FIDH: Rapport alternatif au 2ème rapport de l’Algérie au Comité des Droits de l’Homme de l’ONU
Rapport alternatif au deuxième rapport périodique de l’Algérie au Comité des Droits de l’Homme de l’ONU
SOMMAIRE
Introduction
Restriction des libertés et des droits de la personne, le cadre juridique depuis
l’annulation du deuxième tour des élections législatives de 1991 : un résumé
PREMIERE PARTIE :
LES ATTEINTES AUX DROITS GARANTIS PAR LES ARTICLES 2, 4, 5, 6, 7, 9
ET 10 DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS
ET POLITIQUES (PIRDCP)
DEUXIEME PARTIE :
LES ATTEINTES AUX DROITS GARANTIS PAR L’ARTICLE 13 DUPIDCRP
TROISIEME PARTIE :
LES ATTEINTES AUX DROITS GARANTIS PAR L’ARTICLE 14
QUATRIEME PARTIE :
LES ATTEINTES AUX DROITS GARANTIS PAR L’ARTICLE 21
ANNEXE 1
Exemples d’exécutions sommaires
ANNEXE 2
Projet de loi organique relative au statut de la magistrature
Propositions d’amendements du Syndicat National des Magistrats(SNM)
ANNEXE 3
Tableau des disparitions constatées en 1994
ANNEXE 4
Liste non exhaustive des réunions et manifestations non autorisées
de l’association Rassemblement Action Jeunesse (RAJ)
INTRODUCTION
Attendu pour décembre 1995, le deuxième rapport périodique du gouvernement algérien dû en vertu de l’article 40 paragraphe 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP) a été déposé en mars 1998.
L’annonce de ce dépôt a été faite tardivement, entre la fin de l’année 1997 et le début de l’année 1998, en réponse à l’émotion de l’opinion publique internationale suite aux massacres de centaines de personnes durant l’été 1997. Après six ans d’un conflit qui avait déjà fait des dizaines de milliers de morts, ces tueries avaient suscité l’indignation de la communauté internationale, restée trop longtemps inerte et silencieuse. De nombreuses voix s’étaient alors élevées dont celles du Secrétaire Général des Nations-Unies et du Haut Commissaire pour appeler les autorités algériennes à une plus grande coopération avec les mécanismes de l’ONU. De leur côté les organisations non gouvernementales demandaient elles aussi une implication plus active de la communauté internationale et la transparence sur l’incapacité du gouvernement à assurer la protection de sa population civile et sur les violations massives des droits de l’Homme.
Au prétexte de refuser » toute ingérence étrangère « , le gouvernement algérien a :
– refusé et refuse encore les propositions d’aide strictement humanitaire aux rescapés des massacres et tueries de l’année dernière, qu’elles émanent de gouvernements(comme celle proposée par la Troïka lors de sa visite en janvier 1998) ou par des organisations internationales. Cette aide est refusée alors que les témoignages recueillis et des articles publiés dans la presse en Algérie même se font l’écho des besoins de la population en assistance médicale et psychologique, en nourriture, en logement …
– refusé et refuse encore l’accès à son territoire aux organisations non gouvernementales, de défense des droits de l’Homme désireuses de continuer leur travail d’investigation et d’information sur la grave crise des droits de l’Homme dans ce pays. Ce refus de coopération est aggravé par les attaques formulées quasi-quotidiennement contre ces organisations par les officiels du pays, l’Observatoire national des droits de l’Homme (ONDH) et quelques journaux,
– refusé et refuse encore la visite des rapporteurs spéciaux chargés des exécutions extra-judiciaires et de la torture.
C’est dans ce contexte et face à la mobilisation de l’opinion publique que le gouvernement a enfin déposé son deuxième rapport périodique, annoncé par les autorités comme preuve de leur volonté de coopérer pleinement avec les mécanismes onusiens de protection des droits de l’Homme. Tout en se félicitant de ce signe, la FIDH estime qu’il ne saurait suffire : le gouvernement algérien doit être appelé à collaborer pleinement avec l’ensemble des mécanismes et notamment en autorisant le déplacement en Algérie des rapporteurs thématiques, ainsi que celui des ONG qui le souhaitent (1)
La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) s’est rendue en Algérie à deux reprises, en juillet 1995 et en avril 1997. Dès le retour de la première délégation, la FIDH écrivait dans une formulation toujours d’actualité : » Si le terrorisme des intégristes doit être condamné sans réserve, la réponse appropriée ne saurait être celle d’un terrorisme d’Etat. Il importe au contraire de réaffirmer que seul un Etat de droit, respectueux des droits de l’Homme, est capable d’endiguer, voire de marginaliser les thèses de la haine et de l’exclusion « .
Au terme de sa deuxième mission d’enquête et d’information, elle réitérait avec la plus grande clarté sa condamnation des actes des groupes terroristes et affirmait que : » la FIDH n’ignore, ni ne sous-estime l’ampleur des massacres et autres crimes imputables à des groupes islamistes. Elle condamne bien entendu sans réserve de tels actes, et reconnaît le droit et le devoir des autorités algériennes d’en poursuivre et de réprimer les responsables.
Mais, organisation internationale non-gouvernementale, ayant pour mandat de veiller au respect des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme, elle rappelle que ceux-ci ont été ratifiés par les Etats et que leur application s’impose aux gouvernements. A cet égard, il ne saurait faire de doute que les autorités algériennes, qui revendiquent elles-mêmes haut et fort l’existence d’un Etat de droit, se doivent de tout mettre en ouvre pour voir respecter l’ensemble des normes internationales relatives à la protection des droits de l’individu aux quelles leur pays a souscrit.
C’est par rapport à cette obligation qu’il y a lieu d’apprécier la situation actuelle en Algérie dans le domaine, essentiel pour les libertés, de l’administration de la justice, garante du droit à la vie, à la sécurité, … « . (2)
Avant d’évoquer les graves sujets de préoccupation de la FIDH quant au respect des droits de l’Homme en Algérie durant la période couverte par le deuxième rapport périodique (1992-1998), la FIDH réitère encore une fois sa condamnation la plus ferme de tous les actes de terrorisme commis en Algérie. Durant les sept année de conflit, les groupes armés, quelle que soit leur dénomination, ses ont rendus coupables de violations massives et caractérisées des droits les plus élémentaires de la personne humaine : assassinats d’agents de l’ordre, de soldats et de leurs familles, attentats aveugles, enlèvements et viols de femmes, raids meurtriers visant des familles de civils, voire des villages entiers …
Restriction des libertés et des droits de la personne, le cadre juridique depuis l’annulation du deuxième tour des élections législatives de 1991 : un résumé
Entre la publication (le 22 septembre 1992) des observations du Comité des Droits de l’Homme suite à l’examen du premier rapport périodique de l’Algérie, et le dépôt, le 11 mars 1998, du deuxième rapport, les autorités ont promulgué ou fait adopter une série de lois, organisé un référendum et procédé à plusieurs élections en vue de ce qu’elles appellent » le parachèvement de l’édifice institutionnel « , à savoir » l’établissement d’un système politique démocratique et pluraliste « .Ainsi, ont eu successivement lieu une élection présidentielle (le 16 novembre 1995), une révision constitutionnelle (le 28 novembre 1996), des élections législatives (le 5 juin 1997), des élections locales (le 23 octobre 1997) et des élections du Conseil de la Nation qui fait office de deuxième chambre (le 25 décembre 1997).
La FIDH tient tout d’abord à souligner que de manière concomitante, d’autres textes de loi et décrets ont été adoptés ou promulgués et sont toujours en vigueur. S’ajoutant à des pratiques officielles situées elles hors de tout cadre juridique ou légal, l’application de ces lois et décrets a abouti à des violations systématiques et de grande ampleur des droits de l’Homme: arrestations arbitraires, détentions au secret dans des centres non officiels, y compris pour des périodes de longue durée, pratique généralisée de la torture et de mauvais traitements, exécutions sommaires par des éléments des forces de sécurité ou des milices privées, disparitions, non respect des délais de garde à vue et de détention préventive, atteintes graves au droit à un procès équitable, atteintes au droit d’association, de manifestation et à la liberté de la presse, …
Pour rappel, ces décrets et lois sont :
– le 9 février 1992, instauration de l’état d’urgence : des milliers de membres et de sympathisants du FIS sont internés sans inculpation ni jugement dans des camps ouverts dans le désert. Ce décret donne notamment les pouvoirs suivants au ministre de l’Intérieur et aux Walis (préfet) :
- l’internement dans des centres de sûreté de toute personne dont l’activité se révèle dangereuse pour l’ordre et la sécurité publics,
- la restriction ou l’interdiction de la circulation des personnes et des véhicules,
- l’institution de zones de séjour réglementées pour les non-résidents,
- les perquisitions de jour comme de nuit,
- la possibilité de suspendre ou de dissoudre toute assemblée locale qui fait preuve d’opposition délibérée ou d’obstruction à l’action des autorités publiques,
- la possibilité de traduire devant les tribunaux militaires les auteurs (quelle que soit leur qualité) de crimes et délits graves contre la sûreté de l’Etat, ainsi que leurs complices.
– le 30 septembre 1992 : adoption du décret-loi contre le terrorisme et la subversion, instaurant les cours spéciales qui ont jugé plus de 10 000 personnes et ont prononcé 1127 condamnations à mort pour la période de février 1993 à juin 1994. Les cours spéciales, au nombre de trois, étaient composées de magistrats » anonymes « ,
– le 24 octobre 1992, le décret exécutif 05/92 remanie la loi du 12 décembre 1989, portant statut de la magistrature, et réduit de manière drastique les prérogatives du Conseil Supérieur de la Magistrature au profit du Ministre de la Justice, ainsi que les droits des magistrats,
– le 22 septembre 1993, un décret (précisé par un autre décret daté- du 3 août 1996) instaure les gardes communales et leur confie le soin de participer à des missions de maintien ou de rétablissement de l’ordre public,
– en juin 1994, un arrêté interministériel est adressé aux directeurs de journaux, les informant de l’instauration de la cellule de communication sécuritaire, seule apte à délivrer les informations autorisées sur cette question. Des directives précises sur le mode de traitement, les sujets à éviter et les points à mettre en exergue leur sont par ailleurs adressées,
– le 25 février 1995, les principales dispositions d’exception du décret antiterroriste de septembre 1992 sont intégrées par une ordonnance dans le Code Pénal et le Code de Procédure Pénale algériens, telles que le jugement des mineurs ayant atteint l’âge de seize ans, les perquisitions et saisies de jour comme de nuit, la prolongation de la durée de la garde à vue à 12 jours. Cette même ordonnance supprime les cours spéciales et confie le jugement des affaires de terrorisme et de subversion aux tribunaux criminels ordinaires mais en modifie la composition.
– en février 1996, des » comités de lecture » sont institués par le Ministère de l’Intérieur et officient dans les imprimeries qui sont toutes les trois publiques.
– le 28 novembre 1996, une nouvelle Constitution portant révision de la Constitution de 1989 est adoptée par référendum, restreignant les pouvoirs de l’Assemblée nationale, instaurant une deuxième chambre et accroissant notablement le pouvoir présidentiel,
– le 4 janvier 1997, adoption de la loi sur les Groupes de Légitime Défense,
– le 6 mars 1997, la nouvelle loi sur les partis, adoptée par le CNT, aboutit notamment à la suspension de deux partis politiques.
PREMIÈRE PARTIE : LES ATTEINTES AUX DROITS GARANTIS PAR LES ARTICLES 2, 4, 5, 6, 7, 9 ET 10 DU PIRDCP
Depuis le début du conflit suite à l’interruption du processus électoral en décembre 1991, le droit le plus systématiquement et régulièrement violé en Algérie est d’évidence le droit à la vie, garanti par l’article 6 du PIRDCP.
» Dans le cadre de leurs fonctions officielles « , les forces régulières de sécurité ont procédé à des milliers d’arrestations illégales et arbitraires, soumis les personnes arrêtées à la torture, violé leurs droits tant pendant la période de garde à vue qu’après leur présentation à l’autorité judiciaire. Des milliers de personnes sont aujourd’hui portées disparues en Algérie après une arrestation par ces forces. 18 000 prisonniers, soit la moitié de la population carcérale, sont aujourd’hui condamnés » pour des faits de terrorisme « . Plusieurs dizaines d’entre eux ont été tués au prétexte de réprimer des » mutineries » ou des » tentatives d’évasion « .
Les pratiques ainsi constatées violent de nombreuses dispositions du PIRDCP et notamment les articles 2, 4, 5, 6, 7, 9 et 10. En acceptant, puis en encourageant, l’implication des civils dans le conflit par le biais de la constitution de milices, les autorités algériennes ont amplifié la fréquence et l’étendue des violations des droits garantis par ces articles. Dans de très nombreux cas, les autorités n’ont pas donné suite aux demandes d’investigation dont elles ont été saisies par les familles des victimes et leurs défenseurs.
1- Les forces engagées dans » la lutte antiterroriste «
Plusieurs corps de sécurité sont concernés par la lutte » anti-terroriste « , à savoir les forces de police relevant de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN), la Gendarmerie Nationale, l’Armée Nationale Populaire (ANP) et la Garde Républicaine. Il semble enfin que des » services de sécurité « , communément désignés en Algérie sous le vocable de » sécurité militaire » (SM) participent activement aux recherches, interpellations et actions militaires contre les groupes armés ou les personnes suspectées de leur apporter de l’aide.
Engagées dans la répression des militants et sympathisants du Front Islamique du Salut (FIS, dissous en mars 1992) puis dans la confrontation avec la guérilla islamiste, ces forces ont été renforcées de manière considérable et profondément réorganisées. Selon des experts de la question algérienne (3), ont été mobilisés en premier lieu la gendarmerie(25 000 personnes en 1992) et les policiers de la DGSN (20 000 d’après un article du journal algérien El Watan de 1996). A partir de 1993, un corps spécialisé dans » la lutte anti-terroriste » constitué d’unités d’élite de l’armée, de la police et de la gendarmerie est mis en place. Fort de 15 000 éléments lors de sa création, il compterait aujourd’hui un effectif de 60 000 membres (4). Placé sous l’autorité du général Mohamed Lamari, il est coiffé par une Coordination de la sécurité du territoire, créée en mars 1995 et chargée de coordonner l’ensemble des services engagés dans » la lutte anti-terroriste « . C’est de ce corps que seraient issus les éléments du Groupe d’Intervention et de Sécurité (GIS), surnommés par la population algérienne » les ninjas « , en raison des cagoules qu’ils portent lors de leurs opérations.
Depuis le 22 septembre 1993, un décret (précisé par un autre décret le 3 août 1996) a instauré le corps des gardes communales et leur a confié le soin de participer à des missions de maintien ou de rétablissement de l’ordre public. Ce corps regrouperait aujourd’hui près de 50 000 hommes. Créées par le Ministère de l’Intérieur en lien étroit avec les responsables des » Délégations Exécutives Communales » qui ont été désignées pour remplacer les équipes municipales élues sur les listes du FIS en juin 1990, les gardes communales sont composées de jeunes issus des quartiers et villages où elles opèrent et ont donc l’avantage de » bien connaître le terrain et les populations « . Une autre source de leur recrutement est constituée par les repentis qui demandent à bénéficier de la loi dite de » miséricorde » ou » Rahma » qui prévoit notamment des réductions importantes de peines pour ceux qui se rendent aux autorités et dont le nombre s’élèverait à près de 2000 (5) : » L’application [de cette loi] a permi sà de nombreux repentis de se racheter vis-à-vis de leur peuple, car beaucoup d’entre eux ont pris les armes et combattu leurs anciens camarades, de même qu’ils ont aidé efficacement, par les renseignements et les informations qu’ils détenaient, l’action des services de sécurité « (Le Ministre de la Justice, M. Mohamed ADAMI, El Moudjahid, 28 Avril 1997).
Dès 1993, mais surtout à partir de 1994, des groupes de civils, dont certains se désignent eux-mêmes sous le nom de » patriotes « , participent à cette lutte au nom de la légitime défense. Certains de ces groupes semblent s’être constitués spontanément, à l’initiative d’habitants de quartiers périphériques ou de villages ayant subi des attaques de groupes armés. D’autres ont été formés à l’initiative de certains partis politiques, mais la formation de la plupart de ces milices est due à l’initiative directe ou indirecte des autorités. Jusqu’au mois de janvier 1997, ces milices ont agi en dehors de tout cadre légal. Depuis, une loi sur les Groupes de Légitime Défense (GLD)encadre et organise en théorie leur action. Un expert des questions algériennes estimait leur nombre en 1997 à 150 000 hommes. Jusqu’au début de cette année, les autorités algériennes ont toujours refusé de communiquer e nombre des effectifs concernés. Le 21 janvier 1998, le Premier ministre M. Ahmed Ouyahia informait les députés algériens qu’il y avait 5 000 » groupes d’autodéfense » dans le pays et que ce nombre » va encore croître » (6).
2- Exécutions extrajudiciaires et représailles collectives
Des centaines de témoignages transmis par des exilés, par des civils algériens de passage en Europe et qui n’ont pas d’appartenance politique ou encore recueillis sur place auprès des familles des victimes et des défenseurs des droits de l’Homme, il apparaît clairement que les forces engagées dans la lutte » antiterroriste » ont procédé à des exécutions de personnes suspectées d’appartenir ou de soutenir les groupes armés. De même, elles auraient, à de nombreuses reprises et dans divers endroits du pays, entrepris des représailles collectives aveugles contreles populations de quartiers populaires ou de villages où des attentats visant les forces de l’ordre venaient d’être commis. La FIDH est en possession de centaines de noms de personnes qui auraient été tuées dans de telles circonstances par des forces régulières. Pour des raisons évidentes, il ne lui a pas été possible de procéder à la vérification de toutes les informations reçues ou collectées. Mais la régularité avec laquelle de telles accusations lui sont communiquées, la diversité et la fiabilité des sources d’informations, accréditent ses craintes quant à de telles pratiques et à l’impunité qui entoure les responsables de ces exécutions (7).
Alors que la répression s’est concentrée au lendemain de l’interruption du processus électoral sur les cadres, les membres et les sympathisants du Front Islamique du Salut et sur leurs familles, le développement de l’action des groupes armés, d’une part, et le renforcement des forces régulières de sécurité et des milices de l’autre, a, de proche en proche, touché des franges de plus en plus larges de la société algérienne. La population civile s’est ainsi trouvée progressivement confrontée à l’action psychologique et armée des différents acteurs du conflit. A défaut d’obtenir sa sympathie et son soutien actifs, ils ont tenté par tous les moyens, et tentent encore, d’obtenir son silence et son appui contraint. Cette double pression a incontestablement donné lieu à des violations graves des droits les plus élémentaires d’un nombre de plus en plus élevé de personnes, y compris celles qui ont essayé de se tenir éloignées du conflit en cours. Les massacres du deuxième semestre de l’année 1997 ont constitué l’apogée de cette logique de terreur à l’égard de la population; ils ne sont malheureusement que l’aspect le plus tragique d’une réalité quotidienne dans laquelle les autorités ne peuvent nier leur part de responsabilité.
Il semble par ailleurs tout à fait acquis qu’à l’instar des groupes armés, les forces régulières ont à de nombreuses reprises laissé les cadavres de leurs victimes exposés sur des places publiques et empêché les familles de les récupérer pour les enterrer.
Ainsi, le 3 août 1997, suite à un attentat à la bombe qui avisé la garde communale d’Aïn El Hamra (wilaya de Boumerdes), trois civils connus pour leur sympathie pour le FIS ont été exécutés par les gardes communaux rescapés de l’attentat : M. Hamoud Benmansour, 42 ans, M. Boualem Benmansour, 39 ans, tous deux mécaniciens et M. Mohamed Boudeba, 40 ans, transporteur. Les gardes communaux se sont ensuite dirigés vers la maison d’une famille dont un des membres était au maquis, la famille Saadaoui. Quatre otages ont été arrêtés et mitraillés devant les yeux de la population : MM. Faouzi Saadaoui, Aissa Saadaoui, Hamoud Saadaoui et Azzedine Bousaa. Un seul, laissé pour mort, a survécu. Le même groupe s’est ensuite rendu dans les maisons de trois familles ayant un enfant au maquis et les a pillées et saccagées.
En octobre 1997, suite à l’incendie d’une usine à Sidi Bel Abbès par un groupe armé, un groupe de » ninjas » de la ville de Sig (wilaya d’Oran) est intervenu de nuit au village de Telagh où ils ont brutalisé des dizaines de familles et procédé à l’arrestation de 58 personnes qu’ils ont emmenées dans les sous-sols de la Daïra (ex-résidence Colona). Huit personnes seraient décédées pendant les interrogatoires effectués dans ce sous-sol : MM. Hadj Guendouz, DjilaliSissani, Youcef Sayah, Yahia Akkal, Mustapha Mokran, Bendjemaa Oueld Mohamed et Ferhat Djilali. Selon notre témoin, » les dépouilles ont été mises dans des sacs à ordures de cent litres et déposées à l’hôpital de la ville avant d’être confiées aux services communaux pour les enterrer dans une fosse commune creusée à l’aide d’une pelle mécanique au cimetière de Telagh, situé sur la route de Saida. Parmi les survivants : MM. Tayeb Ben Abdelrahman,Yahia Rahmani, Azzi Bouchagour, entre autres, se trouvaient au 22 octobre 1997 à la prison civile de Sidi Bel Abbès, salle n°19 « .
A notre connaissance, aucune enquête n’a été diligentée pour établir les faits et les responsabilités dans cette expédition punitive qui démontre par ailleurs l’usage systématique et persistant de la torture des personnes arrêtées, et les nombreux décès durant les gardes à vue (8).
A contrario, l’exemple suivant montre que les autorités pourraient, si elles s’y attelaient, mettre fin au cycle infini des représailles collectives et de l’impunité.
Le mercredi 1er avril 1998, un lieutenant de l’ANP est assassiné alors qu’il roulait seul dans une voiture banalisée, une Peugeot 205, aux confins du village d’Amel, commune très fortement encadrée par les troupes de l’armée, stationnées dans deux casernes (9) et les milices de M. Zidane Makhfi. Le lendemain, les troupes stationnées à Bouadel envahissaient le village agricole ainsi que l’ancien village et procédaient à une opération de représailles » digne de la période coloniale » dira un témoin : demeures saccagées, téléviseurs et vaisselle systématiquement cassés, vêtements brûlés, bijoux et argent volés (10). Dans une demeure, deux jeunes filles qui vivent avec leur mère (veuve) ont été passées à tabac par les militaires et une fillette de 9 ans atteinte d’une insuffisance rénale chronique a été malmenée et ses pochettes de dialyse péritonéale détruite, par les militaires. Pendant plus d’une semaine, tous les jeunes ont fui le village et se sont réfugiés à Béni Amrane ou à Boumerdes, et les transports publics étaient sévèrement contrôlés, ainsi que les allées et venues de quelques citoyens qui osaient se déplacer hors du village. Ces représailles ont touché l’ensemble de la population, en particulier les familles dont un des enfants avait pris le maquis. Cette expédition punitive avait pour objectif de venger la mort de l’officier mais aussi, semble-t-il, de » corriger » des villageois qui ont de tout temps refusé de prendre les armes et de s’enrôler dans les milices.
Il semble néanmoins que suite à une dénonciation, le commandant du secteur militaire de Béni Amrane se soit déplacé sur les lieux et ait procédé à une enquête, et que le bataillon responsable de ces exactions ait été transféré à Berrouaghia et remplacé par d’autres militaires.
Se déroulant à huis clos, les affrontements entre les forces régulières et les groupes armés sont portés à la connaissance de l’opinion publique algérienne et internationale par de brefs communiqués, relayés tels quels parla presse publique et privée, qui n’a aucun moyen d’en vérifier la teneur. En sept ans de conflit, les journalistes algériens n’ont été autorisés qu’une seule fois à suivre les opérations des forces armées au début de l’année 1998. S’il n’est donc pas possible de dresser un bilan exact de ces affrontements, la seule lecture des journaux algériens porte à envisager le pire. Quotidiennement, en plus des annonces des attentats, faux barrages et embuscades imputés aux groupes armés, la presse se fait l’écho des opérations des forces de sécurité et de » l’élimination » ou » neutralisation » de membres supposés de groupes armés, sans fournir leur identité dans la quasi-totalité des cas, ou alors en se contentant d’une initiale et d’un prénom. Assez fréquemment, les communiqués des services de sécurité attribuent un certain nombre de crimes et de délits à des » groupes de terroristes décimés » et à des » émirs abattus « ,accusations qu’il est bien évidemment impossible de vérifier. De fortes présomptions existent quant au fait que les membres des forces de sécurité se chargent, dans certains cas, de procéder à l’élimination physique de suspects ou présumés tels plutôt que de procéder à leur arrestation en vue de les voir déférés à la justice (11).
En dehors de ces affrontements, la FIDH a été saisie ces dernières années de nombreux cas d’exécutions sommaires dont se sont rendus coupables des membres des forces régulières de sécurité, en service ou lors de leurs périodes de repos, seuls ou accompagnés dans certaines situations pardes éléments des milices. Dans certains cas, les victimes semblent avoir été tuées par des éléments des forces de l’ordre en état d’ébriété ou parce qu’ils » ont été pris de panique « , ou encore parce qu’ils auraient mal évalué la situation en croyant avoir affaire à » des terroristes « . De fortes présomptions portent cependant à croire que des exécutions extrajudiciaires ont été opérées de manière délibérée. Celles-ci sont intervenues lors :
– d’arrestations de présumés suspects ou tout de suite après,
– dans certains quartiers, en représailles après une opération des groupes armés,
– dans les locaux de la police, de la gendarmerie ou dans les postes des gardes communales.
On trouvera en annexe 1 quelques exemples de cas individuels recensés ces dernières années.
3- Les autorités face au phénomène des milices
En sept ans de conflit, l’opinion publique algérienne et internationale a été informée à deux reprises des exactions commises par les divers types de milices existant dans le pays.
En mars 1997, le Président de l’ONDH, M. Kamel Rezzag Bara, déclare que des patriotes de Bougara, et » un de leurs responsables militaires « , incarcérés » depuis plusieurs semaines « vont être déférés devant le tribunal militaire de Blida (12) pour avoir » abusé de leur autorité sur la population de la région » sans plus de précisions. A notre connaissance, la presse algérienne ne s’est pas fait l’écho du déroulement de ce procès, et n’a pas rendu compte du verdict.
En avril 1998, le journal Liberté, puis les autres journaux, dévoilent l’arrestation de M. El Hadj Fergane, maire RND de la ville de Relizane, située à l’ouest du pays, et de M. El HadjEl Abed, maire de la localité voisine de Jdiouia, ainsi que de 11 autres patriotes. Les premiers articles publiés évoquent la découverte de 79 victimes, assassinées ou même enterrées vivantes, et rapportent les propos des habitants qui racontent les années de terreur qu’ils ont vécu sous la coupe de ce que des journalistes qualifient d’escadrons de la mort. Après trois jours de garde à vue, les personnes arrêtées sont relâchées et le chiffre des victimes est revu à la baisse : le Président de l’ONDH précise que ces arrestations sont le résultat des enquêtes diligentées depuis longtemps, suite à l’assassinat de 7 civils le 8 avril 1995 à Jdiouia, d’un inspecteur des domaines le 7 avril 1997, puis d’un chauffeur de taxi en juillet 1997 (13).
A ces deux occasions, plusieurs articles reprennent des déclarations officielles soulignant que ces révélations prouvent, s’il en était besoin, le chiffre très faible des » bavures et des dépassements « ayant lieu dans le pays, le bon fonctionnement de la justice et l’efficacité des diverses institutions de recours dont l’ONDH.
En mars 1997, M. Rezzag-Bara évoque, outre le cas des miliciens de Bougara, l’exemple d’un garde communal à Boufarik(utilisation d’une arme de feu à des fins personnelles) et celui d’un policier accusé d’avoir tué un civil à Merouana, ainsi que les procès à venir d’une dizaine de policiers » qui se sont rendus coupables de sévices corporels et de tortures pratiqués sur des détenus « .
En avril 1998, des sources du Ministère de la Justice précisent que depuis » l’avènement du terrorisme « , soit l’année 1992, la justice algérienne a été saisie de 128 cas de » bavures et exécutions extrajudiciaires « .
4- l’affaire de Relizane dans la presse algérienne
Durant la semaine du 13 au 18 avril, la presse algérienne a assez abondamment traité de cette affaire, pour ne plus pratiquement y revenir après la libération des personnes arrêtées au terme de trois jours de garde à vue. Il ressort des articles publiés qu’outre les deux maires élus sur les listes du Rassemblement National Démocratique, particréé quelques mois avant les élections législatives et majoritaire au Parlement, trois de leurs enfants, des gardes communaux et des » patriotes « ont été arrêtés et accusés d’enlèvement, d’assassinat et d’extorsion de fonds. La presse révèle les lieux où ont été enterrées les victimes : Sidi M’hamed Benaouda, Zemmoura, cimetière chrétien de Relizane. Elle révèle aussi que parmi la soixantaine de suppliciés, figurent des repentis qui s’étaient livrés aux autorités et avaient été libérés ainsi qu’un officier des services de sécurité qui s’apprêtait à transmettre un rapport sur les exactions de cette milice qui s’étendaient, précise-t-on, à toute la wilaya (département) de Relizane. Evoquant les réactions des habitants, les journalistes expliquent » les dérives » des » hommes cagoulés « par la rivalité qui existe entre deux tribus de la région ou par l’opposition des deux maires à la trêve négociée entre l’AIS et les autorités : la presse rapporte des déclarations faites un mois plus tôt par ElHadj El Abed, victime lui-même de plusieurs attentats qui aurait affirmé : » GIA et AIS, c’est du pareil aumême. Trêve, dites-vous ? connais pas.[…]. Le premier qui m’approche, jel’abats « alors que El Hadj Fergane, surnommé le Shérif attribuait » à des gens manipulés par l’AIS « les plaintes adresséesaux autorités contre lui. Plusieurs journalistes confirment ladécouverte lors des arrestations d’importantes sommes d’argent. Un article évoque le nom de » l’égorgeur « du groupe, un certain Malih. Enfin, la télévision algérienne diffuse cette même semaine un reportage consacré aux femmes » patriotes « où l’on reconnaît le filles d’El Hadj El Abed qui s’en étonnent dans les journaux. D’après elles, ce reportage avait été tourné en 1996 et le journaliste de la télévision leur avait promis de ne pas révéler leur identité : » ceci rend très difficile notre quotidien dans une petite ville comme la nôtre « .Mais que ce soit pour les soutenir ou pour les critiquer, tous les commentaires soulignent le très fort engagement des deux maires arrêtés. El Hadj Fergane » a les traits jeunes mais endurcis par des années de chasse au terroriste « et El Hadj Abed » a nettoyé [la région] des terroristes « .
5- Relizane, un cas emblématique ?
Dans l’ensemble, ces informations recoupent d’autres éléments et analyses recueillis à propos de l’action des milices et leur développement depuis 1993. Ainsi, si l’on prend comme base le chiffre officiel -5000 milices- et l’hypothèse probablement basse de 20 personnes par milice (14), les milices compteraient aujourd’hui 100000 personnes, recrutées principalement parmi les anciens moujahidines, leurs familles et leurs proches, ainsi que les familles victimes du terrorisme, dont le désir de revanche, voire de vengeance est très fort. Dirigées par des notables, plus ou moins importants, qui s’appuient sur tous leurs réseaux familiaux et tribaux, ces milices ne se contentent pas de jouer un rôle défensif. Elles participent activement aux » ratissages « et autres opérations militaires dans un rayon d’action qui dépasse de loin leur localité d’origine. Agissant parfois de manière coordonnée avec les forces armées, elles opèrent aussi seules, de nuit, parfois sans signe les distinguant des groupes terroristes. Payés entre 8000 et 11500 dinars algériens (15), certains miliciens ne se satisfont pas de leur solde et leurs réseaux sont imbriqués avec des réseaux politiques anciens (associations de combattants de la guerre de libération, de leurs enfants …) ou récemment mis en place tels le RND. Comme les gardes communaux, leur » proximité « avec la population leur permet de bien connaître les sympathies politiques des uns et des autres, surtout dans les petites villes et les villages.
La médiatisation de l’affaire de Relizane a amené deux familles de victimes à témoigner, à visage découvert pour l’une d’entre elles, dans le journal Liberté du 15 avril 1998. Un de ces témoignages confirme l’implication de cette milice dans l’enlèvement puis l’assassinat d’un habitant, arrêté devant sa famille et tué après avoir été délesté de sa paie. Mais si le corps de cette victime a été retrouvé, on est sans nouvelles d’autres personnes, disparues dans cette région depuis 1994 et dont les dossiers sont parvenus à la FIDH. Sur les huit personnes concernées, sept ont été enlevées de leur domicile, en présence de leurs familles, à l’exception de l’une d’entre elles qui a disparu suite à une visite à la municipalité; quatre d’entre elles habitent la ville de Relizane même, deux à Meriama, une à Ben Daoud et la dernière à Zemmourra. La plus ancienne disparition dans cette région signalée à la FIDH remonte au mois de septembre 1994 et la plus récente a eu lieu en juillet 1995. Dans un cas, la personne a été enlevée par des soldats et des gardes communaux; dans deux autres cas, les miliciens étaient seuls et dans trois cas, les témoins imputent l’interpellation à la sécurité militaire. Enfin, les responsables de l’enlèvement n’ont pas été identifiés pour les deux cas restants. Les témoins précisent que trois maisons ont été pillées lors de l’enlèvement, les ravisseurs emportant des bijoux et des sommes d’argent. Trois des familles concernées ont fait de nombreuses démarches auprès des autorités pour s’enquérir du sort de leurs proches disparus. A titre d’illustration, une de ces familles a écrit aux personnalités et institutions officielles suivantes : le Procureur du tribunal de Relizane, le Wali (Préfet), le Chef de sûreté de wilaya, la gendarmerie nationale, le Commandant de la région militaire, le Ministre de la Justice (4 lettres), l’ONDH (deux lettres), le Ministre de l’Intérieur, la DGSN à Alger, le Médiateur de la République (trois lettres) et la Présidence de la République (trois lettres). Un des témoignages les plus inquiétants concerne une victime, gardien de nuit, qui avait été d’abord enlevé par un groupe inconnu sur son lieu de travail, qui l’a ligoté et lui a bandé les yeux, emmené dans un endroit où ila subi des sévices durant trois jours puis relâché. Durant cette première séquestration illégale, sa famille avait averti les autorités dont le maire de la commune. Libérée, la victime s’est présentée à ce dernier. Depuis, elle n’est plus réapparue.
6- » Ni nouvelle, ni tombe « , le drame des disparitions
A deux reprises, le 20 septembre et le 22 octobre 1997, les familles de disparus se sont manifestées publiquement à Alger, la première fois en interpellant les congressistes réunis dans un hôtel par l’ONDH pour un séminaire international, et la seconde dans la rue, devant la Grande Poste. Brandissant les photos de leurs proches elles ont demandé la vérité sur leur sort. De même, en Europe, des familles algériennes ou d’origine algérienne dont un proche a disparu ont commencé à se regrouper pour informer l’opinion publique. Lors d’une rencontre récente, une mère de disparu a utilisé cette phrase en arabe : » La Khbar La Qbar « qui signifie : ni nouvelle ni tombe. On ne peut mieux résumer la situation des familles qui errent entre les cabinets des avocats, les tribunaux et même les cimetières.
Alors que tout laisse croire que leur nombre dépasse les deux mille, les autorités continuent à nier l’ampleur du phénomène. Selon la version officielle, les disparitions effectivement imputables aux forces de sécurité, seraient rarissimes (16) et la plupart des disparitions seraient le fait d’un enlèvement par des groupes armés ou concerneraient des personnes qui auraient rallié les maquis, et dont les familles, par ignorance réelle ou peur, déclarent la disparition. D’après leurs dires, il y aurait enfin une dernière catégorie : celle des disparus pour des raisons diverses, comme il en existe dans tous les pays, et parmi lesquelles des jeunes se cachant pour échapper à leurs obligations militaires ou qui ont émigré clandestinement en Europe.
Depuis sa dernière mission en Algérie, qui remonte au mois d’avril 1997, la FIDH a reçu plus de deux cents témoignages, dossiers et lettres concernant des disparitions, provenant pour la plupart d’Algérie mais aussi, pour une dizaine, de familles installées en Europe même. Deux proches de disparus ont fait spécialement le déplacement d’Algérie à Paris pour nous alerter, et certaines familles se sont manifestées par courrier ou télécopie : les attaques publiées dans la presse algérienne suite à la publication de son premier rapport ont incité des familles qui en ignoraient jusqu’à l’existence à saisir la FIDH. La plupart des cas ont pu être vérifiés et recoupés et on trouvera en annexe 3 un tableau des disparitions pour l’année 1994. Plusieurs conclusions s’imposent de l’analyse de ces données.
A- La responsabilité des forces de sécurité peut être établie de diverses manières et notamment parce que des membres de la famille, des voisins du quartier ou des collègues de travail ont assisté à l’enlèvement de la personne disparue et ont donc vu les ravisseurs; dans de nombreux cas, ces derniers sont connus des témoins, et il n’est pas rare qu’ils donnent leur identité. C’est notamment le cas dans les petites villes et les villages où les gens se connaissent. Cette responsabilité peut être attestée aussi parce que souvent, avant de disparaître, les personnes enlevées ont transité par des commissariats, des brigades de gendarmerie ou des postes de gardes communaux, et qu’elles y ont été vues par des témoins qui ont été relâchés. Dans quelque cas, les familles ont même apporté durant une période plus ou moins courte, des provisions à leurs proches arrêtés et gardés à vue dans des locaux officiels. Un des témoins a lui-même présenté son fils aux autorités suite à une convocation.
B- Toutes les forces de sécurité, régulières ou non, participent aux arrestations, assez souvent en commun. L’implication des » patriotes » et des gardes communaux dans ces opérations d’interpellation est souvent citée ; dans plusieurs témoignages, c’est leur présence, à visage découvert, aux côtés des fameux » ninjas « ,cagoulés, qui permet aux témoins d’affirmer la responsabilité des autorités. Certaines arrestations, opérées par des forces régulières, l’ont été en présence de ce que la population appelle un » bouchkara « , littéralement » l’homme au sac « . Il s’agit de personnes, portant un passe-montagne comme les policiers ou un sac en toile de jute, arrêtées et interrogées et obligées de collaborer avec la police. D’après certaines informations, il peut s’agir également de repentis, ayant bénéficié de la loi dite de miséricorde.
C- En 1997, la FIDH avait pu établir une première liste de treize centres de détention illégale et prolongée pour Alger et sa périphérie, et quatre dans d’autres départements. Pour la capitale, il s’agissait des casernes de Béni Messous, d’Al Makria, (quartier à côté de Kouba), de Hamiz, (près de l’aéroport) et de Bouzaréah, des commissariats de Delly Ibrahim, d’Al Madania, de Cavaignac, de Bab Ezzouar et de Ben Aknoun, de la caserne de « ninjas » à Bourrouba, de l’école de police de Chateauneuf, de la brigade de gendarmerie de Baba Hassan, ainsi que d’une bâtisse, à la sortie d’Alger sur la côte Ouest au lieu-dit Ouled Fayet. Les quatre centres situés en-dehors d’Alger étaient le commissariat de Boumerdes, les brigades de gendarmerie de Henchir Toumeghni (wilaya d’Oum Al Bawaki), et de Madrissa (wilaya de Tiaret) et la caserne de BordjAl Blida à Al Awanna (wilaya de Djijel). Les témoignages reçus depuis confirment la quasi-totalité de ces informations, surtout pour la capitale et ajoutent d’autres lieux à cette liste. Ainsi, des personnes disparues auraient été détenues à la caserne de Haouch Chalou et à l ‘école de police de Soumaa à Blida, dans les casernes dites de » Sonipec » et des Salines à Delys, dans la caserne dite de Sonacome à Rouiba (wilaya deBoulmerdès), et au commissariat de Khemis El Khenchna, toujours dans le même département.
D- Ces nouveaux témoignages confirment le fait que les autorités algériennes, y compris au plus haut niveau, ne peuvent méconnaître la gravité et l’ampleur du phénomène. A de rares exceptions près, toutes les familles commencent par adresser des lettres recommandées aux diverses autorités civiles et militaires, tant sur le plan local que central ; pratiquement toujours, la Présidence de la République, la Médiature de la République, l’ONDH et les Ministères de la Justice et de l’Intérieur sont sollicités. Des familles tentent aussi d’avoir des nouvelles de leurs proches disparus en faisant passer des annonces dans les journaux privés (17), et même pour certaines, en s’adressant à une émission de la télévision algérienne qui s’appelle : » Tout est possible « .
7. Les autorités algériennes et la crise des droits de l’Homme : l’exemple de Serkadji
» Le nombre des dossiers dont nous sommes saisis est infime et, en aucune manière, ils ne justifient la qualification de notre situation d’état de crise des droits de l’Homme « déclarait tout récemment M. Ahmed Attaf, Ministre des Affaires Etrangères (18). Ce discours résume la position officielle des autorités qui refusent, en toute connaissance de cause, de prendre acte de la gravité et de l’ampleur des violations dont elles sont saisies et informées.
Néanmoins, et notamment grâce aux efforts des victimes et de leurs défenseurs en Algérie même et aux demandes de plus en plus insistantes de la communauté internationale, elles ont tenté cette année de limiter les effets de cette mise en cause en reconnaissant un nombre restreint de ce qu’on appelle dans le langage officiel » des dépassements « . Après un silence qui a duré trop longtemps, des journaux privés se sont fait l’écho de ces violations, y compris en première page, le plus souvent pour reprendre l’argumentaire des autorités, à savoir qu’il n’y eu que » 128 cas documentés « de 1992 à ce jour.
Sur ces 128 cas, imputables en grande partie à des policiers et à des membres des groupes de légitime défense, » 40% ont été jugés et sont en phase d’instruction » selon le ministère de la Justice. Dans 54 cas, il s’agit de » décès suspects sur les lieux publics » et concernent des » victimes exécutées dans la rue ou tuées d’une façon volontaire ou non lors d’un accrochage entre les forces de sécurité et les terroristes « .La justice a élucidé sept affaires en condamnant les auteurs à des peines allant de quatre mois à la perpétuité, poursuit le rapport qui donne quelques exemples, tels celui d’un » patriote » condamné à perpétuité en 1997 pour avoir tué six membres de la famille d’un voisin » émir d’un groupe terroriste auteur du massacre de sa famille « , ou celui du commissaire de Mouzaia condamné à six ans de prison pour avoir tué un » patriote » sous l’emprise de l’alcool dans un accident de voiture et demandé à quatre de ses agents de jeter le cadavre de la victime en-dehors de la ville. Les quatre agents avaient été relaxés, ajoute le ministère qui ne reconnaît que dix » exécutions extrajudiciaires […], sept dans les locaux des forces de sécurité, un dans un hôpital et deux au niveau de la frontière ouest » (19).
De même, le gouvernement algérien annonce qu’il n’a plus procédé depuis 1993à l’exécution de peines capitales (20). Il n’empêche qu’outre les exécutions sommaires et extrajudiciaires signalées ci-dessus, il est aujourd’hui acquis qu’à deux reprises au moins, des prisonniers, condamnés ou prévenus, sont décédés dans des établissements pénitentiaires, au cours de mutineries plus ou moins avérées. De très nombreux indices permettent d’affirmer que des prisonniers ont été exécutés après s’être rendus. Comme dans d’autres circonstances, les enquêtes diligentées ont été partiales et se révèlent peu convaincantes.
Ainsi un nombre encore indéterminé à ce jour de prisonniers sont morts en novembre 1994 à la prison de Berrouaghia. De même, au moins 96 détenus et 4 gardiens ont trouvé la mort les 21, 22 et 23 février 1995 à la prison de Serkadji à Alger lors, selon la version officielle, d’une » tentative d’évasion « qui se serait transformée en » une mutinerie « à l’initiative des prisonniers condamnés ou prévenus dans le cadre du décret-loi sur le terrorisme (21).
Parmi les nombreux événements que les prisons algérienne sont connu depuis 1992 (22), cet épisode sanglant est le seul qui ait fait l’objet de plusieurs rapports et enquêtes, ainsi que d’un procès.
Du côté officiel, le chef du gouvernement annonce le 25 février 1995, soit quarante-huit heures après la fin des » événements « , la constitution d’une commission d’enquête, placée sous l’autorité du Ministre de la Justice. Le 27 février, la presse algérienne évoque l’installation de cette commission par… le Ministre de l’Intérieur. Si tant est qu’il ait été fait, le rapport de ladite commission n’a jamais été publié. Le 11 mars 1995, la télévision diffuse de longs aveux télévisés de prisonniers rescapés, interrogés par le procureur général, qui confirment la version des autorités. Le 16 mai 1995, l’ONDH rend public le rapport d’une » commission non-gouvernementale « qu’il dit avoir pris l’initiative de constituer (23). Les conclusions du rapport corroborent à nouveau la version officielle, à savoir l’échec d’une tentative d’évasion, fomentée par des prisonniers avec la complicité d’un gardien. Des condamnés à mort auraient, grâce à un double de clef introduit par le gardien complice, ouvert leurs cellules puis libéré les autres prisonniers, tué quatre gardiens et essayé de s’échapper. Ayant constaté l’échec de leur tentative, ils auraient libéré des centaines d’autres codétenus et pris en otage des détenus de droit commun. Craignant pour leur vie, les autorités auraient donné l’assaut final. En conclusion, le rapport » déplore le nombre important de morts après l’assaut donné par les forces de sécurité « , et regrette » tout autant[…] l’épreuve de force imposée par un groupe de détenus irréductibles, probablement ceux de l’assassinat des quatre agents ainsi que de la prise d’otages des vingt-six détenus « .
Les enquêtes indépendantes menées, tant en Algérie, que par les organisations internationales soulèvent de très nombreuses interrogations et révèlent la violation de nombreuses dispositions tant du droit interne qu’international, durant les journées et semaines qui ont précédé le 21 février 1998 (A), durant » les événements « (B) et après (C).
A- Avant » la mutinerie « elle-même, celles-ci peuvent être résumées comme suit.
1- Sur la base de listes préétablies par l’administration, des détenus ont été transférés dans les jours précédant » la mutinerie « d’une cellule ou d’une salle à une autre, et ce en-dehors des heures de service. De tels transferts intervenaient régulièrement, mais se faisaient durant les horaires normaux de travail et au hasard.
2- La veille de la mutinerie, toujours en dehors des heures de service, une fouille méticuleuse a été entreprise par le directeur, notamment dans l’aile des condamnés à mort.
3- Des prisonniers ont été extraits d’autres établissements pénitentiaires (en particulier Berrouaghia, Chlef, ElHarrach) et transférés à Serkadji dans les semaines précédentes. Ces extractions se sont faites de manière illégale car opérées par des éléments cagoulés, sans le document nécessaire délivré en théorie par le Parquet. Certains prisonniers ont transité par le Commissariat Central d’Alger et y ont été torturés, avant d’être emmenés à Serkadji. Plusieurs de ces prisonniers sont morts durant » la mutinerie « .
4- Des condamnés à mort incarcérés dans des prisons centrales ont été transférés vers Serkadji, établissement ordinaire, ce qui est, en théorie, prohibé par la loi algérienne,
5- Autre fait illégal, des condamnés à mort ont été maintenus à Serkadji, au-delà des délais légaux; nombre d’entre eux ont été tués lors de l’assaut des forces de l’ordre (24).
6- Le gardien présumé complice, recruté peu de temps auparavant, a été affecté en dépit de son inexpérience professionnelle à l’aile des condamnés à mort, d’où est partie la » tentative d’évasion « .
7- Un simple gardien a été désigné la nuit du début des » événements » au poste d’officier de permanence.
B- D’après les témoignages recueillis par les familles des victimes, leurs avocats et les défenseurs des droits de l’Homme en Algérie, les cellules ont été ouvertes par des hommes cagoulés qui ont subitement disparu après. Plusieurs centaines de prisonniers se sont ainsi retrouvés » libres » dans la cour de la prison avec les corps de cinq personnes tuées : quatre gardiens et un prisonnier. Devant l’arrivée des forces de l’ordre qui ont pris place, des prisonniers connus, dont Abdelkader Hachaniet Abdelhak Layada, sont chargés par les détenus d’une mission de médiation avec les autorités en vue de trouver une issue pacifique. Durant les six heures de négociation, aucune victime supplémentaire n’est signalée. La cellule de médiation propose que les détenus réintègrent leurs cellules et qu’une enquête transparente puisse établir les responsabilités des événements et des cinq meurtres. Elle met une seule condition : la venuede trois avocats connus pour leur défense des droits de l’Homme. Les autorités refusent cette dernière condition, et alors même que les prisonniers commencent à réintégrer les cellules, elles séquestrent et séparent les médiateurs et donnent dix minutes aux prisonniers pour quitter la cour. Les forces de l’ordre ouvrent immédiatement le feu d’abord par des tirs ciblés, puis en donnant l’assaut dans la cour et après dans les cellules et les salles de détention. Le » calme » revenu, des prisonniers sont appelés nommément et exécutés. Les survivants sont soumis à de multiples exactions.
C- Durant les jours qui suivent, des dizaines de victimes sont secrètement enterrées dans un quartier réservé au cimetière d’El Alia sous la dénomination » X algérien « , en même temps que d’autres victimes amenées d’ailleurs ; la direction de la prison -maintenue en place en dépit des demandes faites par les avocats des familles – procède immédiatement à la restauration des salles et cellules, détruisant ainsi toutes les preuves matérielles. Le procureur général ouvre une information judiciaire pour tentative d’évasion et meurtre touten procédant de manière parallèle à » l’instruction télévisée » diffusée le 11 mars.
Le procès qui vient de se tenir au mois de janvier 1997, au terme de cette information judiciaire, n’a malheureusement pas dissipé toutes les zones d’ombre qui continuent à entourer cette affaire. Les avocats n’ont ainsi pas pu obtenir que des témoins de première importance soient cités tels les membres de la cellule de médiation (MM. A.Hachani et A . Layada), M. Kamel Rezzag-Bara, le Procureur général alors en poste … et ont démontré que le chiffre de 96 prisonniers tués était bien au-dessous du chiffre réel. Le collectif des avocats a ainsi présenté à lacour des dossiers de prisonniers avec les lettres officielles des autorités informant les familles de leur décès durant » la mutinerie « , mais dont les noms ne figurent pas dans la liste officielle des victimes et dans le dossier d’accusation. L’acte d’accusation comprend en revanche des photos de victimes avec la seule mention » X Algérien « . La cour a refusé de tenir compte de ces éléments, tout comme elle a refusé de prendre en considération les déclarations de certains détenus qui avaient lors de l’instruction reconnu des » mutins » et se sont rétractés après.
DEUXIEME PARTIE : LES ATTEINTES AUX DROITS GARANTIS PAR L’ARTICLE 13 DU PIDCRP
Alors même que nous achevions la rédaction du présent rapport, des agences de presse et au moins un journal algérien rapportaient une information selon laquelle des militants islamistes réfugiés en Syrie avaient été extradés par le gouvernement de ce pays vers l’Algérie. D’autres informations, qui n’ont pu être encore vérifiées, avaient évoqué l’extradition par la Tunisie d’autres réfugiés ou demandeurs d’asile algériens. Il est par ailleurs avéré que des opposants politiques tunisiens, réfugiés ou résidant en Algérie, ont été interpellés dans ce pays et refoulés vers leur pays d’origine alors qu’ils étaient pour certains sous protection du Haut Commissariat aux Réfugiés et qu’il étaient pratiquement tous soit sous le coup d’une condamnation, soit recherchés par les autorités tunisiennes ou à tout le moins connus pour leurs opinions dissidentes.
Ainsi, le 15 avril 1998, M. Mohamed Naceur El Heni, né en 1969 à Sfax (Tunisie) et résidant à Annaba dans l’est algérien, avocat, marié à une citoyenne algérienne et père d’un enfant, a été interpellé à son domicile par des policiers en civil qui l’ont » encagoulé » et emmené dans un endroit où il a été gardé vingt heures au secret avant d’être livré aux autorités tunisiennes le 16 avril. Durant plusieurs jours, son épouse et sa famille n’ont pu avoir de ses nouvelles malgré les démarches effectuées auprès du Procureur général d’Annaba, de la police de la ville – qui a nié l’interpellation- et du Bureau algérien pour la protection des réfugiés et Apatrides du Ministère des Affaires Etrangères. M.El Heni a été ainsi interpellé et extradé vers la Tunisie alors qu’il était sous la protection du Haut Commissariat aux Réfugiés et qu’il avait introduit une demande d’asile en Algérie, demande qui avait été repoussée en novembre 1997. Les autorités algériennes étaient parfaitement au courant des antécédents politiques de M. El Heni en Tunisie, qui lui avaient notamment valu une arrestation et une détention au secret de quatre mois en 1991. Elles ne pouvaient non plus ignorer que M. El Heni ne pouvait trouver facilement un autre pays d’accueil pour lui et sa famille, et ce d’autant plus que les autorités consulaires tunisiennes en Algérie lui avaient retiré son passeport en juillet 1996. A son arrivée à Tunis, M. El Heni a été interrogé durant dix jours par la police tunisienne avant d’être relâché.
Selon diverses sources, plusieurs autres citoyens tunisiens avaient été interpellés puis refoulés d’Algérie en 1994. Connus pour leur appartenance ou proximité avec le mouvement islamiste tunisien, ils s’étaient établis en Algérie soit pour demander l’asile pour ceux d’entre eux qui étaient recherchés ou condamnés, soit pour poursuivre leurs études après une exclusion du système scolaire en Tunisie. En plus de leurs opinions politiques, certains d’entre eux, qui étaient originaires de la zone frontalière algéro-tunisienne (Ghardimaou, Jendouba, …), se voyaient reprocher parles autorités tunisiennes d’organiser la fuite des personnes recherchées. Il s’agit de MM. Driss Nouioui, Zine El Abibdine Attia, Abdeljawad Abboud, Guaddour Naghmouchi, Omar Graïdi, Nassereddine Khelifi, Jemma (ou Sadok) Barhoumi, Ridha Ghazouani, Farid Baldi et Fethi Ouerghi.
L’un d’entre eux, Driss Nouioui, était sous mandat de protection du Haut commissariat auxRéfugiés et aurait été retenu deux semaines au commissariat central d’Alger avant d’être renvoyé en Tunisie où il purge une peine de prison à perpétuité. En 1991 et alors qu’il était déjà en Algérie, Le Ministre de l’intérieur tunisien de l’époque, M. Abdallah kallal l’avait cité nommément comme l’un des responsables du » complot contre le Président « . Un autre, M. Zine ElAbidine Attia, avait été candidat indépendant aux élections législatives d’avril 1989 en Tunisie avant de s’installer régulièrement en Algérie où il poursuivait lors de son interpellation des études de droit à l’université de Ben Aknoun à Alger. Il semble peu probable que les autorités d’Alger ignoraient sa condamnation par contumace à vingt ans de prison (25) et ses activités syndicales menées parmi les étudiants tunisiens de l’université d’Alger.
TROISIÈME PARTIE : LES ATTEINTES AUX DROITS GARANTIS PAR L’ARTICLE 14
Les droits garantis par l’article 14 ont été bafoués durant cette période par l’adoption ou la promulgation de décrets et de textes de lois aggravant les peines, élargissant de manière très importante et parfois floue les délits et crimes poursuivis, et limitant de manière drastique les droits des prévenus, des magistrats et de la défense. Il s’agit du décret-loi 03/92 contre le terrorisme et la subversion (A) et du décret exécutif du 24 octobre 1992 qui a remanié la loi du 12 décembre 1989 portant statut de la magistrature (B).
A- Le décret-loi 03/92 contre le terrorisme et la subversion
Le décret-loi 03/92 contre le terrorisme et la subversion a été promulgué par le HCE (26) le 30 septembre 1992 et a notamment institué trois Cours Spéciales, composées de cinq magistrats (un président et quatre assesseurs), nommés par décret présidentiel non publié (27). Par le même décret, les peines encourues pour crimes de terrorisme avaient été aggravées et l’âge pénal ramené à seize ans. Contrairement aux lois précédemment en vigueur, les arrêts de renvoi n’étaient plus susceptibles de pourvoi en cassation et les avocats devaient, à partir d’avril 1993, obtenir l’agrément du Président de la Cour Spéciale. Cette dernière mesure avait à l’époque suscité un large mouvement de protestation des barreaux algériens, obligeant le gouvernement à la retirer.
Les défenseurs des droits de l’Homme en Algérie estiment anticonstitutionnel ce décret-loi, improprement qualifié de décret législatif, et ce pour deux raisons essentielles. Les règles générales de droit pénal et de procédure pénale étant du domaine de la loi (article 117 de la Constitution algérienne), il n’était pas du pouvoir du Président de la République et encore moins du HCE qui l’avait remplacé de modifier ces règles. D’autre part » cette anticonstitutionnalité est nettement marquée par la violation de la règle de non-rétrocativité instituée par l’article 42 de ce texte, qui fait transférer les procédures pendantes devant les juridictions de droit commun vers les juridictions spéciales qu’il a instituées » (28).
Depuis une ordonnance du 25 février 1995, le Code Pénal et le Code de Procédure Pénale ont intégré diverses dispositions répressives exceptionnelles qui figuraient dans le décret législatif abrogé du 30 septembre 1992 sur la subversion et le terrorisme. Autrement dit, si les Cours spéciales ont été supprimées et si les actes de violence terroriste sont désormais du ressort des tribunaux ordinaires, il n’en demeure pas moins que des règles d’exception ont été incorporées au droit commun. Outre l’aggravation des peines encourues pour les » actes terroristes et subversifs « , la possibilité de faire procéder à des perquisitions ou des saisies de jour comme de nuit, et le jugement des mineurs ayant atteint l’âge de seize ans ont été insérés dans le Code Pénal et le Code de Procédure Pénale . Il convient toutefois de relever que si les Cours Spéciales ont été supprimées, la composition des Tribunaux Criminels a été à cette occasion modifiée. Alors qu’auparavant ils étaient composés de trois Magistrats professionnels et de quatre jurés populaires, ils comprennent désormais toujours trois Magistrats professionnels, mais seulement deux jurés populaires.
Durant les 29 mois régis par le décret-loi du 30 septembre 1992, des milliers de personnes (29) ont été jugées par cette justice d’exception dont les avocats algériens n’ont cessé de dénoncer publiquement les dérives :
» les premiers inculpés furent présentés les yeux bandés devant le juge d’instruction «
Me Ali-Yahia Abdenour, Président de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme, 1996
» Pour avoir fait remarquer au Président que le PV sur lequel il se basait pour interroger un de mes clients n’était signé ni par l’inculpé, ni par le magistrat instructeur, ni par le greffier, et qu’il était par conséquent nul, j’ai reçu trois avertissements.[Le Président] peut en outre expulser l’avocat et même le poursuivre en audience. Les Cours Spéciales veulent ainsi nous habituer à nous taire sur les violations du droit. Elles terrorisent les droits de la défense « .
Me Bachir Mecheri, mars 1994
» Un grand nombre de jugements prononcés par des tribunaux ne reposent que sur les données des procès-verbaux de police dont les aveux sont extorqués sous la torture dans la majorité des cas «
Me Mutapha Bouchachi, septembre 1994
» Je peux vous citer le cas de Hacène Kaouane qui se trouvait à la prison d’El Harrach. Il a été appelé dans une affaire devant la Cour Spéciale, et malgré les documents présentés par la défense pour dire que ce monsieur se trouvait à la prison d’El Harrach, à quelques mètres seulement de la Cour Spéciale, la cour a outrepassé les demandes des avocats.[…]. Kaouane a été condamné à mort par contumace ! «
Me Mohamed Tahri, avril 1995
B- Le décret exécutif du 24 octobre 1992 qui a remanié laloi du 12 décembre 1989 portant statut de la magistrature .
Cette loi avait en effet créé un Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), dont » la composition et la prérogatives […] rompent totalement avec le passé et donnent un contenu concret à la notion d’indépendance du juge « (Me Miloud Brahimi, avocat algérien), en lui confiant la responsabilité exclusive de gérer les carrières des magistrats et en proclamant le principe de l’inamovibilité des juges.
Aux termes de la loi du 12 décembre 1989, le CSM était composé de 25 membres dont 16 magistrats élus, compte non tenu du premier Président de la Cour Suprême, du Procureur Général près la Cour Suprême et du Vice-président de la même Cour, membres de plein droit. Il titularisait les magistrats et décidait seul des mutations et du déroulement de carrière, des promotion et des sanctions. L’article 16 introduisait pour la première fois dans l’histoire du pays le principe d’inamovibilité en proclamant que le magistrat ayant dix ans de service effectif ne peut être muté ou recevoir une nouvelle affectation (au parquet, dans l’administration centrale, …) sans son consentement. Le ministre n’avait plus que le pouvoir de muter les magistrats du parquet et de l’administration centrale, étant entendu que ces décisions pouvaient être contestées devant le CSM. Cependant, si la titularisation et la promotion étaient confiées par la loi du 12 décembre 1989 au CSM, le pouvoir exécutif avait prévu une période transitoire de 3 ans pendantlesquelles le Ministère de la Justice pouvait procéder aux promotions qu’il jugeaitutiles.
Profitant du droit d’association qui leur est reconnu par cette loi (article 21), les magistrats créent en 1990 un Syndicat National des Magistrats et une Union Nationale des Magistrats. Tous les candidats du Syndicat aux élections du CSM sont à l’époque élus.
Avec la promulgation du décret exécutif 05/92 du 24octobre 1992, le Ministre de la Justice a repris ses prérogatives en matière de nomination et de titularisation des magistrats (article 3) à la place du CSM, ramené à 17 membres dont seulement six magistrats élus par leurs pairs. En comptant les deux magistrats membres de plein droit (Premier Président de la Cour Suprême et Procureur Général près la Cour Suprême), les magistrats sont désormais minoritaires. Quatre personnalités nommées par le Président de la République entrent au CSM : le directeur général de la fonction publique et trois directeurs centraux du ministère.
Ce décret a donc limité l’indépendance des juges en modifiant sensiblement la composition et les attributions du CSM, mais aussi les droits des magistrats, notamment le droit à l’inamovibilité. Alors que l’article 16 de la loi du 12/12/89 disposait que : » le magistrat du siège ayant dix ans de service effectif est inamovible et ne peut, sans son consentement, être muté ou recevoir une nouvelle affectation au parquet ou à l’administration centrale ou dans les services administratifs de la Cour Suprême » et que l’article 42 lui permettait de refuser une mutation même accompagnée d’une promotion, le décret du 24 octobre 1992 lui fait obligation d’accepter une promotion, même si elle débouche sur une mutation. De même, le détachement comme la mise en disponibilitéqui dépendaient du CSM auparavant sont désormais entre les mains duseul Ministre de la Justice.
Aux yeux du Syndicat National des Magistrats, ce décret a constitué » une orientation autoritaire de la justice » et » a donné naissance à toute une panoplie d’anomalies et d’incohérences, allant de l’arbitraire dans la prise de décision aux règlements de compte, en passant par les accusations fantaisistes à l’encontre des magistrats, portant ainsi une atteinte grave à leur honneur et dignité, voire carrément leur suspension, sur la base de motifs infondés et la plupart du temps inexistants » (30). Depuis octobre 1992, le syndicat demande l’abrogation pure et simple de ce décret dont les effets se sont fait très vite sentir sur les magistrats. En avril 1995, seize magistrats étaient suspendus pour la seule région centre pendant au moins un an alors qu’ils n’avaient » pas commis de faute professionnelle , et qu’ils n’ont pas été traduits devant une commission de discipline. Uniquement peut être parce qu’ils appliquaient la loi comme ils la ressentaient » (31). Outre les suspensions, les autorités semblent avoir largement recouru à la mutation de nombreux magistrats comme le relevait récemment le Syndicat National des Magistrats qui note : » le plus alarmant dans toute cette gabegie, c’est que le lieu prédestiné des mutations n’est rien d’autre que le Grand Sud. Cette pratique n’est pas propre au Ministère de la Justice uniquement mais semble être courante dans presque toutes les administrations algériennes, lesquelles quand elles veulent » punir » leurs agents les » expulsent » vers le Sud. Comme si cette partie de l’Algérie est devenu un rebut de fonctionnaires » (32).
Les velléités d’indépendance dont ont pu faire preuve certains magistrats (octroi d’expertises médicales, libérations provisoires…) ont suscité des réactions de la part des autorités soit par des déclarations publiques (33), soit par des circulaires. Ainsi, pour la seule année 1996, deux circulaires confidentielles du Ministre de la Justice ont été adressées aux magistrats. S’alarmant de la non-application par certains d’entre eux de ses directives, le Ministre conclut dans une circulaire en date du 10 février 1996 :
« En conséquence, les Présidents et Procureurs généraux des Cours, ainsi que les Présidents et Procureurs des Tribunaux criminels doivent s’astreindre à respecter les directives et à veiller à leur application littérale, sans hésitation ni retard, sans interprétation ni modification de leur contenu. Les cadres de la Justice doivent savoir que les directives qui émanent de l’administration centrale revêtent un caractère d’obligation et d’urgence; en conséquence, on doit, en plus de leur adoption, veiller de manière stricte à leur application urgente sans qu’il soit nécessaire de les rappeler. Aucune excuse ne sera tolérée quel qu’en soit le motif, et tout responsable d’un retard ou refus d’exécution aura à rendre compte personnellement et sera puni en conséquence ».
Dans une autre circulaire en date du 23 mars 1996, le Ministre M.Mohammed Adami s’inquiète de certaines libérations provisoires et écrit aux Présidents et procureurs généraux :
» Notre attention est attirée par le fait que certains juges d’instruction prennent l’initiative de libérer provisoirement quelques accusés impliqués dans des affaires à caractère dangereux qui préoccupent l’opinion publique sans que le ministère en soit informé et sans discussion ou coordination avec les Présidents des conseils judiciaires lesquels sont légalement aptes à contrôler les activités des chambres d’accusation.
Je vous demande de ne plus recourir à de telles attitudes et de traiter le sujet avec circonspection, sagesse et objectivité nous informant à l’avenir de tout ce qui touche à ce sujet « .
La FIDH souhaite enfin attirer l’attention du Comité sur le fait que le gouvernement algérien vient de déposer à l’Assemblée Populaire Nationale (APN) un nouveau projet de loi relative au statut de la magistrature. Ce projet devrait donc, après son adoption, remplacer le décret exécutif du 24 octobre 1992. Discuté par la commission des affaires juridiques de l’APN, mais non encore voté, ce projet a été vivement critiqué par le Syndicat National des Magistrats (SNM) qui a adressé aux divers groupes politiques de l’Assemblée un long mémorandum proposant toute une série d’amendements en vue de renforcer l’indépendance de la justice en Algérie. Un résumé des principales propositions du SNM est joint en annexe 2.
QUATRIÈME PARTIE : LES ATTEINTES AUX DROITSGARANTIS PAR L’ARTICLE 21
Le 2 décembre 1991, un amendement a été porté à la loi 28/89 du 31 décembre 1989 sur les rassemblements et les manifestations publiques. Nécessitant jusque là une simple notification au Wali, les meetings et autres manifestations sont depuis soumis à autorisation préalable du Wali (préfet). En vertu de ces dispositions et de celles du décret sur l’état d’urgence, toujours en vigueur, les autorité sont à de nombreuses reprises interdit la tenue de réunions programmées dans des salles publiques ou privées, des séminaires de formation,ainsi que des manifestations de rue appelées par des partis légauxet siégeant à l’Assemblée nationale.
A titre d’exemple, une des associations algériennes les plus dynamiques, Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), s’est vue interdire plus de vingt réunions, concerts et manifestations entre 1994 et 1997 dont une liste non exhaustive est jointe en annexe 3. Ces interdictions ont concerné la capitale, siège national de l’association, mais aussi des activités prévues dans les villes de Béjaïa, Oran, Jijel, Aïn Sefra, Bechar, Tizi-Ouzou…
De mars 1993 à juin 1995, l’association avait pu tenir ses diverses activités. Depuis, suite à l’organisation d’un concert pour la paix dans la salle la Coupole qui avait réuni des milliers de personnes, pratiquement toutes ses activités sont non autorisées.
Dans pratiquement tous les cas, la notification officielle ne donne ni explication ni référence juridique et se contente de dire qu’il est impossible de » donner une suite favorable « à la manifestation projetée. Dans d’autres cas, rares, il est parfois opposé aux associations que » les moyens d esécurité pour garantir le bon déroulement [de la réunion, du concert] ne peuvent être dégagés compte tenu des servitudes programmées par les services de sécurité « . Dans d’autres enfin, les autorités invoquent les statuts de l’association et décident que l’activité projetée ne relève pas de ses » compétences « . Il n’est pas rare non plus que l’interdiction d’une manifestation soit communiquée verbalement aux responsables des associations sans aucune notification écrite, surtout dans les villes de province, ou qu’une réunion statutaire interne soit purement et simplement interdite comme l’assemblée générale du Syndicat National des Magistrats, prévue pour les 19 et 20 décembre 1996, et qui n’a pu se tenir sur ordre du Ministre de la Justice.
Les salles publiques pouvant abriter des activités étant peu nombreuses et dépendant de toute façon du bon vouloir des autorités, de nombreuses manifestations politiques et associatives se tiennent dans des salles privées dont les propriétaires ont été, semble-t-il, objet de pressions de la part des autorités pour refuser leur location à des associations ou à des partis d’opposition.
Enfin, dans le climat de violence et de régression des libertés que connaît le pays depuis 1992, les demandes d’organisation de manifestations de rue ont été peu nombreuses. Les rares tentatives émanant de partis politiques ont été interdites ou violemment réprimées, à de très rares exceptions (principalement les manifestations des partis politiques contre la fraude constatée lors des élections communales). Le Front des Forces Socialistes (FFS) s’est ainsi vu interdire l’organisation de trois marches (12 et 16 décembre 1996, 11 septembre 1997) et deux autres de ses manifestations ont été dispersées violemment (12 février 1998, 30 juin 1998).
ANNEXE 1
EXEMPLES D’EXECUTIONS SOMMAIRES
1- 1994 : Belkacem Haddoum, né en 1960, père de trois enfants, officier municipal à Djelida (Wilaya d’Aïn Defla) a été arrêté en 1994 par la Gendarmerie; son père lui rendit visite à plusieurs reprises durant sa détention et le vit vivant pour la dernière fois en février. Il auraitété conduit à la forêt de » El M’Ghazi » et exécuté avec six autres victimes dont Kouider Haddoum, demeurant à Hassania, Djillali Haddoum, né en 1966 et Belkacem Tazerout, père de dix enfants et maire-désigné de Hassania. La forêt de El M’Ghazi servirait régulièrement de lieu d’exécution.
2- 1995 : Capitaine Mourad Meddour approchant la quarantaine, marié, habitant Annaba, en poste à Tebessa (commandant d’unité). En décembre 1994/janvier 1995, alors qu’il revenait de nuit dans une voiture Renault de type R4 vers son unité, le capitaine Mourad Meddour aurait remarqué sur le chemin de la caserne un barrage » combiné » (des gardes communaux, des » patriotes » et des militaires qui, d’après notre témoin, portaient des burnous). Méfiant – le barrage était dans le périmètre de sécurité de la caserne où normalement il ne doit pas y avoir de barrage fait par des éléments étrangers aux militaires de cette caserne -, il aurait rebroussé chemin pour entrer dans la caserne par une autre porte. Les éléments tenant le barrage ont alors tiré et l’ont tué.
3- 1996 : Samir Kherchi, agent d’ordre public, domicilié à Bab El Oued, à Alger. Blessé une première fois en 1995, il aurait été la cible de plusieurs tentatives d’attentats et suspendu » pour faute disciplinaire » en 1996 avant de reprendre son service au commissariat de Ben Aknoun. Au printemps 1996 et alors qu’il était au repos, il aurait tué avec son pistolet de service un jeune marchand ambulant, qui vendait un téléviseur, sur le trottoir du marché dit des trois horloges. D’après ses déclarations faites d’abord aux témoins, puis aux policiers du cinquième arrondissement, il aurait remarqué deux jeunes » trabendistes » et la victime aurait remis un pistolet à son compagnon qui se serait enfui. Craignant d’être victime d’un nouvel attentat, il a arrêté la victime, qui s’était réfugiée dans un magasin puis l’a exécutée. Arrivés sur place, les policiers ont arrêté le meurtrier qu’ils ont relâché cinq jours après. D’après les témoignages qui nous sont parvenus, le frère du policier aurait demandé aux voisins de faire un faux témoignage selon lequel ils auraient vula victime remettre un pistolet à son ami, ce que la plupart a refusé. En mai ou avril 1996, après le ramadan, le policier, suspendu, a été tué alors qu’il se trouvait dans une voiture, avec le gendre d’un gendarme qui habitait dans le même immeuble.
4- 1997 : Rachid Medjahed. Durant son séjour en Algérie en avril 1997, la délégation de la FIDH a eu confirmation des informations diffusées par Middle East Watch et Amnesty International peu de temps avant son départ dans ce pays concernant l’assassinat dans un centre de détention secret de Rachid Medjahed, responsable présumé de l’assassinat, le 28 janvier 1997, de M. Abdelhak Benhamouda, Secrétaire général de l’UGTA, Union Générale des Travailleurs Algériens. Arrêté le12 février – et non le 15 comme l’affirment les autorités -Rachid Medjahed, ancien conseiller municipal membre du FIS – qui aurait déjà purgé une peine de trois ans de prison – a été montré à la télévision algérienne, le 23 février 1997, où il a avoué être l’instigateur de l’assassinat du dirigeant syndicaliste. Le 3 avril, sa famille a été informée de sa mort en détention le 26 février précédent, alors que divers indices laissent clairement entendre qu’il était déjà décédé à cette date. Arrêtée, Mme Medjahed aurait subi de très graves sévices.
5- 1998 : Kamel Nachef, père de trois enfants, demeurant rue Babilas à Tizi Ouzou, a été arrêté devant son épouse, enceinte, le 2 février 1998 à 3 heures du matin et emmené au commissariat de Tizi Ouzou où il a été mis en garde à vue en même temps que son frère Saïd, ainsi qu’une cinquantaine de personnes arrêtées la veille ou le jour même et demeurant cité Le Cadi, Cité Mokkadem, Cité des 2000 logements, Aïn Hallaïf. Le 8 février, son autre frère, M. Rabah Nachef a reçu la visite de quatre policiers qui l’ont emmené au commissariat sans explications. Au commissariat, l’officier de police Hasane Bissai l’informe du décès de son frère Kamel après lui avoir montré une cellule où il y avait des traces de sang au sol, des impacts de balles sur les murs ainsi que des fils électriques, des gourdins et des chevrons traînant parterre. Après avoir refusé de signer un procès-verbal, M. Nachef s’est rendu au Tribunal où il a été reçu par le Procureur. Ce dernier n’était pas encore au courant du décès de la victime et c’est durant l’entretien qu’il a reçu une communication téléphonique puis un dossier concernant apparemment cette affaire. Il demanda alors au frère de la victime de partir lui promettant de le tenir au courant. A la morgue, M.Rabah Nachef a procédé à l’identification du corps de son frère qui portait des traces de sang et de deux balles, l’une au niveau de l’épaule droite et la seconde du côté gauche de l’abdomen.
La famille a depuis porté plainte et deux partis politiquesalgériens ont publié des communiqués au sujet de cette affaire. La victime n’avait pas d’activité politique connue.
6- 1998 : Riadh Boutekdjiret, né le 13 janvier 1977, demeurant à El Biar à Alger, étudiant, a été blessé le dimanche 22 février 1998 par le policier algérien en faction devant l’ambassade du Portugal lors d’un contrôle d’identité. La victime qui avait reçu une balle au cou a été hospitalisée à l’hôpital Mustapha. La FIDH ainsi que des organismes humanitaires français ont reçu un appel au secours de ses proches demandant son hospitalisation d’urgence en France. Alors que les préparatifs d’unrapatriement sanitaire étaient en cours, la victime est décédée. Il faut noter que si le drame a eu lieu à 12 H 30, les parents n’ont été avisés que deux heures plus tard. Reçu le jour même par le commissaire, le père s’entend dire que le policier a tiré » parce qu’il se sentait menacé « . Le lendemain, le commissariat d’El Biar refuse d’enregistrer la plainte que voulait déposer le père qui a depuis constitué un avocat.
7- 1998 : Ahmed Labdi, 25 ans, demeurant à Fontaine Fraîche à Alger aurait été exécuté sommairement dans la nuit du 16 juin 1998, vers trois heures du matin après son arrestation au domicile familial par des » ninjas » qui étaient accompagnés par ce que la population algérienne appelle un » bouchkara » . Alors que le jeune Ahmed dormait, les policier sont investi la maison en escaladant le mur d’enceinte, l’ont réveillé et lui ont menotté les mains derrière le dos avant de l’emmener. Quelques minutes après, la famille et les voisins entendaient des coups de feu dans la forêt voisine. Le père de la victime, policier à la retraite, a été convoqué au commissariat pour remettre le livret militaire de la victime et signer un procès-verbal qu’il n’a pas lu. Pour la police, M. Labdi a été tué parce qu’il aurait tenté de désarmer un policier.
ANNEXE 2
Projet de loi organique relative au statut de la magistrature
Propositions d’amendements du Syndicat National des Magistrats(SNM)
Résumé
L’article 9 du projet porte sur l’exercice d’un mandat électif et dispose : » la mission de magistrat est incompatible avec l’exercice de tout mandat électif « . Le SNM remarque que l’article 54 du même projet autorise les magistrats à entrer, après détachement, au gouvernement. Il propose en conséquence que les magistrats puissent bénéficier de la même disposition pour les mandats électifs avec droit à la réintégration.
L’article 13 alinéa 2 porte sur l’utilisation de la qualité de magistrat dans les ouvres intellectuelles et prévoit que le magistrat doit obtenir l’accord du ministre. Le SNM propose que l’accord doit être demandé au CSM.
L’article 17 al. 1 concerne l’inamovibilité et dispose : » le magistrat du siège ayant exercé 7 années de service effectif est inamovible et ne peut sans son consentement être muté ou recevoir une nouvelle affectation au parquet ou à l’administration centrale ou dans les services administratifs de la Cour Suprême « .
L’alinéa 2 prévoit que : » Le Ministre de la justice peut dans l’intérêt du service procéder à la mutation des magistrats du parquet « .
Le SNM demande à ce que les magistrats bénéficient de l’inamovibilité dès leur nomination » sauf naturellement pour nécessité impérieuse de service. Quand bien même à notre avis, cette nécessité pourrait être prise en compte lors de la nomination ou de l’affectation dumagistrat au poste d’origine « . Il demande aussi qu’encas de faute professionnelle, le CSM puisse être saisi et statuer.
L’article 17 alinéa 2 : le projet de loi prévoit que l’affectation et la mutation des magistrats du parquet dépendent du Ministre. Le SNM demande une extension, même partielle, du principe d’inamovibilité aux magistrats du parquet. Il propose que les magistrats du parquet soient nommés » pour une période de cinq ans, suite à laquelle l’avis du Conseil Supérieur de la Magistrature est requis pour une extension de la période ou de la mutation du magistrat, sur proposition du Ministre de la Justice « .
Il propose en outre l’amendement suivant : » En aucun cas, le Ministre de la Justice n’est autorisé à adresser des instructions aux magistrats du parquet se rapportant aux affaires judiciaires en cours « . Il propose que Procureur général près la Cour Suprême soit seul habilité à veiller sur les affaires suivies par les magistrats du Parquet.
Les articles 41, 42, 48 et 49 du projet de loi portent sur l’organisation hiérarchique et codifient les conditions de promotion des magistrats, qui relèvent des attributions du Ministre de la Justice suivant des modalités déterminées par voie réglementaire.
S’appuyant sur la Déclaration universelle sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, le SNM considère que » le pouvoir donné au ministre de déterminer les critères de promotion est en contradiction flagrante avec le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire « . Il propose de confier cette prérogative au CSM.
L’Article 74 porte sur la composition du CSM qui devrait comprendre 30 membres.
Le SNM relève d’abord qu’il y a » un déséquilibre flagrant dans la représentation des différentes catégories de magistrats « . Cet article prévoit en effet 15 membres relevant de la justice ordinaire (alors qu’ils sont au nombre total de 2110) et 9 membres relevant de lajustice administrative ? alors que leur nombre total en Algérie est de 240 magistrats. Ce qui donne un représentant pour 140 magistrats pour la première catégorie et 1 représentant pour 26 magistrats pour la seconde.
Le même déséquilibre, relève le syndicat, est prévu au sein de la catégorie des magistrats relevant de la justice ordinaire entre magistrats du siège (1656 au total) et magistrats du parquet : les premiers auraient droit à un représentant pour 165 magistrats et les seconds à un représentant pour 90 magistrats.
Le SNM qui note d’autres déséquilibres et menaces propose » un système de répartition des sièges basé sur l’égalité, l’équité et reflétant la réalité numérique de chaque catégorie de la famille judiciaire » et notamment » une représentation juste et équitable […] au bénéfice des juges du siège qui représentent la majorité, étant donné que c’est à cette dernière qu’incombe la lourde et difficile responsabilité de rendre la justice et de préserver l’autorité du droit ainsi que la liberté de préserver la protection des libertés fondamentales de l’individu « .
Dans ce mémorandum, le SNM traite de nombreuses autres questions. Ainsi, il propose que la vice-présidence du CSM ne soit pas réservée au Ministre mais au Président de la Cour Suprême ou mieux encore à un membre élu du CSM. Il conteste le fait que l’organisation et les modalités de l’élection des membres du CSM soient » déterminées par voie réglementaire » (article 79 du projet). Le syndicat relève aussi que le projet de loi est muet sur l’emplacement du futur siège du CSM. Estimant que ce silence a pour but » d’éviter que cette question ne soit laissée au législateur « , il propose de la fixer à la Présidence de la République ou dans un lieu autonome du ministère.
Le mémorandum traite aussi longuement de la rémunération et des conditions de logement des magistrats algériens en proposant de nombreuses améliorations. Pour illustrer son propos, il relève que des cadres ou des magistrats détachés auprès de l’administration centrale sont pris en charge(avec hébergement dans des hôtels de la capitale) alors que la centaine de magistrats désignés auprès de la Cour Suprême » occupent actuellement des dortoirs qui leur servent de lieu de résidence. Quant à la restauration, elle est laissée à la charge du magistrat et consiste essentiellement en des produits de conserve pendant toute la durée du séjour au siège de la Cour Suprême « .
En plus des articles du projet de loi présenté aux députés, le SNM traite dans son mémorandum d’autres textes et propose des amendements.
L’article 7 de l’ordonnance 72/02 du 10/02/72 relative à l’organisation pénitentiaire et à la rééducation :le juge chargé de l’application des peines est nommé par le Ministre de la Justice dans la juridiction de chaque Cour pour une période de 3 ans renouvelables. En cas d’urgence, celui-ci est nommé par le Procureur Général.
Pour le SNM, cet article donne des pouvoirs » absolus » au Ministre et au Procureur Général, qui peuvent nommer tous les magistrats de la Cour, sans critères, à ce poste.
Le Ministre et le Procureur Général ont le pouvoir » discrétionnaire » de nommer en maintenant la fonction initiale du magistrat (d’où une surcharge de travail) ou en la retirant. Ce qui équivaut à une mutation, et constitue donc une atteinte au principe d’inamovibilité. Le SNM propose la nomination du juge de l’application des peines par le CSM. Il propose aussi que le CSM détermine les conditions et les critères nécessaires pour occuper de telles fonctions.
Dans le même mémorandum, le SNM propose deux modifications au Code de Procédure Pénale. La première concerne l’article 39 qui stipule que le juge d’instruction est nommé par arrêté du Ministre pour 3 ans renouvelables; le SNM demande à ce que le juge d’instruction ne soit pas relevé de ses fonctions pendant les trois années et que sa nomination revienne au Président de la Cour.
La seconde concerne l’article 176 qui confie la nomination du Président et des conseillers de la chambre d’accusation au Ministre, toujours pour 3 ans. Le SNM propose que le Président soit nommé par le CSM et que les conseillers soient nommés par le Président de la Cour.
ANNEXE 3
Tableau des disparitions constatées en 1994
liste non exhaustive
Nom et prénom |
Date de naissance ou âge |
Profession |
Date de disparition |
Lieu de disparition |
Circonstances |
AISSANI Ahmed |
17 ans |
Employé |
10 septembre |
à son domicile |
par la police |
ALLAL Allal |
27 mars 1955 |
Assimilé militaire |
25 juin |
sur le chemin du travail |
enlevé devant la caserne de Béni -Mered à Blida |
ALLALI Ameur |
1994 |
à son domicile à Shawla |
a été vu à la gendarmerie de Shawla |
||
AMARI Azzeddine |
11 mars1966 |
14 août |
à son domicile à Ouled Fayet |
||
AMMAR Osmane |
14 mai1941 |
16 septembre |
à son domicile |
Groupe armé non identifié |
|
ATTALLAH mokhtar |
22 juin |
enlevé par des civils armés, aurait été vu à l’école de police de Chateauneuf |
|||
AYAD Zouhir |
3 novrembre 1972 |
Commerçant |
25 novembre |
sur le marché Boumati d’El Harrach |
arrêté par des policiers, aperçu au commissariat de Bourouba |
BATTACH Nacereddine |
1er mars1956 |
Urbaniste |
20 février |
à son travail (Mairied’Alger ) |
arrêté par 4 policiers et emmené au Commissariat Central d’Alger |
BELLAILI Abdelhamid |
30 Juin 1973 |
29 décembre |
arrêté par des policiers |
||
BENDOUMIA Kamel |
11 juillet 1967 |
menuisier |
9 août |
Au domicile des parents |
arrêté par des policiers . Vu à l’école de police de Soumaa. Le frère a été également arrêté pendant 2 jours puis relaché |
BENACHOUR Zouhir |
28 Août 1964 |
11 janvier |
à son domicile |
arrêté par des gendarmes |
|
BENAZZOUZ Redouane |
8 Mai1965 |
28 novembre |
sur son lieu de travail (hopital Mustapha Bacha) |
des policiers encivil qui ont présenté leurs pièces d’identité |
|
BENDJOUDI Kamel |
34 ans |
commerçant |
16 mai |
sur son lieu de travail |
par lapolice |
BENKARA Mustapha |
14 Juillet1953 |
31 mars |
A son travail |
arrêté par des policiers à l’hôpital de Médéa |
|
BENLAMOU ALI |
15 Août 1951 |
1994 |
évadéde la prison de Tazoult où il était condamné à 10 ans |
||
BENLAMOU Mohamed |
1994 |
évadé de la prison de Tazoult; arrêté par lagendarmerie |
|||
BERKAOUIAchour |
10 Juillet 1961 |
agent d’impot |
20novembre |
à l’arrêt de bus du Golf à Alger |
arrêté par les policiers du Golf puis transféré à d’après eux à Serkadji |
BERKHOUIAchour |
33 ans |
agent de constatation |
20novembre |
A son domicile |
par des policiers |
BESSAFI Mohamed |
13 Mai 1954 |
21 décembre |
sur laroute à Relizane |
Groupe armé non identifié |
|
BOUDERHEM Makhlouf |
12 mars 1972 |
stagiaire |
12 juin |
À son domicile |
la victime a été emmenée au commissariat de Boumerdes puis au commissariat de Khemis el Khenchna . |
BOUGAVIDOURA Brahim |
1946 |
chauffeur de car |
2 Octobre |
à un barrage routier |
|
BOUKHEMKHEM Makhlouf |
12mars1972 |
1er juin |
à son domicile |
par desmilitaires |
|
BOUKHOUIDEM Salah |
commerçant |
1994 |
à son domicile |
arrêté par desmilitaires |
|
CHEDJANE Tayar |
1 janvier 1965 |
17 novembre |
à sa sortie dutravail |
enlevé par 4 civils armés |
|
CHEIKH Hassen |
16Janvier 1966 |
12 juin |
sur son lieu de travail |
enlevé par la gendarmerie |
|
CHERGUI Mohamed |
22 juillet |
à sondomicile |
enlevé par des personnes armées et cagoulées. Lemême jour, 20 personnes ont disparu |
||
CHIHAB Salim |
19 décembre 1972 |
18 Mars |
|||
DAHMANI Youcef |
02février1964 |
comptable |
22 nov embre |
sur son lieu detravail |
arrêté par des policiers de Salembier en présence de son directeur et de son adjoint |
DJAAFAR Youcef |
27 mai1966 |
14 juin |
à son domicile |
arrêté par despoliciers |
|
DJAAFRIMohamed |
29 ans |
15 novembre |
sur son lieu detravail |
||
DJELABLI Lakhdar |
4 Avril |
à son domicile |
arrêté par despoliciers à la place de son frère |
||
DJEMAA |
2 juillet1969 |
15 octobre |
à son domicile |
enlevé par des policiers |
|
DOUIBRedouane |
5 octobre1970 |
26 décembre |
enlevépar des policiers |
||
EZARANI Ali |
21 février 1969 |
5 avril |
Près de sondomicile |
arrêté par les gendarmes |
|
FERKOUS Toufik |
6 avril 1972 |
étudiant |
23mars |
à son domicile |
arrêté par des miltaires |
GOUFFA Med Rabie |
17 avril 1978 |
||||
GOUMERI Ismail |
8 mai1967 |
employé aux PTT |
20novembre |
sur son lieu de travail |
par des policiers en civil |
ABBASAmirat |
38 ans |
avril |
à son domicile |
arrêté par les militaires |
|
ALLAOUA Brahim |
1976 |
17 décembre |
arrêté à son domicile |
arrêté par des militaires etdétenu pendant 2 mois à la caserne Les Salines, Dellys |
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BAKIRI Farid |
20 ans |
commerçant |
mai |
à son domicile |
Arrêté par desmilitaires sur son lieu de travail et détenu plusieurs mois à la caserne Sonacome de Rouiba |
BOUDRAA Farid |
20 ans |
sans |
mai |
à son domicile |
arrêté par des militaires et détenu à la casene Sonacome de Rouiba |
DJEDIANI Mohamed |
23 ans |
mai |
à son domicile |
arrêté à son domicile, puisdétenu à la caserne Sonacome Roiba |
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GUEYABI Omar |
35 ans |
employé au Souk El Fellah |
mai |
à son domicile |
détenu plusieurs mois à la caserne de Rouiba |
HADDADI Salim |
5Février 1970 |
plombier- chauffagiste |
12 décembre |
ensortant de son travail |
arrêté par les éléments d’un barrage fixe à Birkadem;vu à la caserne de Ben Aknoun |
HAMDOUCHE ALI |
30 Ans |
menuisier |
14 avril |
à son domicile |
enlevé par des militaires accompagnés degendarmes |
HOCINE Lounes |
26 mai1955 |
24 mai |
Entre Baraki et Boudouaou |
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KABI Hocine |
1er avril 1965 |
8 mars |
à son domicile |
par la police de Bougara |
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KACEM Mokdad |
22 novembre 1948 |
21 décembre |
groupe armé nonidentifié |
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KAIBE Hassane |
1er avril1965 |
commerçant |
8 mars |
à son domicile |
arrêté par des policiers |
LAARADJ Said |
30 ans |
sans |
novembre |
à son domicile |
arrêté par des policiers |
LAIFAOUIHakim |
1er Avril 1966 |
14 décembre |
sur son lieu de travail |
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LAZRAG Nacera |
11 Avril 1961 |
5 décembre |
A son domicile |
parles services de police |
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MAGHANDI Mohamed |
1994 |
sur son lieu de travail |
arrêté par les policiers de Rouiba |
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MAVECHEMACHA omar |
comptable |
décembre |
Cercle du RAMA à Alger |
pardes policiers en civil |
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MIHOUB Brahim |
1967 |
14 février |
à la sortie de lamosquée |
par l’armée |
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MOHElLEBI Kamel |
employé |
5 octobre |
disparu en sortant de son domicile |
||
MORCHDI Reda |
46 ans |
28 juillet |
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OUADDAH Abdelghani |
25 ans |
employé à l’usine de plastique de Hamadi |
mai |
arrêté à son domicile |
arrêté par des militaires de la caserne Sonacome, Rouiba |
OUADDAHHocine |
45 ans |
ouvrier agricole |
mai |
arrêté à son domicile |
Arrêté par des militaires de la caserne Sonacome, Rouiba |
OUHIBZouhir |
employé Sonelgas |
6 décembre |
Arrêté sur son lieu de travail |
||
OUZANE Nadjib |
1er mars 1972 |
6 Décembre |
Arrêté après dénonciation |
||
SABAOUI Nacer |
21 octobre |
à son domicile |
Arrêté par des forces combinées (police et militaires) |
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SABHI Yacoub |
1er mars 1943 |
chauffeur |
22 Juin |
à bord de son véhicule |
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SEMAR Ali |
28 ans |
professeur au lycée |
19 novembre |
A la sortie du lycée |
Par le service desécurité |
SID OMAR |
1ernovembre1966 |
3 août |
à son domicile |
Arrêtépar des civilsà bord de véhicules banalisés |
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TAMELGHATECH Mouloud |
29 janvier 1958 |
ouvier Agricole |
14avril 1994 |
à son domicile |
enlevé par des militaires comme son frère Yahia |
TAMELGHATECH Yahia |
7 août 1947 |
maçon |
14 avril |
à son domicile |
enlevé par des militaires lors d’un ratissage pour contrôle d’identité |
TAZIOU Younes |
25 ans |
sans |
mai |
à son domicile |
arrêté par des militaires et détenu pendant plusieurs mois à la caserne Sonacome de Rouiba |
0TOUARIA Djamel |
16 mars 1965 |
23 mars |
présenté par son père à la gendarmerie |
détenu pendant 22 jours à la brigade de gendarmerie qui a affirmé à son père qu’il a été transféré à Blida |
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TOUMISaid |
29 ans |
4 septembre |
arrêté sur son lieu de travail |
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ZAIDIBoualem |
5 Octobre 1965 |
12 décembre |
arrêté à son travail |
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ZANET Djamel |
31 Mai 1964 |
6 avril |
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ZERNIT Djamel |
1960 |
chauffeur |
7 avril |
à son domicile |
par la gendarmerie et l’armée |
ANNEXE 4
LISTE NON EXHAUSTIVE DES REUNIONS ET MANIFESTATIONS NON AUTORISÉES DE L’ASSOCIATION RAJ
1994
16 Octobre
manifestation Place des Martyrs à Alger
1995
29 Juin
rassemblement devant le siège de l’O.N.U à Alger (contre le génocide en Bosnie)
2 Octobre
conférence-débat sur les libertés démocratiques à Alger
5 Octobre
célébration du 3ème festival d’octobre 88 à la place des Martyrs à Alger
14 Décembre
conférence-débat sur les droits de l’Homme à Alger
21 Décembre
conférence-débat sur les droits de l’Homme à Alger
21 Décembre
rassemblement contre l’atteinte aux libertés démocratiques à Alger
1996
5 Octobre
exposition et projection d’un documentaire à la cinémathèque d’Alger
7 Octobre
exposition et projection d’un film » BAB EL OUED CITE » à la cinémathèque d’Alger
10 Octobre
conférence-débat sur les libertés démocratiques dans la salle Afrique à Alger
24 Octobre
conférence-débat sur les libertés démocratiques à Alger
31 Octobre
gala artistique pour la paix et la démocratie à Tizi-Ouzou
20 Novembre
rassemblement suivi d’un gala artistique non-stop à Tizi-Ouzou
21 novembre
meeting pour la paix dans la salle Afrique à Alger
1997
13 Mars
gala artistique à l’occasion du 4ème anniversaire de RAJ dans la salle Afrique à Alger
15 Mai
conférence-débat sur la liberté de la presse dans la salle Afrique à Alger
5 Octobre
rassemblement devant l’APN pour revendiquer que le 5 octobre soit reconnu comme journée pour la démocratie
7, 8 et 9 décembre
exposition-conférence sur les libertés démocratiques àTizi-Ouzou
11 Décembre
gala artistique à la salle Afrique à Alger
1998
16 Mars
gala artistique à l’occasion du 5ème anniversaire de RAJ dans la salle Afrique à Alger
Notes
1 Dans une lettre datée du 7 mai 1998à l’Ambassadeur d’Algérie à Paris et au Président de l’ONDH, le Président de la FIDH, M. Patrick Baudouin, vient de renouveler la demande de l’organisation de pouvoir se rendre à nouveau en Algérie.
2 La levée du voile: l’Algérie de l’extrajudiciaire et de la manipulation, rapport de la mission internationale d’enquête sur l’administration de la justice et la condition féminine, FIDH, Paris, 1997, page 9.
3 Voir notamment Luis Martinez : La guerre civile en Algérie, Editions Karthala, Paris, 1998.
4 Evaluation de 1995.
5 Chiffre donné par le Premier ministre, M. Ahmed Ouyahia devant le Parlement le 21 janvier 1998.
6 Dans le même discours, le Premier ministre précisait que 52 entreprises privées de gardiennage » sont déjà opérationnelles « .Il faut relever à cet égard que plusieurs sources évoquent l’existence de groupes constitués par de riches commerçants.
7 Outre les sources habituelles, de telles pratiques extrajudiciaires ont été confirmées à la Fédération par d’anciens membres des forces de l’ordre qui ont préféré quitter leur pays plutôt que de participer à de telles exactions. Précisons que ces témoins ne sont pas ceux qui se sont exprimés dans divers journaux européens ces dernières années.
8 Durant les derniers quatorze mois, la FIDH a été saisie de nouveaux cas de tortures durant la garde à vue et de plusieurs exemples de décès. Le précédent rapport en avait traité largement. Voir : La levée du voile : l’Algérie de l’extrajudiciaire et de la manipulation, rapport de la mission internationale d’enquête sur l’administration de la justice et la condition féminine, FIDH, Paris, 1997, pages 12-14.
9 L’une au chef lieu de la commune, la deuxième à Bouadel.
10 La FIDH a pu consulter des photos prises après cette expédition et qui témoignent de l’ampleur de dégâts commis dans les maisons.
11 S’adressant à la mission de la FIDH qui s’est rendue en Algérie fin avril 1997, en parlant du nombre de « terroristes détenus » (18 000 sur 36 000 prisonniers), un interlocuteur officiel dira qu’ils appartiennent » à la deuxième ou troisième périphérie du terrorisme ». On devine ainsi aisément le sort réservé au premier cercle.
12 Journal Liberté, 12 mars 1997.
13 Journal El Watan, 19 avril 1998.
14 le journal l’Authentique évoque dans son édition du 7 décembre 1997 une action des patriotes de M. Zidane Makhfi, par ailleurs député RND, qui opèrent dan la région deMédéa, Bouira et Blida et avance le chiffre de 3000 personnes appartenant à cette milice.
15 Le salaire minimum est d’environ 6 000 dinars en Algérie.
16 « Il s’agit de cas, ce ne sont que des cas » dira M. Rezzag-Bara à la délégation de la FIDH en avril 1997.
17 la publication de ce genre d’annonces dans un journal privé est subordonnée àl’obtention d’une autorisation du Ministre-gouverneur du Grand Alger.
18 La Tribune, 9 juillet 1998.
19 El Watan, 19 avril 1998.
20 Deuxième rapport périodique du gouvernement algérien, page 45/46. Notons à ce propos qu’outre les centaines de peines capitales prononcées parles cours spéciales entre 1992 et 1995, les journaux algériens rapportentquasi-quotidiennement des verdicts de peines capitales prononcés assez souvent par contumace.
21 Située dans une zone de haute sécurité, à proximité de plusieurs institutions offiielles, la prison de Serkadji, l’un des 116 établissements pénitentiaires du pays, comptait alors 1600prisonniers.
22 Il y a eu selon les autorités des » évasions réussies » ou » des tentatives » qui ont échoué dans les prisons de Tazoult, Tiaret, Mers El Kebir,Berrouaghia, Cherchel, El Harrach, Tébessa.
23 L’ONDH est un organisme gouvernemental et la seule association » non-gouvernementale » ayant participé à cette enquête est l’Union médicale algérienne. Sollicitées, la LADH et la LADDH, les deux ligues des droits de l’Homme, ainsi que l’Union nationale des barreauxauraient, d’après le rapport, décliné l’invitation.
24 La loi algérienne dispose que seules quatre prisons centrales sont habilitées à recevoir des condamnés à mort : Tazoult, Berrouaghia, Chlef et Tizi-Ouzou, ce qui n’est pas le cas de Serkadji, prison ordinaire. Elle stipule en outre le transfert dans un délai d’une semaine des condamnés à mort des prisons ordinaires vers l’une des quatre prisons centrales.
25 Outre cette condamnation, M. Attia a été condamné en Tunisie après son retour forcé à une peine supplémentaire de 13 ans.
26 Le Haut Comité d’Etat, composé de cinq personnes, a été institué en remplacement du Président de la République » démisionnaire » en janvier 1992.
27 La publication des noms de ces magistrats était passible d’unepeine de deux à cinq ans d’emprisonnement.
28 Me Mahmoud Khelili, Président du Syndicat national des avocats algériens, entretien au journal l’Evénement, N° 115 du 28 mars au 3 avril 1993.
29 13 770 entre octobre 1992 et octobre 1994 selon les autorités.
30 Syndicat National des Magistrats : Contribution du SyndicatNational des Magistrats au débat et à l’enrichissement du projet de loi organique relative au statut de la magistrature, mars 1998, page 3.
31 Me Mustapha Bouchachi, La Nation, avril 1995
32 Syndicat National des Magistrats : Contribution du syndicat National des Magistrats au débat et à l’enrichissement du projet de loi organique relative au statut de la magistrature, mars 1998, page 8.
33 Le 28 septembre 1992, soit deux jours avant l’adoption du décret-loi contre le terrorisme, le Président de l’Observatoire National des Droits de l’Homme écrit dans le journal El Watan : » Un certain nombre de décisions de l’autorité judiciaire peuvent parfois paraître ou trop laxistes ou complaisantes à l’égard de ceux qui portent atteinte à l’ordre public et à la paix civile. Il y a là risque de saper le moral des forces de sécurité « . En décembre 1992, M. Ali Kafi, Président du Haut Comité d’Etat estime dans une déclaration publique que certains verdicts constituent » un encouragement à la subversion « et enjoint les juges à » faire leur devoir sans hésitation ni crainte des représailles « .