Mohamed Baba Nedjar condamné à perpétuité

Il clame pourtant son innocence

Mohamed Baba Nedjar condamné à perpétuité

El Watan, 28 mai 2009

Contre toute attente, le tribunal criminel près la cour de Médéa a condamné Mohamed Baba Nedjar à la prison à perpétuité pour l’accusation de meurtre avec préméditation.

Une condamnation qui a laissé sans voix certains et provoqué l’ire de bien d’autres. « Allah Akbar », « N’har monkor, injustice », « hogra », clamait un auditoire qui s’attendait à un acquittement certain pour faute de preuves. Après une journée de plaidoiries, d’interrogations de témoins à charge et à décharge, et de retour sur un crime dont les tenants et les aboutissants demeurent une énigme, le président de la cour, suivi du jury, remet son verdict pour lequel les délibérations n’auront duré qu’une petite demi-heure. « C’est la justice du téléphone », lance l’assistance en chœur. Un jeune en pleurs quitte son siège et crie à la hogra, ses larmes unissent les voix des membres de l’assistance qui lancent : « Que Dieu vous punisse ! » Le juge appelle les nombreux gendarmes et policiers présents à évacuer la salle. La colère, la tristesse et l’indignation se lisaient sur les visages des citoyens venus nombreux soutenir Baba Nedjar dans ce procès qualifié de « politique ». Poussés à la sortie, ces citoyens venus en nombre de Ghardaïa ont continué à scander des cris de rage face à ce verdict « injuste ». « C’est un pouvoir qui hait son peuple. Ils ne veulent pas de nous, c’est ce que veut dire ce verdict », martèlent-ils. La situation aurait pu dégénérer si ce n’est l’intervention des responsables du comité de soutien pour calmer les esprits et pousser la foule à quitter les lieux dans la sérénité.

Le père de Baba Nedjar, effondré et tremblant de peine, se refuse à tout commentaire. A côté de lui, un jeune homme fond en larmes et crie. « Il méritait l’acquittement, je suis surpris par la condamnation, car il n’y avait rien dans le dossier. Mais nous ferons un pourvoi en cassation. Nous allons poursuivre cette affaire jusqu’à ce qu’il soit acquitté », indique maître Mustapha Bouchachi, membre du collectif des 12 avocats qui ont plaidé l’innocence de Baba Nedjar. Les avocats du jeune Baba Nedjar condamnent un jugement sans fondement. « Il n’y a ni mobile, ni preuve tangible du crime, ni témoin. Comment juger sur les seuls indices », disent-ils. De l’aveu même de l’avocat de la partie civile, il n’existe pas de preuve directe du meurtre, affirme-t-il. « Je ne dis pas que c’est lui qui a commis le crime, ce n’est pas à moi de juger, mais il cache des choses. Fallait-il aller plus loin dans l’enquête ? », s’interroge-t-il. Le procureur général a requis dans son réquisitoire la confirmation de la condamnation à mort. A noter que le procès s’est déroulé sous une forte présence d’éléments des services de sécurité qui ont quadrillé le quartier où se trouve la cour de Médéa. De nombreux citoyens venus de Ghardaïa, ainsi que des militants du Front des forces socialistes (FFS) et de défenseurs des droits de l’homme ont fait le déplacement pour soutenir Baba Nedjar. Nous reviendrons dans nos prochaines éditions sur le déroulement de ce procès hors du commun.

Par Nadjia Bouaricha