Chalabi, expulsé de France, prisonnier en Algérie

Chalabi, expulsé de France, prisonnier en Algérie

Paris assurait que l’islamiste ne craignait rien dans son pays.

Par Michel Henry, Libération, 20 novembre 2001

Chalabi était, selon ses deux avocats, concerné par une condamnation à mort prononcée par contumace en Algérie. Mais Paris a toujours démenti cette allégation. Marseille de notre correspondant

Qui a menti? Paris ou Alger? Un des deux au moins, assurément. En expulsant depuis Marseille l’islamiste Mohamed Chalabi vers l’Algérie, sachant les risques qu’il y courait, le gouvernement français avait indiqué: «Les autorités algériennes nous ont fait savoir que [Chalabi] ne fait l’objet d’aucune condamnation pénale en Algérie.» Or Chalabi, arrêté dès son arrivée à Alger le 9 novembre et depuis maintenu au secret, est en prison depuis dimanche pour «appartenance à un groupe terroriste». C’est le parquet général d’Alger qui l’a indiqué hier à l’Agence France-Presse.

Soutien aux GIA. Condamné en France en 1995 à huit ans de prison en raison notamment de son appartenance à un réseau de soutien aux GIA (Groupes islamiques armés), Chalabi a été inculpé à Alger de «création et appartenance à un groupe terroriste armé en vue de commettre des crimes de dévastation et de destruction». Selon le parquet général d’Alger, Chalabi a auparavant «été placé en garde à vue jusqu’au 18 novembre, conformément aux délais fixés par la loi dans le cadre des dispositions relatives aux affaires de terrorisme et de subversion». Le parquet affirme que Chalabi fait l’objet d’une «condamnation criminelle par contumace pour crimes de terrorisme et subversion» et qu’il était recherché en vertu d’un «mandat d’arrêt international».

Comment la France a-t-elle pu ignorer pareilles informations, si elles sont exactes? Condamné en France en 1999 pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» (son réseau de soutien aux GIA opérait depuis une école coranique à Choisy-le-Roi où la police a saisi, en 1995, des armes et des munitions destinées aux islamistes algériens), Mohamed Chalabi, 46 ans, était également, selon ses deux avocats, Isabelle Coutant-Peyre en France et Mahmoud Khelili à Alger, concerné par une condamnation à mort prononcée par contumace en Algérie à l’initiative de la justice militaire. Mais Paris a toujours démenti cette allégation. «Comme la condamnation algérienne ne mentionne pas expressément son nom, on me répondait que ça ne le concernait pas», indique Me Coutant-Peyre. Les faits semblent aujourd’hui lui donner raison: «Il est en maison d’arrêt dans le cadre d’une opposition à ce jugement», affirme-t-elle.

Pour Me Isabelle Coutant-Peyre, «le gouvernement français a menti, ou on lui a menti, mais dans tous les cas il est responsable». Responsable, d’abord, d’avoir expulsé Chalabi «irrégulièrement», alors qu’il avait déposé une requête en relèvement de l’interdiction définitive du territoire: normalement, étant né en France et père d’enfants français, Chalabi est inexpulsable, «comme le stipule une circulaire du ministère de la Justice», affirme Me Coutant-Peyre.

Autre pays. Pour l’avocate, la France est aujourd’hui responsable de ce qui se passe en Algérie, d’autant que son client aurait pu être expulsé dans un autre pays: «Nous avions alerté tout le monde sur le risque qu’il courait en Algérie, et maintenant ce risque est réalisé. Donc le gouvernement français doit réclamer son rapatriement en France.».