Convocation et interrogatoire du défenseur des droits humains M. Yacine Zaid
Front Line, 5 septembre 2011
Le 4 septembre 2011, le défenseur des droits humains M. Yacine Zaid a dû se rendre à la ville de Batna, dans le sud-est de l’Algérie, afin de répondre à une convocation de la police. Yacine Zaid est le président du bureau de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme (LADDH) dans la wilaya (province) de Laghouat.
La convocation à comparaître avait été adressée à Yacine Zaid par la brigade criminelle du commissariat central de la ville de Batna. La ville de Batna est située à environ 500 km de la ville de Laghouat, où Yacine Zaid réside. Il ne s’était jamais rendu à Batna auparavant. La raison spécifique d’une convocation par un commissariat d’une wilaya située à 500 km de sa ville de résidence reste inconnue.
Une fois sur place, dans l’après-midi du 4 septembre, Yacine Zaid a été interrogé sur ses activités au sein de la LADDH, sur son engagement à la Coordination Nationale pour le Changement et la Démocratie (CNCD) et sur ses activités sur Internet à travers son blog et les réseaux sociaux. Il a aussi été interrogé sur sa prétendue appartenance à un mouvement méconnu, qui serait apparu dans un réseau social sous l’appellation de « Jeunesse Chaouie pour le changement » (Chabiba echaouya litaghyr). Les policiers ont voulu vérifier si certains numéros téléphoniques en leur possession ne figuraient pas dans le répertoire du téléphone portable de Yacine Zaid. Les policiers lui ont aussi demandé de leur expliquer ce que les mots « corruption » et « changement » signifiaient pour lui, et lui ont posé plusieurs questions sur ses proches.
La LADDH a dénoncé publiquement cet interrogatoire, qui fait suite à plusieurs autres actes de harcèlement de la LADDH et de ses membres. Ainsi, en juin 2011, deux événements organisés par la LADDH ont été interdits par les autorités de la wilaya d’El-Taref et d’Alger, où ils auraient dû avoir lieu les 1er et 10 juin respectivement. Au cours de l’année 2011, deux membres de la LADDH ont fait l’objet de poursuites. M. Omar Farouk Slimani, membre du bureau de la LADDH à Laghouat, a dû comparaître devant le tribunal en mai 2011 pour répondre du délit d’« attroupement non armé » et d’« agression avec violence sur les agents de la force publique » en rapport avec les émeutes de janvier 2011. Il avait été arrêté lors d’un contrôle d’identité, seul et loin des événements. Selon son témoignage, la seule raison pour laquelle les agents l’ont emmené au commissariat réside dans le fait qu’ils ont trouvé sur lui une carte d’adhésion à la LADDH. M. Kamel Eddine Fekhar, membre du Conseil national de la LADDH, a été poursuivi par le tribunal de Ghardaïa pour « incitation à mettre le feu à une voiture de police » dans un procès basé entièrement sur un témoignage douteux. Le procès, qui s’est ouvert le 31 mai 2011, s’est terminé par un acquittement.
Front Line exprime sa préoccupation face à la convocation de Yacine Zaid, qui s’inscrit dans un contexte de harcèlement et d’intimidation de la LADDH et de ses membres. En raison des questions posées durant l’interrogatoire, Front Line estime que la convocation est uniquement liée aux activités légitimes de Yacine Zaid en tant que militant de la LADDH et blogueur.
Front Line demande instamment aux autorités algériennes de:
1. Cesser immédiatement tout acte de harcèlement et d’intimidation à l’encontre du défenseur des droits humains Yacine Zaid;
2. S’assurer que la LADDH et ses membres soient en mesure d’opérer librement, et prendre des mesures afin d’encourager la reconnaissance publique de leur rôle légitime;
3. Veiller à ce que tous les défenseurs des droits humains en Algérie, exerçant leurs activités légitimes de défense des droits humains, soient en mesure d’opérer sans restrictions ni crainte de représailles.