ODHA: Exécution sommaire d’un citoyen non-voyant et assassinat de son frère, Zoubir et Lyes Arriba

Exécution sommaire d’un citoyen non-voyant et assassinat de son frère

Zoubir et Lyes Arriba

Observatoire desdroits humains en Algérie (ODHA), Algeria-Watch, 7 février 2004

Mon frère Zoubir âgé de 27 ans, qui habite à Alger est aveugle depuis l’âge de 02 ans suite à une méningite sévère.

Le 11 janvier 1996, il a été arrêté à son domicile à 1h 30 du matin par des policiers du commissariat de Cavaignac (Alger) qui étaient venus à bord de deux véhicules. Certains d’entre eux étaient cagoulés. Nous avons appris neuf jours plus tard, soit le 20 janvier 1996 que notre frère handicapé était mort la veille. Des rumeurs avaient fait état de son exécution sommaire près du cinéma l’ABC, plus précisément à la rue Ampère. Mais aucune autorité officielle ne nous informera de sa mort.

Un mois et demi plus tard, et grâce à des connaissances, mon père et ma mère ont pu voir clandestinement le corps de mon frère à la morgue de Bologhine. Cette visite s’est faite dans la discrétion par mesure de sécurité pour la personne qui accompagna mes parents car il risquait gros si la police finissait par l’apprendre. Ma mère en voyant le corps de son fils a constaté l’existence de trois orifices de balles au niveau du cœur.

Huit mois après l’assassinat de Zoubir, notre père fut convoqué par un procureur du tribunal de la rue Abane Ramdane d’Alger. Ce dernier l’a questionné sur son fils. Mon père a répondu qu’il avait été enlevé par des policiers de Cavaignac le 11 janvier 1996 mais sans lui dire qu’il avait vu son corps à la morgue de Bologhine, de peur que la personne qui l’avait accompagné à la morgue ne subisse des représailles, voire être à son tour assassinée.

Quatre mois après cette entrevue avec le magistrat, mon père reçoit une convocation du commissariat central. Là aussi, il ne dira pas avoir vu le corps de son fils par mesure de sécurité.

D’autres connaissances de la famille nous indiqueront par la suite le lieu de son enterrement au cimetière d’El Alia. Notre frère avait été enterré furtivement au carré des « X Algériens ».

Ma famille a introduit une requête de disparition en 2002 auprès du tribunal d’Alger. Ce dernier les orienta vers la mairie du 1er mai où il leur fut délivré un certificat de décès (n° 77 enregistré le 19 janvier 2002) précisant que Zoubir est mort le …19 janvier 1996. (Ci-joint photocopie).

Il est à noter deux faits :
1.Après son exécution, les mêmes policiers qui l’avaient enlevés se sont présentés à plusieurs reprises au domicile familial à sa recherche !!!. Ils ont nié en bloc l’avoir arrêté alors que de nombreux membres de la famille, présents lors de l’arrestation, avaient reconnus plusieurs d’entre eux.

2.Notre frère Lyès, âgé de 28 ans, avait été assassiné le 29 décembre 1995 par un milicien du nom de Diboun Youcef, à Meftah (Blida) alors qu’il circulait à bord d’un véhicule avec son ami qui était un voisin de ce milicien. Les autorités ont par la suite dit à notre père que notre frère Lyès avait été tué par erreur par le milicien. Quand mon père dira à l’officier que la presse avait écrit que son fils était un « terroriste » qui avait été abattu à Meftah et qu’une arme avait été récupérée sur lui, l’officier lui répondra : « la presse écrit n’importe quoi ».

Ci-joint les photographies des deux frères Lyès et Zoubir ainsi que les documents inhérents à leurs affaires respectives. :
· Certificat de décès d’Arriba Zoubir (non-voyant).
· Permis d’inhumer d’Arriba Lyès (exécuté sommairement à Meftah).
· Certificat médical de constatation de décès d’Arriba Lyès.