Lettre ouverte de Salah-Eddine Sidhoum en raison des harcèlements qu’il subit

Lettre ouverte à l’opinion publique et aux organisations non gouvernementales des droits humains

Salah-Eddine SIDHOUM

Mes cher(e)s Ami(e)s,

Le pouvoir d’Alger semble persister dans son harcèlement contre ma modeste personne.

En effet aujourd’hui, 05 juin 2005, deux civils munis de talkies-walkies, venus à bord d’une voiture banalisée bleue de type Renault R19 se sont présentés à mon domicile aux environs de 10 heures. N’ayant trouvé personne chez moi, ils remirent une convocation me concernant à un employé d’un taxiphone voisin, non sans avoir relevé ses coordonnées personnelles et lui avoir demandé de me la remettre en mains propres. Ce sont des voisins qui m’appelèrent à la clinique où j’exerce pour m’informer des faits.

Cette convocation est la troisième depuis ma libération en octobre 2003.

En effet, cette dernière convocation (n° 5892755) émane encore une fois de la 14e brigade mobile de la police judiciaire (BMPJ) de Birkhadem et le motif invoqué est « l’étude de mon cas » !!!!! Un cas pathologique peut-être ?

Cette convocation fait suite à une filature de près de 15 jours, durant le séjour de la délégation d’Amnesty International en Algérie que j’avais reçu à deux reprises à mon domicile et qui a eu à écouter des familles de disparus de mon quartier et à prendre connaissance de cas de citoyens torturés par la police politique durant les années 2004 et 2005. Trois voitures banalisées (205, 306 et une Peugeot Partner grise conduite par un « barbu », accompagné de deux autres jeunes personnes) se relayaient devant mon domicile et me suivaient dans mes déplacements. Ce stupide manège a pris fin avec le départ de la délégation d’Amnesty International le 28 mai dernier.

Ce harcèlement survient aussi une semaine après que deux individus se réclamant de la police se soient présentés au Bâtonnat d’Alger pour remettre une convocation à mon fils Abderrahmane Amine, jeune avocat et militant des Droits Humains, suite à une plainte du ministère de la « justice » contre lui pour avoir critiqué la détention préventive abusive concernant l’un de ses mandants, dans une interview réalisée il y a plusieurs mois de cela par le quotidien Echourouk El Yaoumi.

Ce harcèlement survient aussi et enfin après la publication la semaine dernière en Europe d’un ouvrage collectif (Quelle réconciliation pour l’Algérie ? http://www.hoggar.org/modules.php?name=Books&op=ReadBook&id=12 ) d’intellectuels algériens de tous bords auquel j’ai participé par une interview.

Encore une fois, ce ne sont pas ces campagnes périodiques d’intimidation qui ébranleront mes profondes convictions et freineront mon combat pour le respect de la dignité humaine et le changement radical et pacifique de régime.

Bien au contraire, ces méthodes éculées des reliques staliniennes drapées dans une pseudo-démocratie plus que douteuse et qui gouvernent mon malheureux pays ne font que renforcer mes certitudes dans la longue lutte pour la vérité et la justice quant à la tragédie vécue et dans la construction d’une Algérie de toutes et de tous, sans exclusion ni exclusive, profondément ancrée dans ses valeurs civilisationnelles et grandement ouverte sur l’Universel.

La seule convocation à laquelle je répondrais sera celle du TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL, en tant que témoin et qui aura à juger les criminels contre l’humanité qui ont mis notre Algérie à feu et à sang, les mêmes qui essaient encore et vainement aujourd’hui, après leurs méfaits sanglants de la décennie écoulée, d’instrumentaliser justice et police pour faire taire les consciences libres qui refusent la réconciliation factice, la paix des cimetières et l’amnésie générale que tentent de faire passer les putschistes pour s’auto-amnistier.

J’en appelle encore une fois à l’opinion publique nationale et internationale et aux ONG pour dénoncer cette mesquine campagne d’intimidation d’un autre âge et d’apporter leur soutien à toutes les consciences libres de mon pays dans leur lutte pour la dignité et le changement face à ce régime corrompu et criminel.

Alger le 05 juin 2005

Salah-Eddine SIDHOUM

Chirurgien
Militant des Droits Humains.