Smain

Entretien avec Hadj Smaïn Mohamed
de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme (Relizane)

Mohamed Mehdi, Libre Algérie, 5-18 juin 2000

Arrêté par les services de sécurité alors qu’il filmait les traces de déplacement d’un charnier à Relizane puis relâché quelques jours après, Hadj Smaïn Mohamed, membre actif de la LADDH, explique à Libre Algérie les circonstances de son arrestation et évoque la situation de son fils qui fait les gorges chaudes de la presse éradicatrice.

DES CHARNIERS DEPLACES !

Libre Algérie – Comment et pourquoi vous a-t-on arrêté ?

Hadj Smaïn Mohamed : J’ai été pris en filature par les services de police depuis le passage d’Amnesty International à Relizane. Les services de la Gendarmerie nationale semblaient aussi inquiets qu’agités par cette visite. Un colonel dirigeait en personne les opérations de surveillance à partir des bureaux de l’OPGI, mitoyens de mon domicile. Sans compter les intimidations à l’encontre des familles de disparus.

On dit que des charniers ont été déplacés peu avant la venue d’Amnesty International. Est-ce vrai ?

J’ai été arrêté par la brigade de gendarmerie de Oued-Djamâa avec deux membres du comité des familles de disparus de Relizane. Notre garde à vue à duré environ dix heures. Nous avons été présentés au tribunal puis mis sous contrôle judiciaire par le procureur. L’origine de cette mesure semble être les images que nous avons filmées des charniers connus dans la région et qui ont été déplacés juste avant l’arrivée d’Amnesty International. Ces charniers contenaient des corps de personnes exécutées de façon extrajudiciaire par le groupe de Fergane, l’ex-DEC de Relizane, Abed, l’ex-DEC de Djidiouia ainsi que Benachir Aoued, l’ex-DEC de Sidi-M’hamed. Les vues d’excavations toutes fraîches confirment nos soupçons sur les déplacements des charniers. Mon caméscope et la cassette contenant ces images et celles d’autres charniers non exhumés m’ont été confisqués.

Qu’en est-il de votre fils qu’on dit membre d’un groupe terroriste ? Est-ce un fait nouveau ? L’avez-vous toujours caché ?

Mon fils a unilatéralement pris la décision de rejoindre les rangs des terroristes le 7 mars 1994. Il a été signalé le lendemain, 8 mars 1994, aux services de police. Ce n’est pas un fait nouveau et je n’ai rien à cacher. A ce propos, ma position était connue des services de sécurité ainsi que des citoyens qui savaient de quelle manière j’ai renié ce fils, âgé de 26 ans à l’époque, qui a totalement échappé à mon autorité. Un fils adulte et responsable de ses actes.

Quelle est la situation des familles victimes du terrorisme dans la région de Relizane ?

La situation des familles victimes du terrorisme est la même que celle des familles de disparus. Aussi, contrairement aux espérances de certains criminels qui veulent imposer l’impunité de leurs crimes, j’ai lancé un appel que je réitère à cette occasion à toutes les familles victimes de tous les terroristes pour qu’elles redoublent de mobilisation et d’efforts dans l’union afin que les responsables soient identifiés et qu’ils rendent des comptes à la justice.

 

 

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