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Définition d’une disparition

Le Comité Humaniste néerlandais des droits de l’homme (HOM)/
Linking Solidarity: www.linkingsolidarity.org

Extraits de « Excuses pour la vérité – disparitions et les conséquences », mars 2000

Les hommes arrivent. Ils enfoncent la porte de la maison, de la villa ou de la hutte. Les occupants peuvent être riches ou pauvres. Les hommes qui font irruption ne portent pas toujours d’uniforme mais ils sont porteurs d’armes. Ils viennent souvent la nuit mais aussi en plein jour. Sans mandat d’arrêt, ils emmènent le père, la mère ou l’enfant. La victime disparaît. Sans laisser de traces…
C’est ainsi que se passe le premier acte de ce drame qu’on appelle « disparition ». La victime ne sait pas ce que sera son sort. Ce que l’avenir lui apportera n’est pas clair. S’agira-t-il d’un long emprisonnement dans l’isolement le plus complet ou de la mort? La victime ne sait pas comment se portent sa famille et ses amis ou si eux sont aussi en captivité. Ce n’est pas seulement le ‘disparu’ qui est dans l’incertitude mais aussi la famille et les amis qui se sont rongés par l’incertitude. Cette incertitude est souvent accompagnée d’angoisse. L’angoisse qu’il leur arrive la même chose. Un élément qui complique davantage la situation de la famille est la situation économique dans laquelle elle se retrouve lorsque le soutien de famille disparaît. Il n’y a plus de rentrées d’argent ou celles-ci ont diminué fortement tandis que les dépenses augmentent lorsque les recherches commencent. Les tickets de transport en commun, les pots-de-vin et surtout les avocats coûtent cher. L’incertitude, les recherches et l’espoir que le disparu reviendra un jour empêchent les membres de la famille à s’adapter à la nouvelle situation. La marginalité sociale et économique en est souvent le résultat .

L’importance d’une définition

Pour faire des démarches sur le plan politique et juridique, il est très important de définir ce qui peut être classé sous le terme « disparition », par exemple selon les normes de l’ONU ou celles des organisations des droits de l’homme.

Définition d’Amnesty International

Amnesty International définit les « disparus » de la manière suivante: « Personnes mises en détention par des agents de l’État. L’endroit où elles se trouvent et leur sort sont cachés et leur détention est niée ». Amnesty International met le terme « disparition » entre guillemets afin de bien faire remarquer que la personne en question n’a pas vraiment disparu. Il y a des gens qui savent où les disparus se trouvent, mais elles se cachent derrière un mur de silence.

Définition de FEDEFAM

Une définition semblable est celle de FEDEFAM: la Fédération des Comités latino-américains des Familles de disparus. Cette définition insiste, encore avec plus de force que celle d’Amnesty International, sur le fait qu’une disparition est une violation des Droits de l’Homme et qu’il en est de même pour les familles qui restent dans l’attente: « une disparition peut survenir à cause d’omissions commises par des employés du gouvernement ou à cause d’individus agissant avec le consentement ou la complicité de ce gouvernement dans le but d’intimidations ou de répressions en contradiction avec les droits de l’homme, avec l’intention de porter préjudice à la personne ainsi qu’à sa famille, acte dans lequel les autorités publiques cachent le sort de la victime et nient leur propre participation dans l’affaire ».

Le fait crucial dans ces deux définitions est l’implication des autorités. Les autorités peuvent être directement ou indirectement responsables d’une disparition. C’est-à-dire: directement lorsqu’elles donnent personnellement l’ordre de faire disparaître quelqu’un au service secret, aux forces combattantes ou à la police. Indirectement lorsque ces mêmes autorités ne donnent pas elles-mêmes l’ordre mais lorsqu’elles approuvent en silence que d’autres fassent disparaître quelqu’un. L’implication personnelle est déniée dans les deux cas. Les autorités se dissimulent derrière un mur de silence et ne collaborent pas à la recherche de renseignements ni à l’action de recherche.

Lien existant avec d’autres violations des droits de l’homme

On ne peut pas considérer que les disparitions n’ont aucun lien avec d’autres violations. Il y a par exemple un lien évident avec la détention pour des raisons politiques. Une disparition peut être une forme de détention non reconnue. La plupart des disparitions ont lieu pendant les premiers jours d’une détention. Les possibilités de prévention se rapportent notamment à cette première période qui est entièrement déterminante. Une disparition peut aussi résulter en un meurtre politique. La grande différence dans ce cas est qu’après un meurtre politique, on découvre le cadavre. A ce moment, pour les familles, l’incertitude provenant de la disparition fait place à la certitude de la mort.

Conditions liées à l’établissement d’une disparition

Strictement parlant, il ne peut s’agir de disparition lorsque le sort du disparu ou l’endroit où il se trouve est connu, lorsque le corps est trouvé ou encore si l’on fait connaître que la victime est décédée.

La différence entre « disparus » et « portés manquants »

Il existe une certaine confusion en ce qui concerne le terme « disparu » et « porté manquant ». Les personnes portées manquantes sont généralement celles qui manquent à l’appel après une calamité ou un accident. Leur absence n’est pas une affaire politique ; rien ne s’est passé à dessein et la responsabilité des autorités n’entre pas en jeu. La disparition que l’on appelle ‘porté disparu’ (missing in action) est différente. On parle de ‘porté disparu’ lorsqu’un soldat est porté manquant et qu’il n’est pas très clair s’il est tombé au champ de bataille ou s’il a été fait prisonnier par l’ennemi. Beaucoup de soldats américains en service au Vietnam appartiennent à cette catégorie. Tout comme dans le cas d’une disparition, les familles des « portés manquants » souffrent de cette grande incertitude. Toute la différence réside dans le fait que les familles peuvent compter sur le soutien et la collaboration des autorités sous lesquelles le soldat était en service. De plus, comparé au cas de disparition, il est plus facile d’obtenir des renseignements concernant les circonstances dans lesquelles le soldat a disparu. Les procédures juridiques se rapportant au cas de ‘porté manquant’ sont contenues dans les Conventions Genevoises (Article 3).

Définition du Groupe de travail de l’ONU concernant les Disparitions Forcées ou Involontaires

En résumé, le principe d’une disparition peut être décrit comme suit: Une personne est arrêtée, détenue, enlevée ou privée de manière ou d’une autre de sa liberté par des employés ou par différentes antennes, par certains niveaux du gouvernement, par des groupes organisés ou par des individus agissant pour leur propre compte ou avec le soutien, le consentement ou la résignation directe ou indirecte du gouvernement, suivi du refus de révéler le sort de la personne concernée ou l’endroit où elle se trouve et du refus d’admettre que la personne est privée de sa liberté, actions par lesquelles la personne dont il s’agit est mise hors d’atteinte de la protection légale. (Définition émanant du Groupe de travail de l’ONU pour les « Disparitions Forcées ou Involontaires).