Un militant en grève de la faim
DROITS DE L’HOMME
Un militant en grève de la faim
El Watan, 6 octobre 2003
Depuis le 30 septembre 2003, Salah-Eddine Sidhoum, 55 ans, chirurgien orthopédiste et militant des droits de l’homme, observe une grève de la faim à la prison Serkadji (Alger). Il est, depuis son arrestation, isolé dans une cellule au sous-sol de ce pénitencier. Selon Amine Sidhoum, avocat et fils de Salah-Eddine, le prisonnier est très affaibli.
«Vendredi 3 octobre, mon père a eu un malaise et a failli tomber dans un coma hypoglycémique. L’infirmier de la prison a refusé de prendre en considération cet é tat. Il a dit qu’il était chargé de prendre la tension uniquement. On a même exigé de lui une ordonnance médicale pour qu’il ait droit à de l’eau minérale !», raconte-t-il. D’après l’avocat, les gardiens de Serkadji ne respectent plus la confidentialité du parloir. «Mon père a reçu une é trange visite d’un homme cravaté qui a voulu l’obliger à sortir de sa cellule. Mon père a demandé à cet homme de décliner son identité. Il a refusé», ajoute l’avocat.
En mars 1997, Salah-Eddine Sidhoum a été condamné par contumace par la Cour spéciale d’Alger à 20 ans de prison pour «constitution de groupes terroristes». «Une accusation standard prononcée sans preuves. Cela a obligé mon père à entrer en clandestinité», relève Amine Sidhoum.
Le 29 septembre 2003, et voulant mettre fin à neuf ans de clandestinité, Salah-Eddine Sidhoum a décidé de se présenter à la justice pour faire opposition au jugement prononcé à son encontre. Il a été immédiatement transféré à la prison de Serkadji. «Le Dr Sidhoum avait, en raison de ses dénonciations des graves violations des droits de l’homme depuis 1992, fait l’objet en 1994 d’une campagne de calomnie, d’une tentative d’assassinat par les escadrons de la mort…», relève le comité de soutien au militant des droits de l’homme.
‘organisation internationale Justitia Universalis, basée à La Haye (Pays-Bas), a saisi par lettre le président de la République sur le cas Sidhoum. «Il est hautement regrettable qu’un pays comme l’Algérie en arrive à mettre en prison une personnalité de cette envergure, connue pour sa grande moralité, sa probité et sa rigueur», remarque Justitia Universalis. Hocine Aït Ahmed, président du FFS, a adressé une lettre à Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU sur le cas Sidhoum. «Le Dr Sidhoum est, de longue date, un infatigable et courageux défenseur des droits humains dans notre pays. Il a dénoncé avec rigueur et constance les graves violations des droits humains survenues en Algérie depuis le coup d’Etat de janvier 1992 et publié des articles, listes et témoignages de victimes qui constituent autant de références majeures pour tous ceux qui sont engagés pour le respect des libertés et de la dignité humaine», écrit Hocine Aït Ahmed. «Il a, à chaque fois que cela lui était possible, alerté l’opinion publique et les médias internationaux à qui il a présenté de nombreux cas de torturés, blessés et de disparus. Il a eu lui-même à soigner des personnes qui avaient été atrocement torturées ou qui avaient échappé aux balles assassines des forces de sécurité. Son engagement actif pour cette cause n’étant pas du goût du pouvoir de mon pays, la police politique a tenté de l’éliminer», ajoute le président du FFS.
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a saisi les autorités algériennes sur l’affaire Sidhoum. Autant que l’organisation américaine Human Right Watch. Le collectif d’avocats a présenté une demande de liberté provisoire auprès de la chambre d’accusation près la Cour d’Alger. Salah-Eddine Sidhoum, d’après son comité de soutien, revendique un procès équitable et public.
Par Fayçal Métaoui