Polémique autour du documentaire sur le massacre à Relizane
Polémique autour du documentaire sur le massacre à Relizane
France 3 nous écrit
Le Matin, 17 mars 2001
Dans son édition du jeudi 15 mars 2001, Le Matin
annonce la diffusion sur France 3, le 28 mars, d’une
émission intitulée « L’Algérie, autopsie d’un massacre
» consacrée au massacre de Relizane.
Le quotidien algérien annonce que « les rescapés qui y
témoignent affirment aujourd’hui que c’est l’AIS qui a
commis ces massacres », choisissant d’imprimer entre
guillemets : « C’était l’AIS ».
Il est de la seule responsabilité du Marin d’affirmer
une telle chose.
L’objectif de ce document, qui est toujours en
montage, consiste avant tout à retrouver et faire
entendre les témoins du massacre de Relizane.
A partir d’une cassette vidéo tournée par l’AIS sur
les lieux mêmes, France 3 tente de reconstituer les
circonstances de ce drame.
Au cours de cette enquête, seules des questions sont
posées et rien ne permet d’affirmer la responsabilité
de l’AIS ou de quelque groupe ou personne que ce soit.
Bien au contraire, France 3 expose ainsi au public
français l’extrême difficulté qu’il y a à désigner
précisément les coupables de ce massacre.
France 3 tient donc à démentir les conclusions de
notre confrère Le Matin.
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La réponse du Matin
Il n’était pas dans notre intention de faire dire à
France 3 ce que, manifestement, elle ne veut pas dire,
son but étant d’exposer au public français « l’extrême
difficulté qu’il y a à désigner précisément les
coupables » du massacre de Relizane.
Mais, à bien y regarder, les témoignages recueillis et
que la télévision France 3 promet de diffuser ce 28
mars dans le cadre de son reportage permettent, à nos
yeux, de conclure à une implication de l’AIS. Il faut
noter, en outre, qu’en filmant ce massacre, cette
organisation terroriste ne pouvait que nourrir, déjà à
l’époque, le projet d’en faire ultérieurement le
meilleur usage : celui qui la laverait de ses crimes
et qui imputerait ces derniers à d’autres parties,
l’ANP notamment.
Il reste que France 3 peut ne pas partager les
conclusions du Matin. Elle peut alors s’en démarquer
mais non les démentir. La nuance est de taille.
L. M.
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France 3 diffusera un documentaire sur les massacres de Relizane
« C’était l’AIS »
Le Matin, 15 mars 2001
Mercredi 28 mars, France 3 diffusera un documentaire de 52 minutes, intitulé « Autopsie d’un massacre », réalisé par Faouzia Fekiri. Le documentaire basé sur une enquête qui a duré un an relate les circonstances de la série de massacres qui ont eu lieu dans la région de Relizane durant le Ramadhan 1997/98. Ce massacre, on s’en souvient, avait fait plus de 400 morts et soulevé l’indignation de la communauté internationale. C’est suite à ce massacre survenu après la série de tueries collectives qui a frappé la Mitidja durant l’été et l’automne 1997 que l’Algérie a été contrainte d’accepter la visite, d’abord, de la troïka européenne, puis d’une délégation du Parlement européen, échappant de peu à une commission d’enquête internationale demandée par les ONG et de nombreux pays occidentaux.
Que montre ce film ? Quelques heures après le massacre des villageois de la région de Relizane, avant même que les secours n’arrivent, des images ont été tournées. Non pas par une équipe de la télévision algérienne, mais par des hommes de l’AIS.
« Ils ont tué toute ma famille sous mes yeux », raconte un rescapé laissé pour mort parmi dix-sept membres de sa famille retrouvée par la journaliste Faouzia Fekiri. Il faisait partie des victimes filmées par l’AIS. Un autre raconte : « On nourrissait – sous la menace – tous les groupes terroristes qui passaient ici. L’AIS nous accusait de nourrir le GIA. Le GIA nous accusait de nourrir l’AIS Ils se font la guerre et c’est le peuple qui paie. »
Le massacre, on s’en souvient, a été attribué à l’époque au GIA. Or, les rescapés que la journaliste a rencontrés s’interrogent : « Pourquoi ont-ils déterré nos morts pour les réenterrer sous l’il de la caméra ? Ils (l’AIS) disent qu’ils auraient capturé quatorze membres du GIA qu’ils auraient filmés pour nous les montrer. Mais nous n’avons entendu aucun coup de feu, ni jamais vu l’image des prisonniers Pour nous, ils sont tous pareils. » Dès lors, si ce que ce documentaire rapporte est vrai, quel était alors l’objectif de l’AIS en filmant les victimes et leurs familles ? Celle-ci était-elle derrière les massacres de Relizane ? Youcef Rezzoug, journaliste au Matin, quand il s’est rendu dans cette région est bien le seul journaliste de la presse nationale à avoir émis l’hypothèse d’un crime auquel l’AIS n’aurait pas été étrangère. Certes, il a écrit son papier sur la foi de témoignages et au conditionnel. Aujourd’hui, ce documentaire repose la question. Ahmed Benaïcha, chef de l’AIS de l’ouest, a-t-il couvert de son autorité le fait que des hommes de l’AIS aient filmé le carnage avant l’arrivée des secours et des forces de sécurité ? Est-il en possession de ce documentaire filmé par ses hommes ? Si, comme l’affirment ces rescapés, l’AIS a filmé ce carnage, qu’est devenu ce documentaire ? Pour qui était-il destiné ? Pour accréditer la thèse de l’armée qui massacre les civils ? Sans doute, diront les bonnes âmes, ce documentaire tombe à point pour contredire La Sale Guerre de Souaïdia. Mais l’enquête de Faouzia Fekiri a duré un an, c’est-à-dire qu’elle a commencé en 2000, bien avant la sortie du livre La Sale Guerre, et ne peut donc souffrir d’aucune ambiguïté.
Seul regret : le documentaire, qui va certainement faire couler beaucoup d’encre, sera diffusé à une heure tardive, 23 h 20.
Hassane Zerrouky