Conférence-débat à Marseille

FIDH
Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme

LADDH
Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme

 

Communiqué

Alger – Paris, le 09 avril 2002

La Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH, affiliée de la FIDH) vient de rendre public un rapport sur la répression qui se poursuit depuis un an, en Algérie (« Répression du printemps noir, avril 2001-avril 2002 »). La FIDH est intervenue aujourd’hui devant la Commission des droits de l’Homme pour alerter ses 53 Etats membres, de cette répression décrite par ce rapport. A la fin de son intervention orale sur l’Algérie, lors de la 58ème Commission des droits de l’Homme de l’ONU, la FIDH a remis ce rapport au président de la Commission ainsi qu’au Rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires.

Extrait de l’intervention orale :

« Monsieur le Président,
La FIDH appelle la Commission des droits de l’Homme à réagir avec la plus grande fermeté à la dégradation dramatique de la situation en Algérie où, en 15 jours, en Kabylie, 7 personnes ont trouvé la mort – certaines par arme blanche – portant à 90 le nombre de victimes depuis un an, dont certaines exécutées sommairement. 350 personnes au moins ont été arrêtées arbitrairement, dont une vingtaine d’adolescents. La FIDH appelle la Commission à demander à l’Algérie d’accepter les demandes de visites qui lui ont été adressées à plusieurs reprises par le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, mais aussi par le Groupe de travail sur les disparitions forcées, pour enquêter sur les 7200 cas de disparitions recensés à ce jour par les associations – 4880 cas selon les autorités. »

Pièce jointe : Déclaration du président de la LADDH, du 02 avril 2002

Déclaration de Me Ali Yahia Abdennour,

président de la LADDH, 02/04/2002
(version actualisée au 09/04/02)

Les informations qui nous sont parvenues ces quinze derniers jours font état d’une situation d’émeute et de répression féroce de la part des forces de l’ordre sur des populations civiles non armées. En effet, des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre dans les wilayates d’Ain Defla, de Saida, de Béjaïa, de Bouira, de Sétif et de Tizi-Ouzou ont fait, en quinze jours, sept morts, dont trois adolescents de moins de 18 ans, et des dizaines de blessés dont certains ont été atteints par balles réelles et seraient toujours dans un état grave. Les forces de l’ordre ont opéré des expéditions punitives, saccageant commerces et voitures de particuliers, viols de domiciles suivis d’actes de représailles sur des passants, utilisant des armes blanches pour réprimer des jeunes, plongeant ainsi des villages entiers dans une sorte d’Etat d’exception et de couvre feu où tout citoyen qui se risque de nuit comme de jour dans les rues, est passé à tabac puis arrêté.
En quinze jours d’affrontements, plus de deux cents arrestations ont été opérées dont certaines sont ciblées et arbitraires. Des arrestations ont été suivies de condamnations à des peines allant de 4 mois à 2 ans d’emprisonnement ferme. Contre certains d’entre eux, dix-huit chefs d’inculpations ont été retenus. Cette chasse aux manifestants s’est déroulée sous forme de rafles nocturnes avec des hommes armés et cagoulés à bord de voitures banalisées. La situation risque de s’aggraver d’autant plus que 400 mandats d’arrêts auraient été lancés contre des animateurs des  » comités de villages  » des différentes localités de Tizi-Ouzou, Béjaïa, Bouira et Sétif.
La révolte dure maintenant depuis un an et elle est loin d’être cantonné à la seule Kabylie puisqu’elle a touché plus d’une vingtaine de départements à travers l’Algérie. Ces manifestations de rue ont fait à ce jour plus de 90 morts, dont de nombreuses victimes d’exécutions arbitraires, plus de 5000 blessés dont 200 handicapés et des milliers d’arrestations suivies de mauvais traitements, tortures et détentions arbitraires. Cette situation qui touche toutes les franges de la société et notamment les plus jeunes est une conséquence directe de l’absence d’Etat de droit et de  » la mal gouvernance  » de l’Etat Algérien. Ces mouvements de protestations de rue sont aussi une conséquence du climat d’impunité qui a prévalu ces dernières années en Algérie. À ce jour, les auteurs de violations des droits de l’Homme, notamment, les gendarmes, policiers, Gardes communaux et militaires qui sont clairement identifiés comme étant responsables d’exécutions, de tortures, de vols et de destructions de bien privés, depuis avril 2001 ne sont pas inquiétés. Ce sont plutôt des citoyens qui, aujourd’hui, se retrouvent arrêtés et poursuivis par la justice.
Ces faits risquent d’accentuer encore plus la fracture existante entre la population et les autorités et ne peuvent qu’encourager de nouvelles violences et de nouveaux affrontements entre les citoyens et les forces de l’ordre qui utilisent une violence, qui n’est ni strictement nécessaire ni conforme au principe de proportionnalité, risque d’entraîner d’autres mort sur les populations civiles.
De par ces violations au droit à la vie, le pouvoir algérien a violé les articles 2 et 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les articles 2, 4, 6 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et n’a pas respecté le droit à la vie des personnes âgées de moins de 18 ans qu’on retrouve expressément énoncé dans l’article 6 de la Convention relative aux droits de l’enfant. De plus, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au paragraphe 2 de son article 4, et le principe 8 des principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, adopté par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à la Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990, dispose qu’aucune circonstance exceptionnelle, comme l’instabilité de la situation politique intérieure ou tout autre état d’urgence, ne peut être invoquée pour justifier une quelconque dérogation au droit à la vie et à la sécurité de la personne. La reconnaissance générale du droit à la vie de chacun dans les instruments internationaux susmentionnés constitue la base de l’action du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.
La LADDH lance un appel urgent au rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires pour que celui-ci intervienne, selon son mandat, en urgence et prenne toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir de nouvelles violations du droit à la vie.
La LADDH appelle aussi, la Commission des droits de l’Homme à :
– Faire en sorte que le Rapporteur spécial assure le suivi les 82 exécutions arbitraires déjà transmises par la LADDH en novembre 2001 ainsi que sur les 7 dernières, selon les termes de la résolution de la Commission des droits de l’Homme 1996/76
– Soutenir les demandes de visites en Algérie des Rapporteurs spéciaux sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, le Rapporteur spécial sur les détentions arbitraires, le Rapporteur spécial sur la torture et le groupe de travail sur les disparitions forcées.
– Faire en sorte que le gouvernement algérien cesse de réprimer les populations civiles, respecte ses engagements internationaux, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte International relatif aux droits civils et politiques, le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention relative aux droits de l’enfant, et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Alger, le 02 avril 2002
P/LADDH
Président Ali Yahia Abdennour

LADDH
5, Rue Mohamed Lebib -Alger.
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E mail : [email protected]

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