Main basse sur le pétrole algérien
Ô Bled
Main basse sur le pétrole algérien
Lounis Aggoun, Gri-Gri n° 39, 22 septembre 2005, http://www.lesamisdugrigri.com/
En 2002, le Président Bouteflika offrait son pétrole aux Etats-Unis… Grâce au ministre du pétrole, Cheikh Khelil, bien vu à Washington, une entreprise étrangère peut désormais légalement acquérir 70% des réserves pétrolières qu’elle aurait mise à jour… Dans un pays où le pétrole ne représente que 98% des revenus !!!
En 1830, le marquis de Clermont-Tonnerre, colonel d’état-major, écrivait aux Algériens : « Soyez unis à nous, soyez dignes de notre protection, et vous règnerez comme autrefois dans votre pays, maîtres indépendants de votre patrie. […] Nous vivrons en paix pour votre bonheur et pour le nôtre. »
La suite de l’histoire est connue.
Nourri au biberon du nationalisme de feu Boumedienne, dont il était le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika serait-il un inconscient ? Dès le 22 novembre 2002, dans le Washington Times, le président algérien faisait explicitement offre de service aux Américains. « L’Algérie ambitionne de devenir le premier producteur du continent africain et ainsi assurer aux États-Unis la sécurité énergétique supplémentaire dont ils ont besoin. »
Ne restait au ministre du pétrole, Chakib Khelil, un ancien de la Banque mondiale pressenti par Bush pour gérer le pétrole irakien, qu’à peaufiner un texte laissant entrer le cheval de Troie. Les experts de la Banque mondiale l’y ont aidé bien volontiers. La loi est adoptée le 21 mars 2005.
Chargée d’exploiter les hydrocarbures pour le compte de l’État, la Sonatrach détenait jusqu’ici au moins 51 % des gisements. Le nouveau texte permet « à toute entreprise, nationale ou étrangère, d’acquérir en toute propriété 70 % au moins des réserves pétrolières qu’elle aurait mises à jour. » Et encore les 30 % restants ne reviennent même pas de façon automatique à l’Algérie, qui dispose de deux mois pour y prétendre. À condition de présenter un investissement d’importance équivalente. Passé ce délai, l’exploitant étranger détient 100 % du gisement. « Il nous faut céder ou subir le sort de l’Irak », avait prétendu Bouteflika. Or la société pétrolière irakienne est plutôt plus libre de ses mouvements, désormais, que la pauvre Sonatrach.
« Nous jouons à la roulette russe avec un pistolet automatique »
Pour rassurer le personnel, Chakib Khelil n’a eu qu’un mot à la bouche : « garantir l’emploi ». En effet, la Sonatrach embauchait généreusement de la main d’œuvre. Or l’exploitant étranger ne pourra plus s’accommoder d’un tel laxisme. Un mois après l’adoption de cette loi, cent cinquante cadres de la Sonatrach sont écartés, en passant par la case « Prison » sous l’accusation de corruption. Quant à la nombreuse population « indigène » de Hassi-Messaoud, Chakib Khelil prévoit… de lui construire une toute nouvelle ville…Mais ailleurs. Sans doute ce que notre ministre appelle « l’intérêt de la nation » ».
Rappelons que les revenus des Algériens proviennent à 98 % des hydrocarbures. « Nous jouons à la roulette russe avec un pistolet automatique », s’inquiète un ancien cadre algérien de l’OPEP.
Ce saut dans l’inconnu sans parachute a provoqué des remous même au sein du cercle étroit des « décideurs ». Bouteflika a mis en avant « la latitude de l’Algérie à changer la loi au cas où celle-ci s’avérerait inefficace ou dangereuse ». S’il l’affirme, lui qui est un croisement improbable entre de Gaulle et Coluche, comment ne pas le croire sur parole?