Et va pour les effets dannonce !
Et va pour les effets dannonce !
Par Ahmed Kaci, La Tribune, 8 avril 2002
Le président Bouteflika vient de saisir la Commission nationale de promotion et de protection des droits de lhomme que préside lavocat Ksentini afin de lui préparer un rapport avant le 31 mars 2003 sur la pertinence du dispositif juridique national par rapport aux «standards internationaux consacrés dans les conventions internationales auxquelles souscrit lAlgérie». Laudit demandé par le chef de lEtat devrait donner lieu à la mise en uvre dun plan national des droits de lhomme. On estime que lintérêt porté par Bouteflika à cette question nest pas étranger aux accusations portées à lencontre de lAlgérie en matière de violations flagrantes des droits de lhomme dans les différents rapports élaborés par les organisations non gouvernementales (ONG), comme Amnesty et la FIDH et les organismes travaillant pour le compte des Etats comme le dernier en date émanant du département dEtat américain sur la situation dégradée des droits de lhomme dans notre pays.A ces pressions régulières, même timorées, exercées par la communauté internationale, sajoute, celle plus déterminante, de la société qui nhésite plus à dénoncer, voire à protester contre toute atteinte aux droits de la personne humaine. Lexemple de la protesta qui dure depuis une année en Kabylie et les explosions de colère vécues dans la plupart des régions du pays ont toutes pour détonateur la hogra institutionnalisée. En Kabylie, cest lassassinat du jeune Guermah Massinissa dans les locaux de la gendarmerie qui a mis le feu aux poudres à toute une région. Le cas de lassassinat du jeune lycéen de Beni Douala nest pas isolé. Il y a eu le jeune collégien tué dune balle à Aïn Naadja et, plus récemment, celui du jeune Merabti Mohamed à Oran, victime dune grave bavure policière. De laveu même du président du CNCPPDH, la torture est utilisée à grande échelle et la moitié des prisonniers le sont à titre préventif en attendant que leur «innocence» soit prouvée. Le nombre de dossiers de personnes disparues est de 4 600, selon Me Ksentini, et dépasserait les 10 000, selon Ali Yahia Abdenour de la LADDH. Ce dernier dresse dailleurs un tableau des plus noirs sur létat des droits de lhomme en Algérie dans son dernier rapport. Cette réalité plutôt amère concerne, pour lessentiel, deux droits fondamentaux, en loccurrence le droit à la vie et le droit à la liberté. Lampleur du champ des atteintes aux droits dans les autres domaines (politique, économique, social et culturel) est certainement encore plus dramatique que ne le disent les rapports officiels.Que le chef de lEtat sintéresse de près à cette question, linscrive dans son agenda et en fasse une priorité ne peut que réjouir tous les défenseurs des droits de lhomme mais en confiant une telle mission à un organisme dEtat lui-même pris en faute pour non-respect des droits de lhomme paraît contradictoire. Combien cette contradiction ne serait pas dolosive, le sort réservé aux recommandations des diverses commissions installées par Bouteflika depuis son arrivée à El Mouradia, comme celles relatives à la réforme de la justice, de lécole ainsi quaux résultats denquête de la commission Issad sur les événements de Kabylie est suffisamment édifiant pour refroidir le plus optimiste des Algériens.Les droits de lhomme sont partout dactualité dans le monde. Les Etats les respectent ou les foulent au pied et cest de notoriété que les pouvoirs ont tendance à les violer, notamment quand ceux qui, traditionnellement, les défendent sont marginalisés, censurés et désignés à la vindicte, voire réprimés et condamnés à la réclusion. La violence de lEtat nest un arbitraire pour soi que lorsque son rôle politique incarné dans des institutions visibles et lisibles régis par la loi se délite au profit de pouvoirs occultes et imprévisibles. La question du respect des droits de lhomme est lun des fondements du politique et partant, de lEtat qui ne peut être résolue par des mécanismes techniques et quantifiés comme si on avait à mesurer le PIB dune nation ou un quelconque indicateur économique. Cest un état desprit général en somme qui détermine la problématique des droits de lhomme.En attendant que le CNCPPDH accomplisse son audit de la législation nationale en matière de droits de lhomme, on est en droit de se demander ce qui, en principe, empêcherait le chef de lEtat de peser de tout son poids pour faire respecter les droits élémentaires de la personne humaine en se basant, si tant est que la législation nationale serait défaillante, sur les instruments internationaux en la matière auxquels lAlgérie a adhéré et pris engagement devant la communauté internationale. Cela ne signifierait-il pas tout simplement noyer le poisson dans locéan de la politique spectacle et les effets dannonce à la place dactes concrets ?