ODHA: Mouvement de protestation populaire à Ghardaïa
Observatoire des droits humains en Algérie (ODHA)
Mouvement de protestation populaire à Ghardaïa
Synthèse des évènements
22 octobre 2004
Lundi 11 octobre 2004 : Les commerçants de la ville de Ghardaïa décident d’une grève générale pour protester contre les descentes abusives des contrôleurs des prix à l’approche du Ramadhan, alors « que les trabendistes qui occupent les rues ne sont nullement inquiétés par les autorités locales » pour reprendre un commerçant.
Mardi 12 octobre 2004 : Les commerçants occupent la rue pour protester contre ce qu’ils appellent les « provocations des services des impôts et des contrôleurs des prix » à leur encontre. Certains jeunes bloquent la circulation en dressant des barricades. Affrontements avec les services de sécurité.
Mercredi 13 octobre : Les commerçants rejoints par de nombreux citoyens de la ville décident de se rassembler à nouveau au centre-ville et exigent la présence du wali pour poser leurs problèmes et revendications. De violents affrontements ont lieu avec les services de sécurité. Des grenades lacrymogènes sont utilisées par ces derniers pour disperser les manifestants. Des pneus sont brûlés sur la chaussée. De nombreux blessés sont à déplorer. De jeunes manifestants sont arrêtés. Devant la violence de la répression, les jeunes s’attaquent à certains édifices publics (poste, service des eaux) et les saccagent.
On dénombre une quarantaine d’arrestations depuis le début des affrontements. Selon d’autres témoignages, de nombreux jeunes auraient fui la ville, par crainte d’être arrêtés. Les militants du FFS et de la LADDH sont accusés d’être les instigateurs de ce mouvement protestataire.
Lundi 18 octobre 2004 : Calme précaire dans la ville. Des informations font état de la comparution demain de 26 manifestants arrêtés lors de la répression du mouvement populaire de protestation. Ambiance tendue dans une ville paralysée par une grève générale depuis le 11 octobre dernier. Selon des informations données par les avocats, onze autres prévenus devront comparaître dans les jours qui suivent. Des mandats d’arrêt auraient été lancés contre des membres locaux de la LADDH et contre Kamal Eddine Fekhar, élu communal du FFS. La ligue algérienne de défense des droits de l’Homme parle de « faits d’une extrême gravité » suite à la protestation pacifique des commerçants de la ville « qui a vu l’intervention, d’une rare violence des brigades antiémeutes contre les grévistes, avec l’utilisation des matraques et des bombes lacrymogènes, ce qui a causé une centaine de blessés parmi les grévistes mais aussi parmi la population (l’asphyxie d’un bébé) ». La LADDH signale que l’ensemble de ses membres du bureau de wilaya fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Le FFS est la seule formation politique à soutenir le mouvement populaire de protestation.
Mardi 19 octobre 2004 : Ghardaïa, ville morte suite à la comparution aujourd’hui en justice de 25 jeunes manifestants arrêtés lors du mouvement populaire pacifique de protestation de Ghardaïa. Une foule immense occupe les alentours du tribunal de la ville, dès les premières heures de la matinée, récitant à haute voix des versets du Coran. D’imposants renforts de brigades anti-émeutes protègent le tribunal. Selon les proches des prévenus, seuls deux membres de chaque famille étaient autorisés à assister au procès.
Onze citoyens sont condamnés à 4 mois de prison ferme, sept autres à 8 mois de prison avec sursis pour « attroupement illicite et incitation à attroupement illicite ». Les sept autres manifestants sont acquittés.
A l’énoncé du verdict, la foule en colère, manifeste dans les principales artères de la ville. Des slogans contre la « hogra » du pouvoir fusent de partout. Les véhicules pénitenciers sont saccagés par les manifestants scandalisés par le verdict. Affrontements avec les brigades anti-émeutes qui utilisent des grenades lacrymogènes. Des sages et des notables de la ville tentent de ramener le calme.
Jeudi 21 octobre : 11 e jour de grève générale des commerçants. Le mouvement semble se radicaliser, suite à la condamnation de onze jeunes manifestants à une peine de 4 mois de prison ferme, interprété comme étant une nouvelle provocation. Les citoyens exigent la libération immédiate des détenus.
D’autre part des informations font état d’une importante réunion des notables de la ville, des représentants de commerçants et des parents de détenus, pour tenter de calmer les esprits et de trouver une solution à la crise.
Des rumeurs font état de provocations afin de déclencher un conflit interethnique avec les voisins chaambas. D’autres rumeurs font état d’incendie de certains commerces mozabites par des inconnus. Cela rappelle un peu les provocations au cours des évènements de Kabylie.
Vendredi 22 octobre 2004 : Dans un communiqué parvenu à la presse, les commerçants, notables et familles des détenus décident après une réunion tenue la veille, de suspendre la grève entamée le 11 octobre dernier, en réponse à l’appel des citoyens, pénalisés par cette paralysie des commerces et d’autres secteurs en ce mois sacré de Ramadhan. Les participants à cette réunion exigent des autorités locales la libération de tous les détenus et la mise en application des engagements pris afin de permettre un retour au calme et à la stabilité de la région. Le bureau local de la LADDH approuve cette sage décision.