Le pays s’installe sous le règne de la terreur

FAILLITE SECURITAIRE

Le pays s’installe sous le règne de la terreur

Par Fayçal Métaoui, El Watan, 15 juin 2002

Depuis un certain temps, les groupes armés semblent faire ce qu’ils veulent. Ils tuent où ils veulent et quand ils veulent. En ville et en dehors. De nuit comme de jour. Le centre du pays, à partir d’Alger et jusqu’à Tiaret, paraît livré à une violence semblable à celle qui avait prévalu lors des premiers mois du terrorisme.

Livré dans le sens large du terme. Car, comment expliquer qu’en l’espace de 48 heures 22 citoyens soient tués dans des conditions atroces, à Médéa et à Douéra, sans que les services de sécurité soient capables de dire comment les tueurs ont pu prendre la fuite et pourquoi l’intervention se fait toujours tardivement. A Douéra, aux portes de la capitale, les tueurs ont frappé, à deux reprises, dans la même commune, sans que les services chargés de protéger les citoyens interviennent. Après le massacre de onze passagers d’un bus, mardi 11 juin à Médéa, la cellule de communication de la 1re région militaire (Blida) a rendu public un communiqué sur les deux auteurs présumés de la tuerie. «Le premier fut intercepté par une patrouille de la brigade mobile de la police judiciaire (BMPJ) locale, alors que le second a été accroché dans une embuscade tendue par les militaires à la sortie ouest de la ville. Ces criminels réussirent à s’enfuir après un échange de tirs», y était-il écrit dans le document de l’autorité militaire. Dans cette déclaration, il est permis de déceler deux choses : un aveu d’échec et d’incompétence. Car, après dix ans de lutte contre le terrorisme, l’armée a, théoriquement, un nombre suffisant d’éléments opérationnels entraînés qui, a priori, ne peuvent pas échouer à neutraliser un terroriste dans une embuscade. Ce qui s’est passé mardi dernier à Médéa ressemble bien à une faillite. Faillite également lorsque des terroristes tirent sur des policiers en plein centre d’Alger et arrivent à s’enfuir avec une facilité déconcertante. Passons sur le fait que les enquêtes policières et judiciaires sur ces crimes ne sont jamais menées à bout. Autre chose : Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur, est allé à Médéa, au lendemain du massacre du 11 juin, pour dire ce qui ressemble, là aussi, à une énormité : «Renforcer les mesures de sécurité dans l’ensemble de la wilaya de Médéa.» Comment parle-t-on de «renforcer» les mesures de sécurité dix ans après l’instauration, bien lourde, de l’état d’urgence ? Et pourquoi «renforcer» aujourd’hui ? Cela veut-il dire que l’Etat aurait pu éviter la mort à des centaines de personnes rien qu’à Médéa et sa périphérie mais qu’il ne l’a pas fait ? Zerhouni, dont la mauvaise gestion des dossiers sécuritaire et politique est de notoriété publique, continue, à sa manière, de faire dans le cynisme comme si le pays en avait besoin. La «sortie» sur le terrain de Zerhouni répond, visiblement, au souci de déclarer : «J’y suis, j’y reste.» Avec une moyenne mensuelle de 200 morts parmi les civils, situation semblable à un pays en état de guerre, l’Algérie risque de ne plus être prise au sérieux à l’étranger lorsque son premier responsable parle de la «détermination» de lutter contre le terrorisme dans le cadre de la «global war» imposée par l’administration américaine après les attentats du 11 septembre.

Cette volonté existe-t-elle vraiment ? Les Algériens sont-ils condamnés à vivre le terrorisme comme une fatalité ? Ou assistons-nous à une terreur, entretenue d’une manière ou d’une autre, pour «bloquer» le pays, ses institutions et ses «réformes» ? Il n’est tout même pas normal qu’un pays, vivant depuis quelques mois une certaine aisance financière, liée à la bonne conjoncture pétrolière et gazière, ne puisse se doter de moyens techniques et de communication efficaces pour venir à bout d’un phénomène qui dure depuis dix ans, et de le rendre moins nuisible. A signaler, au passage, que de «gros moyens» sont déjà déployés, depuis des années, pour les besoins de la lutte antiterroriste. Si tout cela n’a servi à rien, il n’y a qu’à faire appel aux casques bleus pour en finir !.