles expulsées par lOPGI au motif quelles sont des «indus occupants». Ce sont quatre-vingt-dix familles parmi les cent soixante-dix bénéficiaires du projet appelé 170 logements qui, sommées de quitter dans les plus brefs délais leur logement dans cette cité du 5 Juillet à El Magharia (ex-Leveilly), qui ont réagi. Des vieux, moins vieux et des enfants sont debout devant «leurs logements». Ils sont tous décidés à mourir pour garder ce qui a été, pour un moment illusoire, leur bien. Ces derniers tentent, tant bien que mal, «à croire, disent-ils, dans la justice de leur pays». Les banderoles, suspendues sur les façades des immeubles habités, expliquent la colère des expulsés : «Cessons le marchandage», «oui pour un Etat de droit, non à la hogra». En plus de ces banderoles, les citoyens brandissent leurs affectations et tentent dexpliquer aux agents de la BMPJ, qui ont formé hier un impressionnant cordon de sécurité, la régularité de leur situation. Rien ny fait. Lopération dexpulsion commence. Un vieux, cardiaque, crie sa détresse avant dêtre évacué dans une ambulance. Il aura eu le temps de balbutier «hogra ! hogra ! durant toute ma vie je nai jamais possédé un logement». Passé cet intermède douloureux, lexpulsion se poursuit : les brigades anti-émeute, avec laide des agents de lOPGI et accompagnés du wali délégué dHussein Dey et du directeur général de lOPGI, forcent, sous les cris des femmes, les serrures des cages descaliers. Lune des femmes hurle : «Hagrouna, hna wliyates. Où sont passés nos hommes ?» Après cela, ça a dégénéré. La situation tourne à laffrontement à coups de bâtons et de pierres entre les brigades anti-émeute et les bénéficiaires malheureux. Après quelques minutes, le calme revient pour un instant avant que la situation ne redevienne «explosive». «Pleurons la Palestine et tuons les Algériens», crie une femme du balcon dun immeuble. Un père, agitant son enfant du haut de son balcon, promet de le jeter dans le vide si jamais les forces de lordre persistent à les déloger en présence du wali délégué de la circonscription de Hussein Dey. Comment est-on arrivé là ? Flash-back.Cette affaire remonte à 1991. A lépoque, lAPC de Leveilly, sous légide du parti dissous (FIS), recense près de 170 familles nécessiteuses et lance le projet 5 Juillet des 170 logements. Avec les bénéficiaires, il est convenu en premier lieu dun financement participatif. Les premières préaffectations dattribution de logement sont distribuées durant cette année. Entre 1991 et 1993, le projet est mis à larrêt après la dissolution de lex-FIS. Le chantier est relancé après la constitution dune association. Avec laccord du délégué exécutif communal (DEC) de lépoque, cette dernière réussit à obtenir lapprobation du wali dAlger pour convertir le projet de son cadre participatif à celui de social. En 1995, une deuxième «préaffectation dun logement en cours de réalisation» est donnée aux bénéficiaires par le DEC. Jusquà aujourdhui, le projet nest toujours pas terminé. Alors que lOPGI avait signé un PV de réunion, en juin 1999, avec les représentants de lassociation, de lAPC et du bureau détudes du projet Ofares où il est mentionné ce qui suit : «Il est demandé au maître de louvrage et au bureau détudes dassainir dans les meilleurs délais la situation contractuelle des entreprises afin de permettre une relance effective de lactivité sur le chantier et de ce fait, respecter les engagements relatifs à la livraison des 90 logements pour la fin de lannée 1999», elle dépose, aujourdhui, plainte pour occupation illégale. A ce sujet, le directeur général de lOPGI, M. Guida, a infirmé hier que lOffice na jamais autorisé lhabitation. «Ils nous ont aidés pour le gardiennage et par la suite ils ont occupé indûment les logements.» Il explique que laffectation du logement social suit les normes : un contrat, un cautionnement et en plus il faut que le site soit viabilisé. Ce qui nest certes pas le cas puisque le projet est encore en chantier. De son côté, le wali délégué déclare : «Moi, je travaille dans la légalité. La distribution de ces logements na pas suivi la voie réglementaire. Les listes doivent être affichées. Les recours enregistrés et par la suite le wali doit entériner la liste et affecter les quotas respectifs aux communes.» Concernant les affectations délivrées par le président de lAPC dEl Magharia et sa responsabilité dans la situation actuelle, le wali délégué se contentera de dire : «Nous voulons que chacun comprenne ce quest un Etat de droit et que chacun se limite à ses prérogatives.»A ce propos, les responsables de lassociation affirment, documents à la main, quen plus du fait que la liste des bénéficiaires ait été affichée durant une cinquantaine de jours, une copie a été adressée, en octobre 1999, par lAPC au wali et une autre à lOPGI dans laquelle il est demandé à cet organisme d«élaborer les contrats de location pour les bénéficiaires». Autre fait qui embrouille encore plus cette affaire, la décision daffectation définitive délivrée par le président dAPC en janvier 2000. Labsence de ce dernier hier, alors que les bénéficiaires ont plusieurs fois exigé sa présence, a fait tache dhuile. Le chargé du social, M. Medjdane, élu FLN, sest, quant à lui, mobilisé à côté des «indus occupants». Il affirme que «la procédure daffectation a suivi son cours légal. Le wali délégué a refusé de me parler mais je lui ai dit quen ma qualité de représentant du peuple, ces gens là ne doivent pas être expulsés. Sil y a sanction à prendre, il faut quelle soit prise à lencontre des responsables. Je suis prêt à assumer ma responsabilité». Tout en fustigeant son président de tendance RND, ce dernier souligne : «Pour moi, le président fuit ses responsabilités. Moi, en tant que chargé de ce dossier, je nai pas été informé de cette opération dexpulsion. En plus, il aurait fallu faire une réunion extraordinaire avant toute décision. Je continue à affirmer que la liste des 170 logements est la seule qui na pas enregistré de recours. On devrait plutôt sintéresser au projet des 236 logements au lieu de toucher au petit peuple.» Il faut noter que certains élus de lAPN se sont présentés sur les lieux pour se diriger juste après vers le wali dAlger et demander larrêt de lexpulsion. «Ces gens là ne sont pas entrés par effraction. Cest ladministration qui a fauté et cest à elle dassumer ses erreurs», dira Mme Nouara Djafer. Enfin, il est à signaler que le comité SOS Expulsion du Syndicat national des avocats algériens souligne dans un communiqué qu«il est demandé à toutes les autorités compétentes dintervenir afin déviter le massacre des femmes et des enfants. [ ] Cet appel interpelle le président de la République et prend témoin lopinion publique».