Communiqué du journal Er-rai

Oran le 15 juillet 2003

COMMUNIQUE du journal Er-Raï

Er-Raï fait face à un complot ourdi par des cercles proches du pouvoir et du Président de la République. On reproche au journal sa ligne éditoriale et son manque de soutien à M. Bouteflika dans le conflit qui l’oppose à son ex-chef du gouvernement, M. Ali Benflis.

Fidèle à sa ligne et aux principes de la liberté d’expression Er-Raï n’a pas voulu servir de porte-voix aux cercles qui ont fait main basse sur les richesses de l’Algérie et qui continuent de se disputer la rente.

Er-Raï qui dérange par sa liberté de ton et son indépendance des clans du système constitue pour les nostalgiques des années de plomb une cible à abattre. On ne pouvait tolérer un espace de liberté dans une Algérie régie par un état d’urgence inique et des méthodes et pratiques qui feraient pâlir de jalousie Staline.

Er-raï, conscient de sa mission d’informer, pour laquelle des confrères sont morts a servi de tribune à toutes les tendances politiques actives en Algérie. Il a soulevé les préoccupations de la société en évoquant le dossier des disparus, celui des charniers et des escadrons de la mort, ceux de la mafia politico-financiére et celui du foncier. Il a aussi dénoncé l’incapacité des généraux à éradiquer le terrorisme, un fléau qui a endeuillé des milliers de familles, l’indigence du discours politique, les barons de la drogue et les groupes de pression qui puisent leur force du drame du peuple algérien. Il a ouvert ses colonnes à tous ceux qui oeuvrent pour l’émergence d’une démocratie réelle, pleine et non sélective. Tous ces sujets et cet engagement pour la liberté d’expression, n’ont pas été du goût des caméléons politiques qui modulent leurs engagements en fonction de leurs intérêts.

Les pressions sur Er-raï ont été précédées d’une campagne de séduction visant à lui faire tenir le rôle de bouffon dans la cour du Président de la République. Aux coups de téléphone ont succédé des émissaires qui ne cessaient de conseiller à la direction du Journal de prendre à bras le corps la défense des intérêts des cercles proches du Président de la République. On n’a pas hésité à exhumer la politique de la carotte et le bâton si chère aux républiques bananières et autres dictatures en déclin pour apprivoiser Er-raï.

Voyant que ces pratiques n’avaient pas d’emprise sur le journal, les cercles du Président sont revenus à la charge pour entamer leur travail de sape en invoquant de fallacieux et curieux arguments commerciaux. Seul Er-raï a été sommé de payer rubis sur ongle une dette commerciale que couvriraient largement les créances que lui doit l’Anep, qui détient le monopole sur la publicité dans une économie qualifiée « pompeusement » de libre, une succursale du groupe presse et communication (GPC), tutelle des imprimeries.

La S.I.A, a servi d’outil aux forces qu’Er-raï dérange. Il a suffi d’un simple coup de téléphone aux ex BSP (Brigade de Sécurité et de Prévention),supplétifs de la Sécurité Militaire, promus managers de ces sociétés d’impression pour les voir s’exécuter sans discuter. Une réminiscence d’un temps révolu, quand ils rédigeaient, pour faire plaisir à leurs séides des BRQ ( Bulletin de Renseignements Quotidien) qui ont envoyé parfois des innocents en cellule. La société d’impression du centre ne peut pas invoquer des dettes pour suspendre le tirage du journal. Un arrangement avait été conclu entre les deux parties pour le règlement de la facture arrivée à échéance plus une partie de la dette selon un calendrier négocié.

Cet accord, la S.I.A est passé outre et a prononcé son édit interdisant le tirage du journal. Pire encore, le communiqué rendu public par la direction du journal et publié par certains confrères leur a valu les remontrances des cercles du Président de la République qui voulaient placer sous embargo la mort « décidée en haut lieu, du journal Er-raï.

Aujourd’hui, la direction et le collectif du journal se réjouissent des marques de soutien parvenues des quatre coins de l’Algérie et se félicitent des marques de sympathie qui ont émané de lecteurs, de citoyens pris d justice, de partis politiques et d’associations de la société civile. Ils exhortent les ONG à intervenir pour faire cesser cette « hogra » et ce déni de justice et pour dénoncer ceux qui veulent bâillonner un espace de la libre expression. Ils en appellent aux organisations de défense des droits de l’Homme et de la presse libre pour défendre un des principaux acquis de la révolution d’Octobre 1988, à savoir la liberté d’expression et l’indépendance de la presse, aujourd’hui menacée en Algérie, par ceux que la démocratie dérange.

Pour le collectif / Ahmed Benaoum