L’Armée nationale populaire face à la problématique de la défense et de la sécurité en Méditerranée

L’Armée nationale populaire face à la problématique de la défense et de la sécurité en Méditerranée

par Abderrahmane Mebtoul et Youcef Ikhleff, Le Jeune Indépendant, 30 juillet 2007

C’ est dans ce cadre que cette modeste contribution soulève un sujet tabou rarement abordé publiquement, mais déterminant pour l’avenir du pays, concernant les deux premiers acteurs influents dans le monde, qui représentent la majorité de nos échanges, importations et exportations, sans compter les relations culturelles rapprochées.

C’est que la fin de la guerre froide marquée par l’effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 représentent un tournant décisif dans l’histoire contemporaine. Le premier événement marque la fin d’un monde né un demi-siècle plutôt et la dislocation d’une architecture internationale qui s’est traduite, des décennies durant, par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons.

Aujourd’hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Ainsi, selon le Sipri Yearbook, les dépenses militaires mondiales annuelles sont passées de 720 en 2000 à plus de 1 000 milliards de dollars entre 2004 et 2005.

Le montant des importations d ’ a r m e s c o n v e n t i o n n e l l e s majeures pour la même période (marché florissant) a grimpé de 15 500 à plus de 19 000 milliards de dollars américains, (190 fois le PIB algérien). Le gros de ces chiffres a été réalisé grâce aux achats de pays du tiers-monde.

Or, les défis collectifs, anciens ou nouveaux, sont une autre source de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement. Ils sont d’ordre local, régional et global. Entre la lointaine et très présente Amérique et la proche et bien lointaine Europe, entre une straté- gie globale et hégémonique qui possède tous les moyens de sa mise en oeoeuvre et de sa projection, et une stratégie à vocation globale qui se construit laborieusement et qui peine à s’autonomiser et à se projeter dans son environnement géopolitique immédiat, quelle attitude adopter et quels choix faire pour l’Algérie, qui sort d’une épreuve particulièrement éprouvante et tragique ? Interpellée et sollicitée, l’Algérie s’interroge légitimement sur le rôle, la place ou l’intérêt que telle option ou tel cadre lui réserve ou lui offre, que cela soit dans le cadre du dialogue méditerranéen de l’OTAN ou du partenariat euroméditerranéen, dans sa dimension tant économique que sécuritaire.

L’adaptation étant la clef de la survie et le pragmatisme un outil éminemment moderne de gestion des relations avec autrui, notre pays doit agir en fonction de ce que lui dictent la raison et ses intérêts. 1- Le dialogue méditerranéen de l’OTAN Sept pays appartenant à la région méditerranéenne sont aujourd’hui des partenaires de l’Organisation de l’Atlantique Nord, dans le cadre de ce qu’on appelle le dialogue méditerranéen de l’OTAN.

Ces pays qui entretiennent des relations de nature, de niveau et d’intensité différents avec l’OTAN et les Etats-Unis sont l’Algérie, l’Egypte, Israël, la Jordanie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie. Ce partenariat avec l’OTAN, et indirectement avec les Etats-Unis, entre dans le cadre d’une stratégie de multiplication et de diversification des partenariats qui touche plusieurs régions : les anciennes républiques soviétiques, le Caucase, l’Asie centrale, la Russie, la Chine, etc.

Toutefois, du fait de l’intégration à l’OTAN, qui a touché en novembre 2002 sept pays de l’ex-bloc soviétique, le texte signé à Paris le 19 novembre 1990 entre l’Alliance atlantique et le Pacte de Varsovie devient caduc. Récemment, comme conséquence du projet de bouclier anti-missile en Pologne et en République tchèque, le président Vladimir Poutine vient de signer ce mois-ci un décret suspendant l’adhésion de son pays au traité sur les forces conventionnelles (FCE) en Europe et les accords internationaux qui lui sont liés.

Dès lors, le dialogue méditerranéen de l’OTAN est l’objet de toutes les attentions de la part de cette organisation, qui a décidé de le transformer en partenariat stratégique. La région de la Méditerranée est pour l’OTAN son flanc sud tout en étant le passage obligé vers le Moyen-orient qui recèle de fabuleuses richesses énergétiques et où se trouve un allié stratégique de tout premier plan pour les Etats-Unis.

L’intérêt que portent ces derniers à la Méditerranée occidentale n’est pas nouveau. Dans cette perspective, tant le projet du Grand Moyen-Orient (GMO), notamment à travers les résolutions du sommet de Rabat le dernier semestre 2004, que le projet Eizenstat visent à passer avec les pays arabes des accords de libre échange.

La sous-région du Maghreb fait également, dans ce sens, l’objet de négociations, le contrôle de l’énergie au niveau mondial étant au coeur de la politique géo-stratégique américaine (chinoise et européenne aussi) sous-tendant toute la stratégie militaire.

Car la consommation d’énergie a connu une évolution depuis que le monde est monde, expliquant bon nombre de conflits, depuis la révolution industrielle à nos jours en précisant que les différentes sources d’énergie sont en concurrence : charbon, pétrole, gaz, nucléaire, les énergies renouvelables dont le solaire, éolienne, géothermique avec, à l’avenir, les perspectives du charbon et accessoirement de l’hydrogène en cas d’épuisement, dans 40 à 50 ans, des réserves de pétrole et de gaz.

A l’heure actuelle, et en matière de gaz, l’Algérie occupe le 10e rang avec 2,5 à 3 % des réserves mondiales. Mais sur le plan du pétrole, marginal, notre pays risque de ne pas peser grandchose dans les années à venir en matière de relations internationales en cas d’épuisement de ses réserves.

Nos exportations hors hydrocarbures représentent moins de 2 % des exportations globales en 2006, de même qu’en 2007. A titre de comparaison, la proportion est de 30 % pour la Russie et de 15 % pour l’Iran. L’évolution des réserves mondiales, tenant compte de la révolution technologique, serait, selon certaines prospectives, la suivante : la part du pétrole et du gaz passerait respectivement entre 2000 et 2040 de 40 et 22 % à 20 et 25 % avec le retour du charbon énergie «propre», expliquant la stratégie américaine à la fois de geler son exploitation de charbon, dont les réserves prouvées sont le double, en termes d’efficacité énergétique, de celles d’Arabie saoudite, et d’étendre son influence politique et militaire sur les régions à fortes potentialités énergétiques, notamment les portes de l’Asie (d’où le poids de l’Iran) du fait de l’influence économique dans les années à venir de la Chine, de l’Inde, du Pakistan et du Japon, et des pays émergents en Asie, pays consommateurs d’énergie et ayant des taux de croissance élevés.

C’est dans ce cadre qu’entre la résolution que vient de voter le parlement américain contre un cartel de gaz. Les Etats-Unis ont une stratégie pour limiter l’influence du cartel de l’OPEP (bien que ce dernier pèse moins de 40 % de la production commercialisée du pétrole), réunissant, entre autres les plus grands producteurs, notamment la Russie, le Qatar, l’Iran, le Venezuela.

Washington craint en effet que ce cartel puisse affecter son industrie d’armement en fragilisant les capacités de défense car les équipements utilisant du gaz et du pétrole importés sont présents en force dans l’industrie de l’armement comme dans les industries chimiques, plastiques, et les matériaux composites.

Dans ce cadre, il est utile de préciser que le marché pétrolier étant un marché mondial et le marché gazier actuel étant un marché segmenté, le prix indexé sur celui du pétrole, le coût élevé et la marge bénéficiaire réduite (d’où la non-rentabilité des gisements marginaux contrairement à ceux du pétrole) font qu’il est très difficile dans la conjoncture actuelle d’imaginer un marché OPEP du gaz répondant au marché boursier classique.

Toujours concernant cet aspect stratégique énergétique intiment lié à la stratégie militaire, tant des Etats-Unis que de l’Europe, la dépendance énergétique devrait passer de 50 à plus de 70 % à l’horizon 2020, avec l’entrée de la Chine qui a importé pour plus de 45 milliards de dollars d’hydrocar- bures en 2006.

Pékin devrait même devenir la 3e puissance économique mondiale, avant l’Al- lemagne (11,1% de taux de crois- sance en 2006 contre 10,7 % en 2005 avec un produit intérieur brut dépassant 2 650 milliards dollars, soit plus de 26 fois le PIB algérien.

Le PIB allemand s’est élevé en 2006 à 2 900 milliards de dollars). Il y a le récent accord entre Gazprom et la compagnie française Total (pour 75 % et 25 % pour Total, cette dernière venant également de s’implanter au Qatar, et le sera bientôt en Libye) pour le développement du gigantesque gisement gazier de Chtokman, audessus du cercle polaire dont les réserves sont estimées à 3 700 milliards de mètres cubes.

Gazprom devant détenir 51 %, d’autres compagnies vont les rejoindre comme la compagnie norvégienne Statoil, les compagnies américaines Conocophilipps et ChevronTexaco. Lors de la première phase, la production sera de 23,7 milliards de mètres cubes/an et les premières livraisons par gazoduc en direction de l’Europe sont attendues pour 2013, celle du GNL en direction des Etats- Unis, l’année suivante.

Concernant strictement le volet défense et sécurité, c’est dans ce contexte qu’a été lancé, dès 1995, le dialogue méditerranéen de l’OTAN. Pour rappel, on note qu’en juillet 1997, le sommet de Madrid des chefs d’Etat et de gouvernement des pays de l’OTAN a décidé de créer le Groupe de coopération méditerranéenne (MCG) placé sous l’autorité du Conseil de l’Atlantique Nord.

A partir de cette date, les pays membres de l’OTAN et leurs partenaires méditerranéens se réunissent de manière régulière «à 19+1 ou 19+7». Le Conseil de l’Atlantique Nord prend ensuite des mesures pour renforcer les «dimensions politiques et pratiques» du DM, mesures qui ont été entérinées par le sommet de Washington (avril 1999) des chefs d’Etat et de gouvernement.

Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le Conseil a pris d’autres mesures destinées à renforcer le dialogue méditerranéen, et ce, en janvier et en juin 2002. Parmi ces mesures, citons l’organisation de consultations entre l’Otan et les partenaires méditerranéens sur la question du terrorisme.

Lors de la réunion de Reykjavik, tenue en mai 2002, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’OTAN décident de renforcer les dimensions politique et pratique du dialogue méditerranéen, notamment en menant des consultations avec les partenaires méditerranéens sur des questions de sécurité d’intérêt commun, y compris celles en rapport avec le terrorisme.

Mais c’est surtout le sommet de l’OTAN qui s’est tenu le 29 juin 2004 à Istanbul, mettant l’accent concrètement sur l’urgence de l’approfondissement, qui a ouvert le dialogue méditerranéen de l’OTAN en le transformant en véri- table partenariat et lancé l’initiati- ve de coopération avec certains pays du dialogue méditerranéens, dialogue qui s’est poursuivi entre 2005/2007 2.

Le renforcement du dialogue méditerranéen en matière de défense et de sécurité Le document officiel publié par l’Otan et intitulé «Renforcement du dialogue méditerranéen avec établissement d’un inventaire des domaines de coopération possibles» résume ainsi cet aspect du renforcement du dialogue méditerranéen (DM) : «Le but recherché serait d’établir entre l’Otan et les pays du DM des relations à long terme axées sur ce processus en fonction des intérêts mutuels de sécurité et permettre à l’Otan de contribuer de façon significative à promouvoir le dialogue et la coopération dans la région méditerranéenne.» Par ailleurs, la dimension politique du dialogue méditerranéen devrait être renforcée par «une plus large exploitation des possibilités qu’offre le dialogue multi/bilatéral existant, la poursuite de l’action en faveur des contacts de haut niveau et d’une implication des décideurs, selon le cas, des mesures visant à rapprocher encore les partenaires méditerranéens de l’Otan et, enfin, le renforcement de la complémentarité avec d’autres initiatives internationales».

A cet effet, l’intensification des relations politiques peut se faire selon plusieurs formules notamment les réunions à 19 + 1 et à 19 + 7. Ces réunions remontent à la création du MCG (Groupe de coopération méditerranéenne) en 1997 et se tiennent régulièrement depuis.

Nous avons une autre formule émanant du Conseil de l’Atlantique Nord, les réunions au niveau des ambassadeurs des pays de l’Otan et du DM (NAC + 1 et NAC + 7) qui se tiennent depuis octobre 2001. S’agissant des réunions annuelles à 19 + 1 au niveau des ambassadeurs (NAC + 1), elles continuent de se tenir pour des échanges de vues sur la situation régionale et des débats sur l’évolution et les perspectives de développement du DM.

Quant aux réunions à 19 + 7 au niveau des ambassadeurs (NAC + 7), elles continuent d’être organisées au moins deux fois par an, en particulier après les réunions ministérielles et les sommets des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Otan, afin d’informer les ambassadeurs des pays du DM des résultats de ces réunions et de procéder à des échanges de vues sur des questions en rapport avec le DM.

Dans ce cadre, le Conseil de partenariat euro- atlantique (CPEA) et le Partenariat pour la paix (PPP) sont deux cadres qui pourraient être utiles aux pays du DM. A cet effet, il est prévu d’explorer les possibilités d’associer les pays du DM, cas par cas, à des activités du CPEA et du PPP spécialement choisies et d’encourager les partenaires méditerranéens à participer de façon plus large aux activités auxquelles la coopération dans le cadre du CPEA et du PPP leur permet déjà d’accéder.

Deux initiatives internationales peuvent être citées : le processus de Barcelone de l’Union européenne et le dialogue méditerranéen de l’OSCE. Le Conseil de l’Atlantique Nord a décidé que l’Otan proposerait à l’UE l’organisation périodique d’exposés et d’échanges d’informations sur les activités de chacune des deux organisations dans le domaine de la sécurité et de la stabilité dans la région méditerranéenne.

Ainsi, il est envisagé d’organiser des réunions d’experts de l’Otan et de l’OSCE pour examiner des questions d’intérêts communs. Dans cette perspective, la démarche à suivre consisterait à prévoir, notamment des activités ciblées, l’objectif consistant à couvrir des secteurs où l’Otan dispose d’un avantage comparatif reconnu et pouvant apporter une «valeur ajoutée», en particulier dans le domaine militaire, et pour lesquels les partenaires méditerranéens ont manifesté de l’intérêt.

Deuxièmement, l’accent est mis sur la mise à profit de l’expérience acquise dans le cadre du partenariat pour la paix (PPP) avec, notamment, l’ouverture d’activités PPP supplémentaires aux pays du DM et/ou l’adaptation d’activités PPP à leurs besoins spécifiques, le document insistant, à ce niveau, sur la nécessaire consultation préalable des pays du dialogue méditerranéen.

Les domaines de coopération inventoriés par l’Otan peuvent être résumées au nombre de quatorze : 1) la formation, l’entraînement et la doctrine militaire 2) les exercices militaires et les activités d’entraînement connexes 3) les contacts entre militaires aux niveaux des chefs d’état-major de la défense, des états-majors et des experts 4) la médecine militaire 5) les échanges d’informations dans le domaine de la logistique 6) les consultations au niveau des experts sur les efforts politiques et de défense avec pour objectif de lutter contre la prolifération des armes de destruction massive (ADM) 7) l’action humanitaire globale de lutte contre les mines (GHMA) 8) la tenue de séminaires et de réunions d’experts sur les plans civils d’urgence (PCU) 9) la participation à certaines activités des bureaux et comités d’étude 10) la gestion des crises, cet aspect important de la coopération comprenant des exposés sur les exercices de gestion des crises 11) la science et l’environnement 12) l’encouragement des pays de l’Otan et du DM à contribuer au MDWP 13) l’intensification des efforts d’information de l’Otan dirigés vers la société civile des pays du DM 14) le renforcement du rôle des ambassades points de contact de l’Otan dans les pays du DM.

Mais il est également envisagé la possibilité de la définition de nouveaux domaines de coopération, y compris les questions militaires et de défense, afin d’instaurer la paix et la sécurité de façon durable et d’éviter les conflits.

L’inventaire des domaines de coopération possibles fait ressortir huit axes directeurs : 1) les activités pouvant améliorer l’aptitude des pays du DM, le but recherché étant d’améliorer l’aptitude des pays du DM à contribuer à des opérations de réponse aux crises hors article cinq que dirige l’Otan, y compris l’entraînement à une participation éventuelle à un centre de coordination logistique interarmées multinational (MJLC), l’introduction du concept d’unités de soutien logistique intégré multinational (MILU), la préparation à la mise en oeuvre du concept du carburant unique (SFC) et la coopération dans le domaine des matériels tactiques de manutention des carburants (TFHE) 2) la réforme de la défense incluant les meilleures pratiques en matière de gestion économique et civile des forces armées, y compris les aspects «sécurité» du développement économique et les aspects économiques de la lutte internationale contre le terrorisme liés à la sécurité 3) Les consultations sur le terrorisme par la prise en compte du partage de données du renseignement, des réunions d’experts sur la menace terroriste et les mesures prises, individuellement ou avec d’autres pays, pour faire face à cette menace 4) les consultations et la coopération relative la sécurité aux frontières 5) la «participation aux travaux du Groupe de la conférence des directeurs nationaux des armements (CDNA) pour le partenariat sur le système Otan de codification (NCS) 6) l’invitation aux activités du Groupe de la CDNA pour le partenariat qui concernerait les conditions de sécurité dans le transport et le stockage des munitions et des explosifs militaires 7) des consultations sur des questions de gestion de la circulation aérienne dans l’optique d’une plus grande sécurité des vols et échanges d’informations sur les procédures civilo-militaires de contrôle de la circulation aérienne 8) la gestion des catastrophes.

La question du financement étant posée, deux situations sont envisagées : d’une part, la règle de l’autofinancement des activités menées au titre du DM est retenue et, d’autre part, une aide financière exceptionnelle. 3. L’Algérie dans le dialogue méditerranéen de l’OTAN Le cadre défini au sommet de l’Otan de promouvoir le dialogue méditerranéen de l’Otan au rang de «véritable partenariat» (le même sommet d’Istanbul faisant une offre de coopération à la région du Moyen-Orient élargie qui est adressée aux pays qui le souhaitent, ceux qui sont membres du Conseil de coopération du Golfe étant cités explicitement) ambitionne de contribuer à la sécurité et à la stabilité de la région méditerranéenne par le truchement d’un certain nombre d’actions au nombre de cinq qui se veulent complémentaires avec d’autres actions internationales : 1) le renforcement de la dimension politique du dialogue méditerranéen avec l’Otan 2) l’appui au processus de réformes de la défense 3) la coopération dans le domaine de la sécurité des frontières 4) la réalisation de l’interopérabilité 5) la contribution à la lutte contre le terrorisme.

L’objectif poursuivi par l’initiative d’Istanbul est de renforcer la sécurité et la stabilité par le biais d’un nouvel engagement transatlantique en fournissant un avis adapté sur la réforme de la défense, l’établissement des budgets de défense, la planification de la défense, les relations civilo-militaires et l’encouragement de la coopération entre militaires afin de contribuer à l’interopérabilité, la lutte contre le terrorisme par le partage de l’information, la coopération maritime et la lutte contre la proliférations des armes de destruction massive et contre les trafics.

Face à ces propositions quelle est l’attitude de notre pays ? Etant conscient que le défi des années à venir étant la relance économique réelle, si l’on veut peser dans les futures négociations internationales, supposant l’accélération de la réforme globale qui piétine actuellement, il faut néanmoins reconnaître que la politique extérieure de notre pays, et particulièrement sa politique en matière de coopération multi/bilatérale, est sans doute le secteur qui s’est le mieux adapté aux bouleversements cardinaux que le monde connaît depuis une décennie.

Face aux défis qui lui sont lancés et sans se départir de ses positions et de ses principes traditionnels relatifs aux droits des peuples, au respect du droit international et à celui de la légitimité internationale incarnée par l’Organisation des Nations unies, même si des efforts importants restant à faire pour adapter notre diplomatie aux nouvelles mutations mondiales (nos ambassades, hélas, étant des guichets administratifs) du fait que les nouvelles relations internationales ne se basent plus sur des relations personnalisées entre chefs d’Etat et la situation géographique, mais sur la puissance économique et des réseaux influents, l’Algérie a su adapter correctement sa diplomatie et se redéployer avec efficience sur la scène internationale.

La tragédie qu’elle a vécue, les hommes d’expérience et de bonne volonté qu’elle a eus à sa disposition et un leadership judicieusement exercé, depuis quelques années, en matière de gestion domestique et sur la scène internationale lui ont permis, en effet, de rompre l’isolement qu’elle a connu dans un passé encore proche.

Les menaces qui pèsent sur les peuples et leurs Etats et les défis collectifs qui leur sont lancés ont amené notre pays à doter sa politique extérieure d’une approche globale des enjeux, des problèmes et des crises que connaît le monde et à déployer ses capacités, ses moyens et son savoir-faire dans une logique de juste et fécond équilibre.

L’Algérie, considérant que la sécurité est une et indivisible, lie indiscutablement cette dernière à celle de l’ensemble de notre région, mais aussi à celle de l’Europe et, au-delà, des autres espaces régionaux que les technologies militaires, aujourd’hui démocratisées, rendent tout proches.

La réponse à ces menaces et à ces défis doit être, pour notre pays, une réponse engageant l’ensemble de la communauté internationale. Le dialogue et la concertation entre les peuples et entre les acteurs sont la clef et en même temps la meilleure des garanties pour instaurer la paix et la stabilité d’une manière juste et durable.

C’est sur cette base que l’Algérie s’est engagée dans le dialogue méditerranéen de l’Otan et dans d’autres initiatives régionales ou sous régionales. En matière de défense et de sécurité, l’Algérie est, depuis 2002, l’un des sept pays du bassin méditerranéen qui sont parties prenantes du dialogue méditerranéen de l’Otan.

Depuis cette date, diplomates et experts militaires algériens ont participé avec assiduité aux réunions de travail, visites et conférences organisées conjointement avec les autres partenaires du DM ou avec les responsables de l’Organisation de l’Atlantique Nord.

L’Algérie a aussi participé, depuis, à plusieurs réunions aux sommets de l’Otan ces dernières années. Rappelons que le sommet qui s’est déroulé en décembre 2002 à Bruxelles a donné lieu à une rencontre entre le président Bouteflika et le secrétaire général de l’Otan.

Comme nous avons assisté à des visites de hauts responsables à Alger, notamment le secrétaire général de l’Otan, permettant d’approfondir le dialogue politique et notamment du fait de l’expérience de l’Algérie, relative au renseignement en matière de lutte antiterroriste (1).

La nature de ces questions et leur importance confirme la place particulière que notre pays occupe dans la perception de l’Otan et le rôle que cette dernière souhaite lui voir jouer. Pour illustrer cet intérêt de l’Otan pour l’Algérie, son secrétaire général a souhaité que les forces armées de cette dernière soient associées à des manoeuvres militaires organisées par l’Alliance.

Cette proposition renvoie à la dimension militaire de la coopération que l’Otan a introduite dans le dialogue méditerranéen en 1997. Mais, face à l’Otan, il existe une volonté politique de l’Union européenne d’avoir une stratégie de défense et de sécurité qu’il convient brièvement d’examiner, étant encore embryonnaire, mais concernant également notre pays.

4. – La politique de défense et de sécurité de l’Europe La fin de la guerre froide, les velléités d’émancipation de l’Europe de la tutelle américaine, particulièrement en matière de défense et de sécurité, et la volonté de construire avec les pays de la région des relations économiques privilégiées accroissent de manière significative cet intérêt.

Qu’il s’agisse, en effet, de crises régionales, de scissions d’Etat, de prolifération d’armes de destruction massive ou de conflits internes (ethniques, religieux, culturels ou autres), l’Otan est perçue par les Européens comme une organisation incapable de réagir à ces nouveaux types de menace.

C’est pourquoi va revenir à la surface le vieux rêve d’Europe de la défense que caressaient un certain nombre de pays du vieux continent. C’est pourquoi aussi les Européens se mettent à la recherche d’une alternative à l’Otan et à l’Union de l’Europe occidentale (UEO) laquelle, pour d’autres raisons, ne pouvait prétendre combler le «vide de sécurité» en question.

Il convient aussi d’ajouter que la traduction en termes concrets de la subordination juridique de l’UEO à l’Union européenne rencontre des difficultés qui laissent présager un avenir incertain de l’UEO en tant que «bras armé de l’Union» : la non-appartenance à l’Union européenne de pays classés comme «membres associés» et l’attachement à l’Otan ou la neutralité de pays observateurs.

Par ailleurs, l’UEO est non seulement absente du théâtre européen mais connaît aussi un phénomène d’«otanisation» qui rend difficile son autonomie et son Etats-Unisge donc en tant qu’instrument au service d’une politique européenne de sécurité et de défense autonome.

Ces atermoiements se retrouvent dans le traité de Maastricht qui jette, de manière timide, les bases de ce que certains Européens souhaitent être une politique commune de sécurité et de défense. Les divergences ne vont pas manquer entre les trois principales puissances européennes, en l’occurrence la France et l’Allemagne d’un côté et le Royaume-Uni de l’autre.

Pour la France et l’Allemagne, l’UEO peut être réactivée en fonction des nouvelles données et des missions qu’elle serait appelée à mener. Elle deviendrait le «bras armé de l’UE». Le Royaume-Uni, quant à lui, défend l’idée de mettre en place «un pilier européen de l’Alliance atlantique» Ces divergences vont se retrouver dans le texte du traité qui stipule, d’un côté, que «la politique étrangère et de sécurité inclut l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union européenne, y compris la définition à terme d’une politique de défense commune qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune» et, de l’autre, que «la politique de l’Union au sens du présent article n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres du traité de l’Atlantique Nord».

Par ailleurs, le traité mentionne clairement que l’UEO est une «composante de défense de l’Union européenne et un moyen de renforcer le pilier européen de l’Alliance atlantique». Autant dire, donc, que ces deux dispositions d’un même article et l’annexe qui accompagne le traité contentent à la fois la position franco-allemande et celle de la Grande-Bretagne.

Dans ce contexte, quel cadre tracer pour un partenariat euro- méditerranéen en matière de défense et de sécurité d’autant plus que les résultats de ce partenariat issus du processus de Barcelone sont mitigés ? C’est pourquoi des tentatives sont faites aujourd’hui pour redynamiser le dialogue euro- méditerranéen avec deux initiatives : d’une part, la politique européenne de voisinage et, d’autre part, le partenariat stratégique entre l’Union européenne d’un côté et la Méditerranée et le Moyen-Orient de l’autre.

D’ailleurs la stratégie du président Sarkozy, soutenue par l’Europe et les Etats-Unis du fait des relations privilégiées qu’il entretient personnellement avec ce pays, a le même objectif stratégique bien que se différenciant sur les tactiques de relance du partenariat méditerranéen où rentre dans ce cadre sous-tendant une zone tampon de prospérité Europe-Afrique via la Méditerranée pour freiner l’émigration massive de l’Afrique subsaharienne avec comme pilier l’Union du Maghreb arabe, supposant la résolution à terme du conflit du Sahara occidental comme condition d’attrait des investissements directs étrangers porteurs et qui ont besoin d’un marché de plus de 100 millions d’habitants.

Cela explique l’initiative des amis du Sahara (Etats-Unis, Russie, France et Espagne notamment) dont la réunion a eu lieu en marge de la cession de l’ONU de juin 2007 et sera poursuivie en septembre octobre 2007 entre le Maroc et le Polisario.

Le dégel récent avec la Libye après la libération des infirmières bulgares, qui devrait être soutenu par la communauté, les Etats-Unis et l’Europe pour réintégrer la communauté internationale rentre dans le cadre de ce processus d’intégration plus large élargi à la Méditerranée.

L’Algérie, à travers les gazoducs Europe via Italie et Europe via Espagne, joue comme vecteur dans ce cadre géo-stratégique avec une perspective d’exportation de 85/100 milliards de mètres cubes, sous réserve de nouvelles découvertes de gaz pour des gisements importants rentables, et ce en partenariat, Sonatrach n’ayant pas les capacités technologiques et risquant de s’enfermer dans un cercle infernal d’autofinancement accaparant en vase clos une fraction des ressources financières au détriment d’autres secteurs de l’économie nationale.

Pour le projet Nigal reliant le Nigeria à l’Europe via l’Algérie et dont le coût initial était de 7 milliards de dollars américains avant de passer à plus de 10 milliards de dollars, il est toujours en gestation pour son financement, sa rentabilité économique étant prouvée, mais devant au préalable résoudre les problèmes politiques, notamment les conflits au Nigeria ainsi que dans certaines contrées de passage où les rivalités tribales sont vivaces.

C’est que, comme souligné précédemment, le problème du contrôle des réserves stratégiques explique en, partie, les conflits en Irak (2e puissance pétrolière après l’Arabie Saoudite) et au Liban, les tensions au Soudan, où la Chine est présente pour le pétrole expliquant sa positon dans la crise du Darfour, comme on devrait assister dans les prochaines années à un apaisement des tensions avec l’Iran (2e puissance gazière mondiale, 15 % des réserves après la Russie et 30 % des réserves mondiales), qui contrôlant une grande partie du passage maritime des exportations des hydrocarbures des principaux pays du Golfe à travers le détroit d’Ormuz, dont les réserves mondiales sont de plus de 60 % de la planète, et a également une large influence sur certains pays musulmans chiites de l’ex-URSS à sa frontière, à forte potentialités énergétiques, surtout avec la probable arrivée au pouvoir des démocrates aux Etats-Unis.

D’une manière générale, sur le plan militaire et géostratégique, c’est à travers les activités du groupe dit des «5+5» que peut être appréciée aujourd’hui la réalité d’une telle évolution. C’est que la lecture que font les Européens des menaces et des défis auxquels le monde et notre région sont confrontés repose essentiellement sur la nécessité de développer ensemble une stratégie de riposte collective et efficace concernant, notamment, le terrorisme international, le trafic des êtres humains et la criminalité organisée à travers la drogue et le blanchissement d’argent.

Par ailleurs, selon la Commission de Bruxelles et le Parlement européen, entre l’Europe et le Maghreb, et plus globalement l’Europe et la zone méditerranéenne, il s’agit de faire bloc, de rapprocher les Européens et leurs voisins immédiats.

Pour le cas de notre pays, qui a signé un accord de libre-échange avec l’Europe et qui est applicable depuis le 1er septembre 2005, la Tunisie et le Maroc l’ayant signé bien avant, en matière de défense et de sécurité, des consultations relatives à la mise en place d’un dialogue entre l’Algérie et l’Union européenne ont eu lieu sous forme de consultations informelles et de réunions formelles.

Mais, notre pays a officiellement demandé des clarifications portant sur deux questions jugées fondamentales : d’une part, la valeur ajoutée de cette offre de dialogue par rapport au dialogue méditerranéen de l’Otan et, d’autre part, la coopération en matière de lutte contre le terrorisme entre l’Algérie et l’UE dans le cadre de la PESD.

5. La modernisation de l’ANP, une adaptation aux réalités locales et mondiales L‘Algérie a toutes les potentialités pour devenir une grande puissance régionale. Pour cela, des stratégies d’adaptation au nouveau monde sont nécessaires, étant multiples, nationales, régionales ou globales, et mettent déjà en compétition/confrontation des acteurs de dimensions et de puissances différentes et inégales.

Mais, face aux menaces communes et aux défis lancés à la société des nations et à celles des hommes, les stratégies de riposte sont ou doivent être collectives. Cependant, dès lors qu’elles émanent d’acteurs majeurs et de premier plan, elles s’inscrivent dans une perspective globale et cachent mal des velléités hégémoniques.

Incluse dans une sous-région qui n’en finit pas de vouloir se construire et évoluant dans un environnement géopolitique régional que des acteurs majeurs façonnent aujourd’hui à partir de leurs intérêts et des préoccupations stratégiques qui leurs sont propres, l’Algérie est appelée à se déterminer par rapport à des questions cruciales et à relever des défis dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils dépassent en importance et en ampleur ceux qu’elle a eu à relever jusqu’à présent.

Aussi, face aux mutations tant internes que mondiales qu’aux enjeux géostratégiques, l’Armée nationale populaire (ANP), faisant sa mue progressivement, est engagée dans les réformes qu’elle a planifiées (modernisation) en accordant au civil et au politique la prééminence sur le militaire ( la sécurité intérieure comme dans tous les pays démocratiques, avec le primat à l’économique et aux défis sociaux relevant de structures spécialisées) et en se fixant de nouvelles missions : préservation de l’intégrité du territoire national, maintien de la paix, prévention des conflits, organisation des secours humanitaires de par le monde, et, comme l’avenir de demain repose sur les ressources humaines, intensification de la formation, notamment dans les nouvelles technologies et la recherche scientifique, et amélioration de sa gestion par des audits pointus afin d‘optimaliser les effets de ses dépenses.

Mais, pour planifier ses objectifs stratégiques, il serait souhaitable que l’ANP et la DGSN soient dotées d’une loi de programmation sur cinq années à l’instar des pays avancés. Ainsi, en tant qu’institution stratégique, l’ANP s’inscrit durant cette période de transition difficile du passage d’une société étatisée et fortement bureaucratisée à une société dynamique dans le cadre de l’Etat de droit et de la démocratie, en rappelant que de nouvelles formes d’organisations se mettent en place dans les armées modernes passant de l’organisation matricielle (unité de commandement épaulée par les régions géographiques) à une organisation en réseaux plus complexes.

Sur le plan de la responsabilité politique, dans la mesure où les actions diplomatiques, économiques et militaires sont solidaires, afin d’optimaliser la fonction collective globale, il s’agira pour le gouvernement de briser l’immobilisme et le statu quo actuel suicidaires, en remettant en cause les fondements de l’Etat lui-même, en ce monde en perpétuel mouvement où toute nation qui n’avance pas recule et en relançant la réforme globale en panne malgré des réserves de change dépassant en juillet 90 milliards de dollars américains, et ce en conciliant l’adaptation aux effets de la mondialisation irréversible et les impératifs du développement national, les principes de l’efficacité d’une économie ouverte reposant sur des entreprises compétitives au sein d’un univers concurrentiel et son fondement, le savoir, et la nécessaire cohésion sociale, seule condition d’une production et d’une exportation hors hydrocarbures afin de réduire la pauvreté et le chômage.

A. M. et Y. K. (*) Abderrahmane Mebtoul est docteur d’Etat en économie et Youcef Ikhleff politologue. Tous deux enseignent dans les universités d’Oran et d’Alger.