Une complicité malsaine des médias algériens

algeria-watch, 5 janvier 1999

 

Une complicité malsaine des médias algériens

Au sujet des campagnes de diffamation contre les « disparus » et leurs familles

 

Les familles des « disparus » ont enfin créé un cadre organisationnel: l’Association Nationale des Familles de Disparus (ANFD) qui jusqu’à ce jour n’a pas été reconnue officiellement, Mr Akhrouf, chargé de la réception des dossiers des associations au niveau du ministère de l’Intérieur étant à chaque visite de membres de l’ANFD absent. Ferait il partie de la « grande famille des disparus »?

Néanmoins l’association active à rassembler les dossiers de « disparus » sur tout le territoire national et les dépose une fois complets au niveau du ministère de l’Intérieur qui avait promis de prendre en charge ce problème par la création d’une commission chargée du suivi et de bureaux installés au niveau des wilayas pour faire des recherches.

Ces dossiers sont une compilation de documents, témoignages et preuves des enlèvements par des forces de sécurité de personnes qui par la suite « disparaissent ». L’association a déposé plus de 3000 dossiers auprès du ministère concerné.

Les familles ont du constater que les mesures prises par le gouvernement étaient d’une part fictives, les bureaux n’étant pas opérationnels, ou bien relevaient de l’imposture puisque les dossiers déposés au ministère ne servent qu’à ficher les victimes, à les déclarer en fuite ou recherchées par la justice. C’est l’Observatoire National des Droits de l’Homme qui se charge de cette basse besogne consistant à réfuter les accusations portées contre des forces de sécurité responsables d’enlèvements et contre des autorités gouvernementales qui elles, ignorent le problème.

Tout récemment encore, l’ONDH aurait prétendu que la plupart des personnes portées « disparues » avaient rejoint les groupes armés. (Liberté 27.12.98)

Tant que les familles des « disparus » se débattaient seules avec leurs avocats en portant plainte et en adressant lettre sur lettre au procureur de la République, médiateur, différents ministres, l’ONDH etc., personne au niveau du gouvernement ne s’est chargé de ce problème. Sorties de leur isolation et mutisme forcé, organisées en association et médiatisées sur le plan national comme international, les familles de « disparus » sont devenues la cible de toutes les attaques blessantes et diffamatoires. Elles sont traitées de traîtres, de complaisance avec les « terroristes », leur sont reprochés de la mauvaise foi et des mensonges.

Une partie des médias algériens dont la presse dite indépendante se présente comme le relais de l’ONDH et du gouvernement réitérant les accusations et les offenses à l’encontre des familles. La responsabilité de ces journaux dans l’envenimement et l’exacerbation de la question est flagrante:

Le journal Liberté a, avec la plume du journaliste Nacer Belhadjoudja, une fois de plus brillé de par son objectivité et professionnalisme en reprenant des exemples concrets de personnes déclarées par l’ANFD comme « disparues » après l’enlèvement par des forces de sécurité et prétendant que celles ci auraient été soit abattues, seraient recherchées ou vivraient paisiblement avec leur famille.

L’ANFD a voulu recourir à son droit de réponse que le journal « Liberté » lui a refusé jusqu’à ce jour.

Nous reprenons ici l’article en question du journal « Liberté » et présentons la réaction de l’ANFD que le journal en question n’a pas voulu publier.

 

LIBERTÉ, dimanche 27 décembre 1998

 

AFFAIRES DES DISPARUS

Les premières révélations

On est allé jusqu’à confectionner des « cas pratiques » pour justifier des « enlèvements liés à des activités politiques ».

NACER BELHADJOUDJA

« Le dossier » des disparus commence à livrer ses premières véritables arrière-pensées politiciennes. Tel que conduit dès le départ, il ne pouvait qu’aboutir à des glissements politico-sémantiques pour s’éloigner progressivement de la seule question de la défense des droits de la personne humaine.

L’épisode du charnier découvert à haouch Hafiz avait déjà dévoilé la gêne éprouvée par les animateurs du mouvement des familles des disparus. Mieux encore, on vient d’apprendre de sources proches de l’Observatoire national des droits de l’homme (ONDH) qu’après les premières investigations menées sur les listes des personnes prétendues disparues, il s’avère que la plupart ont rejoint les groupes armés. C’est le cas notamment de Dhif Abdeldjebar, Daghmoum Aïssa et Benlemou Ali. Le premier nommé a rejoint les groupes armés qui activent dans la région de M’sila et a été abattu le 19 décembre 1995, lors d’un accrochage avec les forces de sécurité. Sa famille qui habite la commune de Aïn Hdjel (M’sila) a d’ailleurs retiré à cette date le permis d’inhumer du corps délivré par la commune de Sidi Aïssa.

Quant à Salmi Salim, né le 4 juin 1976 à Boufarik , c’est sa propre mère qui s’étonne de voir le nom de son fils porté sur à la liste des disparus. Elle affirme que son fils a été abattu par les forces de sécurité le 19 octobre 1994 et affirme, par ailleurs, qu’il a été enterré à Chebli (Blida).

Pour ce qui est de Daghmoum Moussa, on dit qu’il aurait été arrêté le 20 avril 1997 par des personnes inconnues. Or, le 30 septembre 96, soit sept mois avant cette date, la Cour d’Alger avait prononcé un ordre d’arrestation à son encontre pour une affaire liée au terrorisme. Autant dire qu’après cette décision de la Cour d’Alger, l’intéressé a préféré rejoindre les maquis du GIA. Mais la falsification des données sur « les disparus » ne s’arrête pas à ces seuls exemples. Dans la liste exhibée à chaque occasion, on retrouve le nom de Benlemou Ali. Ce dernier n’est autre qu’un des évadés de la prison de Tazoult (Batna) où il purgeait une peine de dix ans pour appartenance à un groupe terroriste.

Depuis cette date, il est toujours recherché par les services de sécurité. Même cas pour Belkacem Ali, originaire de Larbaâ. Après sa sortie de la prison de Boufarik, le 1er juin 95, celui-ci n’a pas tardé à rejoindre les groupes terroristes. La manipulation d’un dossier aussi sensible ne s’arrête pas à ce niveau seulement. On est allé jusqu’à confectionner des « cas pratiques » pour justifier des « enlèvements liés à des activités politiques ». Dans ce chapitre, on cite Ouzyala Messaoud. Cet ancien militant actif du FIS, qui n’a plus « donné signe de vie », offrait une belle carte à jouer par les véritables animateurs du mouvement des disparus. Après enquête, il s’est tout simplement avéré que Ouzyala Messaoud s’est totalement éloigné de toute activité politique et se consacre à son travail et demeure actuellement à Aïn Taya.

Même cas pour Habal Abdelatif qui, après avoir volontairement quitté son domicile pour aller à la recherche d’un travail, s’est vu mentionné dans la liste des disparus alors qu’il réside actuellement à Alger.

Autant dire que « le montage politique » de cette affaire de disparus ne peut être le seul fait d’une formation politique surtout lorsque son ancrage dans la société est insignifiant. L’on pourra toujours épiloguer sur « ces milliers de cas non élucidés » mais le temps finira par faire éclater la vérité, toute la vérité, même si cela n’est pas une sinécure.

A chaque avancée de la lutte contre le terrorisme, les masques des manipulateurs tombent. Comme ce fut le cas après l’opération menée par les services de sécurité dans la commune de Oultam au début du mois de novembre. Sur les lieux, il a été découvert sept tombes contenant des cadavres de personnes enlevées par les terroristes.

Il s’agit, entre autres, d’un agent de la force publique qui exerçait à Bousaâda et d’un garde communal du détachement de Lahwamed. Mais il est bien vrai qu’avec un tel C.V., ceux-là n’intéressent nullement l’association des familles de disparus. Même si des cas pareils confirment que les enlèvements sont une des spécialités du GIA.

 

 

La prise de position de l’Association Nationale des Familles de Disparus (ANFD)

 

Alger le 29 décembre 1998

Monsieur le rédacteur en chef du quotidien Liberté

Objet: Droit de réponse

Monsieur le rédacteur en chef,

Usant du droit de réponse à l’article intitulé « Affaires des disparus, première révélation », paru dans votre journal du 27/12/98, signé Nacer Benhadjoudja, nous vous demandons une insertion au lieu et palace de l’article sus-cité.

Nous avons maintenant l’habitude, à chaque fois que des signes de volonté politiques apparaissent pour apaiser la situation, de lire ce genre d’article que votre « journaliste » a commis. Il dit « l’épisode du charnier découvert à Haouch-Hafiz avait déjà dévoilé la gène éprouvée par les animateurs du mouvement des familles de disparus. » C’est un événement douloureux pour toutes les consciences de ce pays mais vous et vos semblables, heureusement ultra-minoritaires, ne semblaient pas être pris de court par cette épisode. Vous êtes prêts à régler des comptes sur ces charniers de la honte.

L’impunité dont vous jouissez vous autorise à aller jusqu’à accuser les services de l’Etat, car comment pouvez vous expliquer autrement le fait que des personnes interpellées par des forces légales connues se trouvent soit au maquis avec les terroristes soit dans des charniers?

Vous conviendrez bien que l’accusation est d’une extrême gravité? Mais nous nous arrêtons là car vous n’allez pas nous faire dévier de notre ligne: la vérité, la réapparition en vie de nos proches.

Vous poussez la haine jusqu’à dénier le droit à des millier d’Algériens, en quête de vérité, d’être aussi déterminés que jamais à poursuivre leur combat juste.

Notre cause ne souffre d’aucune ambiguïté, nos enfants ont été interpellés par des corps constitués de l’Etat avec des preuves et des témoignages, puis portés disparus.

Nous rappelons que chacun des dossiers dont nous sommes en possession fait l’objet d’un traitement préliminaire, à savoir qu’il n’y a pas un seul cas où l’implication des corps constitués de l’Etat n’est pas prouvée. Nous sommes aujourd’hui à plus de 3 000 cas.

En ce qui concerne les noms que vous avez cités, et pour exemple:

– DEGHMOUM Moussa: ingénieur d’Etat, d’après la déposition de sa mère, a été arrêté le 20/04/97 près de chez lui et un jour plus tard, un groupe de militaires s’est présenté chez lui et a emmené sa femme qui est restée en garde à vue pendant 2 jours. Depuis, sa famille n’a plus de nouvelles de lui.

– SALMI Salim: c’est sa propre mère qui a signé la déposition où elle raconte les détails de l’arrestation.

– BELKACEM Ali: a été arrêté le 19 septembre 1996 par les services de la police de l’Arbaa et contrairement à ce que vous avez écrit, l’ONDH a répondu à sa famille en date du 20/07/98 par lettre référencée: 195/ONDH/98, pour l’informer que le sus-nommé n’est ni recherché, ni arrêté.

A la fin, vous avez bien écrit « le temps finira par faire éclater la vérité, toute la vérité », nous pouvons vous assurer que ce sera grâce à notre combat et à celui de tous les algériens qui veulent préserver un pays, une nation, car c’est la seule qu’ils ont et ce jour là on acceptera peut être vos excuses.

A ce jour, mardi 5 janvier 1999, ce droit de réponse n’a pas été publié par Liberté, après plusieurs tentatives Benhadjoudja répondant à un membre de l’association, a dit « Nous ne le publierons pas, faites ce que vous voulez »

L’association

 

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