Association nationale des familles de disparus: Lettre ouverte au général Lamari
Association nationale des familles de disparus (ANFD)
le 22 novembre 1998
LETTRE OUVERTE AU GENERAL CHEF DE Corps d’ARMEE LAMARI MOHAMED
Monsieur le Général LAMARI Mohamed Chef d’Etat -Major de l’Armée Nationale Populaire Ministère de la Défense Nationale .
-A L G E R –
Monsieur le Chef d’Etat – Major,
L’association Nationale des Familles de Disparus (A.N.F.D ) a l’honneur et la tristesse de vous exposer ce qui suit :
Depuis 1992, des membres de nos familles ( époux, fils, frères, filles et mères ) ont fait l’objet d’arrestations par les Sécurité Civile et Militaire soit à leur domicile proprement dit, soit dans la nuit, soit même interpellés et arrêtés en plein jour .
Intervenant auprès des services de sécurité censés chargés naturellement de la protection des citoyens, en l’occurrence les commissariats de police d’arrondissement, ces derniers ont renvoyé toutes les familles au motif qu’ils étaient étrangers à ces arrestations et qu’ils étaient dans l’incapacité d’agir pour les retrouver .
C’est ainsi qu’a commencé notre calvaire qui dure depuis 6 années, sans qu’aucun organe de l’Administration du pays et de l’Etat n’ait daigné nous renseigner sur le sort réservé à nos enfants .
En effet, nous avons d’abord saisi les premières autorités concernées, à savoir le Ministère de l’intérieur , mais sans succès .
Nous avons ensuite frappé à toutes les portes : Direction Générale de la sûreté Nationale , Ministère de la justice, Chef du Gouvernement, Assemblée Nationale et y compris le fameux Observatoire National des droits de l’Homme, mais en vain .
Nous avons même sollicité l’intervention du Président de la République. Malheureusement notre appel est demeuré sans écho .
Nous étions alors contraints d’alerter les médias Nationaux pour attirer l’attention de l’opinion publique sur la situation dramatique que nous vivions.
Devant le silence inexplicable des Autorités du pays , nous nous sommes adressés à notre corps défendant, aux organisations internationales des droits de l’homme pour nous venir en aide.
Exacerbés par le persistance du silence des autorités, nous avons été amenés à utiliser un autre moyen, celui de manifester publiquement et d’organiser des sit-in devant le siège de l’O.N.D.H. et clamer notre droit de savoir .
Grâce à la mobilisation des médias à nos cotés, le Ministère de l’intérieur a fini par réagir et créer des commissions au niveau de chaque wilaya pour recueillir , est-il dit , les doléances des familles , sachant pertinemment que ces doléances avaient déjà été exprimées partout et par écrit, et que nous avons en notre possession plus de 3500 dossiers, dûment confectionnés, de nos enfants disparus . c’est dire l’inutilité de ces commissions .
En fait, il s’est avéré que ces fameuses commissions étaient plutôt de nature à atténuer les efforts de nos manifestations, voire à les contrecarrer ou à les annihiler définitivement, écrasant ainsi dans l’oeuf nos revendications O combien légitimes .
Enfin saisi de la question lors de sa visite en Algérie, le panel onusien n’a pas obtenu plus de succès .
Et malgré la création de notre association, le problème demeure entier.
C’est pourquoi, et compte tenue de ce que nos enfants ont bien interpellé leur domicile ou arrêté dans la rue par les services de Sécurité – ceci est constant et incontestable – , nous nous retournons ver vous, monsieur le Chef d’Etat Major de l’armée , la seule institution du pays détentrice du pouvoir et ultime recours , pour solliciter votre intervention auprès des Services concernés pour nous informer sur le sort réservé à nos enfants , dont les derniers » enlevés » il y a à peine 3 mois .
Si nos époux , fils , frères ,filles et mères ont commis un délit quelconque de quelque gravité qu’il soit , qu’ils soient déférés devant la justice de leur pays seule habilitée à les juger et cas échéant à les condamner, à l’exclusion de toute autre institution .
Car, il impensable que dans un pays où les gouvernants proclame publiquement et solennellement que nous vivons et construisons un Etat de droit , il est impensable disions nous , qu’un citoyen soit » enlevé » par les autorités et détenu pendant plusieurs mois , voir plusieurs années , dans des lieux tenus secrets, sans que sa famille ne puisse savoir le moindre indice sur le lieu de sa détention et encore prendre contact avec lui .
Même en leur faisant appliquer la loi sur l’Etat d’urgence, ces détentions sont manifestement arbitraires et assurément d’un autre âge, pensant que de telles pratiques sont à jamais bannies dans un pays qui a payé le plus lourd tribut pour que plus jamais de tels actes ne se reproduisent chez nous .
C’est donc à votre sens du devoir et des responsabilités que vous assumez , que nous nous adressons à vous, Monsieur le Chef d’Etat Major, pour connaître une fois pour toute où sont passés nos enfants.
S’ils ont commis un crime quelconque déférés les à la justice, si rien n’est prouvé contre eux, rendez les nous !
L’histoire retiendra que cet appel aux plus hautes autorités du pays, et celui de milliers de mères et d’épouses, citoyennes à part entière, en détresse, est lancé pour mettre un terme à leur martyrs qui dure depuis plus de 6 années .
Pour L’Association Nationale des familles de Disparus ( A.N.F.D )
La Présidente