Le calvaire d’une mère

Le calvaire d’une mère perdant un enfant après l’autre

Observatoire des droits humains en Algérie (ODHA), juin 2005

Mes trois fils ont été enlevés le 5 mai 1994 mes enfants Kherroubi Tahar, Abdelkrim et Rabah à notre domicile de la cité Dussolier.

Tahar a été libéré après 25 jours de détention. Abdelkrim et Rabah ont été transférés à la prison de Serkadji. Après deux années et demi de détention arbitraire, ils furent acquittés.

Abdelkrim a été arrêté après sa libération par la gendarmerie d’El Harrach. Il a été séquestré durant 18 jours. Après sa sortie de la brigade de gendarmerie, c’est la police qui l’a recherché. Il est allé se cacher chez sa tante. Quand il a appris que j’avais été arrêtée, il s’est rendu et il a été tué.

Son frère Rabah est aussi passé dans la clandestinité quand il a su que son frère avait été tué. Quelque temps après, il a été à son tour tué.

Le 5 mai 1997, je suis allée rendre visite à mon fils Ali qui était détenu à la prison d’El Harrach. Brahim quant à lui venait d’être libéré de la même prison. A mon retour, j’ai fait ma prière et j’ai pris mon café. Soudain mon fils Brahim qui allait sortir, rebroussa chemin et entra en courant en me disant : « la police, la police ».

En sortant devant la porte, j’ai vu des policiers dont un certain Rabah Teneri. Ce dernier s’adressa à mon fils Kherroubi Brahim : « Pourquoi as-tu fui en nous voyant arriver ? »
– C’est normal, lui dis-je, il est terrorisé, il vient de sortir de prison et ses frères ont été tués, il y a de quoi fuir en vous voyant.

Les policiers ont fouillé la maison et l’un des policiers nous a ordonné à mon fils et moi de les suivre. Nous avons été conduits au commissariat de Bourouba (Hussein Dey). Ils m’ont interrogée sur un certain Mérouane que je ne connaissais pas. Ils m’ont confrontée à son épouse à qui ils posaint la question : « Qui est cette dame ? ».

– C’est ma tante, lui répondit la jeune femme.

– Avec qui es-tu allée chez elle, lui demande un policier.

– Avec Mérouane.

En réalité ce Mérouane avait été durant neuf mois le compagnon de cellule de mon fils. Il avait fui par la suite et mon fils l’avait chargé de venir me voir pour m’informer qu’il était séquestré au commissariat de Bourouba.

Un civil en cagoule m’interroge alors sur un certain Hadj Bettou, dont j’entendais le nom pour la première fois. Ils m’ont menacée de passer « sur la table et à l’épreuve du chiffon » selon leurs propre langage.
On a été transférés au commissariat central d’Alger où nous sommes restés une semaine et où les policiers ont rédigé un PV dont j’ignore le contenu.

En tout j’ai passé 15 jours entre leurs mains. Au Central, je suis tombée malade. On m’a transportée de nuit à l’hôpital Mustapha. J’ai failli mourir.

Le mardi 20 mai, j’ai été transférée au tribunal d’Hussein-Dey ainsi que d’autres personnes. C’est ainsi que j’ai été mise en liberté provisoire, ainsi que l’épouse de Mérouane et un jeune détenu. Les autres ont été mis sous mandat de dépôt.

J’ai rejoint la maison difficilement, malade et déprimée.
En sortant de prison, j’ai appris que ma fille Saïda en me rendant visite à Bourouba le 7 mai alors que je venais d’être transférée au commissariat central, avait été kidnappée et séquestrée par la police au commissariat Central puis à Bouzaréah. Elle a été détenue au secret durant six mois. Elle a été brutalisée. On lui a fracturé les deux jambes qu’il a fallu plâtrer. Finalement elle a été incarcérée à la prison d’El Harrach.

Deux jours plus tard, le 22 mai, mon fils Abdelkrim qui s’était rendu pour qu’on me libère a été tué.

Finalement, j’ai été condamnée à deux ans de prison avec sursis par le tribunal pour complicité avec les « terroristes ».

Nous tenons toujours à Dieu.