Maître Bouchachi : «Les disparus sont une affaire internationale»
Table ronde sur les disparus
Maître Bouchachi : «Les disparus sont une affaire internationale»
Slimane Zyadi, La Tribune, 13 décembre 2000
«Les disparitions forcées, cas datteinte aux droits de lHomme» est le thème dune table ronde qua organisée lundi dernier le Rassemblement action jeunesse (RAJ) au centre culturel dHussein Dey à loccasion du 52eme anniversaire de la Déclaration universelle des droits de lHomme. La table ronde a regroupé, outre des mères et épouses de disparus, Hakim Addad, président de RAJ, Mme Leila Ighil, présidente de lAssociation de disparus et Me Bouchachi, avocat. Parmi la classe politique, seul le Parti des travailleurs de Louisa Hanoune, a dépêché un représentant. Cest surtout le traitement par la presse nationale de la question des disparus qui a retenu lattention des participants et il semblerait même quelle soit la raison qui a motivé cette rencontre «afin de mieux cerner les raisons et les buts de ce combat pour les droits de lHomme, pour la vérité et la justice». Mme Ighil brossera le parcours de ce combat plein dembûches car, dit-elle, «les familles de disparus ont subi beaucoup dattaques» et dajouter : «On dit de nous quon est en train de mener un combat perdu davance et on nous rappelle sans cesse que cela fait deux ans que nous luttons sans que tout cela ait apporté ses fruits». A ladresse de ceux-là, Mme Ighil répondra : «La reconnaissance officielle par les autorités de lexistence de cas de disparus nest pas venue par la grâce dun coup de baguette magique.» Elle insistera sur le caractère massif de la mobilisation des familles et rappellera que «ce sont les manifestions de rue qui ont pu lever le tabou qui frappait cette question. La presse na commencé à en parler, affirme-t-elle, quà la suite de ces démonstrations publiques». Par ailleurs, replaçant laffaire dans sa véritable portée, la présidente de lAssociation des disparus, estime que la solution ne pourrait être que politique». «Les 7 800 dossiers de disparus existants, atteste, dit-elle, de lampleur de ce drame». Mais, fait-elle constater, le pouvoir fait de cette tragédie une affaire de dossier alors que la question est une affaire politique. «Quand une femme vient chercher une personne portée disparue, elle ne cherche pas un dossier mais un être de chair et dos», a-t-elle encore relevé. Lui succédant, Maître Bouchachi souligne que «le combat que mènent les familles de disparus ne sera jamais vain». Sadressant aux femmes présentes dans la salle il dira : «Vous êtes en train de lutter pour que cela ne se reproduise plus en Algérie» ; «cela fait uniquement deux ans que vous luttez et déjà le pouvoir a reconnu lexistence de ces crimes». Il rappelle que le pouvoir chilien avait mis plus de 15 ans pour reconnaître la pratique des disparitions forcées. Pédagogue, Me Bouchachi explique le concept dinternationalisation concernant les cas humanitaires. Selon lui, il faudrait faire la différence entre linternationalisation qui fait appel à lintervention des Etats et linternationalisation à laquelle a souscrit lAlgérie, à savoir le respect des droits de lHomme ainsi que les dispositions qui pourraient en découler du non-respect de ces droits. «Si les ONG viennent chez nous, dira-t-il, cest parce quelles sont autorisées à le faire du fait de lengagement officiel de lAlgérie». Il précise que «faire disparaître une personne est un acte considéré comme un crime contre lhumanité par le droit international. De ce fait, les disparitions forcées, dira-t-il encore, sont une affaire internationale».
S. Z.
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