Procès reporté des militants du comité de soutien
Affaire des greffiers grévistes
Procès reporté des militants du comité de soutien
El Watan, 20 juin 2012
Le report du procès n’est pas la seule anomalie que relèvent les juristes.
Le procès des quatre militants des droits de l’homme, à savoir Yacine Zaid, Beldjoudi Abderezak, Athmane Aouamer, Lakhder Bouzidi, qui ont comparu hier devant le tribunal de Bab El Oued, a été reporté au 27 septembre prochain. La décision de la juge ayant annoncé le report a été huée par les jeunes militants du mouvement associatif. En entendant la date du report, l’assistance a éclaté de rire ! Mais les avocats restent consternés par cette décision qu’ils trouvent «infondée». Un report sans motif apparent.
Le procureur n’avait pas demandé le report, les inculpés et leurs avocats étaient présents. Ce report est «un délit de justice et un crime de forfaiture», a déclaré maître Yahia Cherif Slimane, membre associé de l’Académie internationale de droit comparé de La Haye. Le report du procès n’est pas la seule anomalie que relèvent les juristes. Ainsi, le chef d’inculpation retenu, à savoir «incitation à l’attroupement», a été réfuté par les avocats constitués. «C’est la justice des ordres. Il n’y a pas de conditions qui permettent de dire qu’il y a chef d’inculpation. Il y a des conditions pour dire il y a des Algériens qui voulaient se mettre debout. C’est un procès politique», conclut maître Guenane Abdelmoutalib, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH).
Pour sa part, maître Bouchachi, député FFS, ayant assisté au procès en sa qualité d’avocat, a qualifié la poursuite des militants de «délit contre les droits de l’homme». Et de préciser : «Les faits ne constituent pas un délit dans le code pénal algérien.» Maître Debouz, de la LADDH, explique que le chef d’inculpation s’appuie sur le PV de la police. Ce dernier cite 6 slogans scandés par les inculpés lors du rassemblement de soutien à Abdelkader Kharba. Les militants ont crié : «Stop aux arrestations arbitraires, libérez Kharba» ; ils ont clamé également «Justice indépendante». «Rien de cela n’a indiqué l’appel à l’attroupement», précise l’avocat. Athmane Aoumer, l’un des inculpés, s’est montré confiant. «Il y a eu une indignation totale», constate-t-il. Il rend hommage aux jeunes militants mobilisés sur la Toile et à ceux qui étaient présents hier au tribunal. Parmi les présents, les cadres et militants des partis politiques FFS, MDS et RCD.
La société civile était fortement présente : les membres du SOS Disparus, de l’association Fathma n’Soumer et le Collectif des concierges. «Les forces vives de la nations sont solidaires. Les jeunes qui envoient des vidéos de soutien en montrant leur visage sont une preuve de courage et de solidarité», estime Athmane Aoumer.
Les inculpés ont été également soutenus par deux organisations des droits de l’homme, à savoir la LADDH et le Collectif d’avocats algériens pour la défense des droits de l’homme, dont les avocats se sont portés volontaires. Tarik Mameri, le jeune internaute, dont le verdict est attendu pour le 27 juin, était aussi présent, mais se refusant à tout commentaire.
Des organisations internationales expriment leur soutien :
Le Réseau euroméditerranéen des droits de l’homme (REMDH), la Fédération internationale des droits de l’homme, l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), ainsi que d’autres organisations nationales ont condamné «l’intensification des actes de harcèlement judiciaire à l’encontre des militants et défenseurs de droits de l’homme en Algérie et expriment leur solidarité avec celles et ceux qui subissent la répression des autorités pour revendiquer leur droit à s’exprimer et manifester pacifiquement». Dans une déclaration rendue publique hier, lesdites organisations réagissent à la convocation à comparaître devant le tribunal de quatre militants et défenseurs de droits de l’homme.
«Nos organisations expriment leur profonde préoccupation face à l’intensification des procédures judiciaires arbitraires qui visent à sanctionner le libre exercice du droit au rassemblement pacifique des défenseurs des droits de l’Homme et à briser toute forme de solidarité émergente au sein de la société civile indépendante. En outre, nos organisations déplorent la condamnation prononcée en première instance, le 3 mai 2012, par la cour de Sidi M’hamed à un an de prison avec sursis et 20 000 DA d’amende (environ 200 euros) contre Abdelkader Kherba.
Son audience d’appel est prévue le 8 juillet prochain devant la cour d’Alger», note la déclaration du réseau des défenseurs des droits de l’homme, qui appelle les autorités algériennes à agir urgemment afin de «garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Yacine Zaid, Abdou Bendjoudi, Lakhdar Bouzini, Othmane Aouameur et Abdelkader Kherba ainsi que de l’ensemble des militants, défenseurs des droits de l’Homme et des syndicalistes algériens».
Ceci et de «mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire (…) et garantir la liberté d’expression et de manifestation de l’ensemble des syndicalistes et défenseurs des droits de l’homme en Algérie». Demande est aussi faite à l’UE d’apporter un soutien visible aux militants et défenseurs des droits de l’homme. R. P.
Djedjiga Rahmani