L’Algérie a la volonté d’atteindre les standards internationaux dans la gestion pénitentiaire

Ne satisfaisant pas encore tous les aspects liés aux droits de l’Homme

L’Algérie a la volonté d’atteindre les standards internationaux dans la gestion pénitentiaire

Par Hasna Yacoub, La Tribune, 11 Septembre 2007

Y a-t-il violation des droits de l’Homme dans les prisons algériennes ? A cette question, les experts anglais, venus dans le cadre d’une coopération bilatérale visant à aider l’Algérie à appliquer un programme de réforme, ont eu une réponse mitigée. M. Andy Barcly dit : «Nous ne serions pas ici si l’Algérie avait atteint les standards internationaux et donc le respect des droits de l’Homme», et d’ajouter : «Je viens d’un pays qui a initié des réformes depuis plusieurs années. Pourtant la Grande-Bretagne n’a également pas atteint ces normes. Il y a toujours des correctifs à apporter.» Son collègue, M. Alistair Bailey, préfère diviser la question en deux parties : «En première partie, nous pensons que les droits de l’Homme en Algérie sont respectés. Dans une seconde partie, il faut se demander si l’Algérie est arrivée à satisfaire tous les aspects liés au droits de l’Homme. Là, la réponse est non. L’Algérie a réalisé d’énormes progrès dans la gestion pénitentiaire, et la réforme initiée a permis de mettre en place des bases solides pour l’amélioration des conditions de détention à l’avenir.» MM. Alistair Bailey et Andy Barclay, experts du Centre international des recherches pénitentiaires (International Centre for Prison Studies), conseillers auprès du ministère de la Justice de la Grande-Bretagne et chargés du suivi du programme de réforme du système pénitentiaire en Algérie -initié en collaboration avec l’ambassade de Grande-Bretagne- ont eu à visiter au cours de leur deuxième visite, trois prisons algériennes, le centre de détention pour mineurs de Sétif et la direction générale des prisons sise à Sour El Ghozlane. Avant de présenter leur évaluation de cette visite, M. Barclay a tenu à souligner que «la transparence qui marque la réforme du système pénitentiaire est un signe fort de la volonté de l’Algérie d’améliorer les conditions de ses détenus et à atteindre les standards internationaux». Sur la visite effectuée dans les prisons algériennes, l’expert soutiendra que l’Algérie a développé et mis en place un système de réforme qui a été bien réfléchi. «Une loi a été décrétée en 2005 et des efforts sont déployés dans le sens de cette législation. Le ministère a consulté différentes parties avant d’élaborer la politique de réforme, dont les Nations unies.» M. Barclay soulignera que le point majeur constaté depuis le début de la réforme est «le changement d’attitude des cadres de l’administration pénitentiaire. Ces derniers ont compris que leur rôle n’est pas de garder des détenus en prison, mais plutôt de prendre soin d’eux et de penser à leur réinsertion». Il reconnaîtra cependant que le problème du surpeuplement carcéral est fortement ressenti. «Mais lors de la rencontre que nous avons eue avec les cadres de l’administration pénitentiaire, nous avons eu à prendre connaissance du programme de construction de nouvelles prisons. De toutes les manières, ce problème de surpeuplement n’est pas spécifique à l’Algérie». Pour le résoudre, il n’y aurait pas d’autre choix pour l’Algérie que de penser à des solutions alternatives. «Est-il nécessaire de maintenir tous ces gens là en prison ? Je pense qu’il faut tout d’abord décider du degré de dangerosité d’une personne et savoir que la prison devrait être considérée comme un dernier recours. En Algérie, il y a une tendance à mettre en prison tous ceux qui commettent un délit. Cette tendance doit être inversée.» Pour le conférencier, il est clair que les prisons visitées ne sont pas adéquates pour accueillir les détenus et que l’infrastructure existante ne satisfait pas les besoins en couverture sanitaire et de loisirs, «malgré qu’il faut reconnaître à l’Algérie son important investissement dans la réforme. J’ai déjà eu à visiter des prisons dans de nombreux pays, la couverture médicale dans les prisons algériennes est l’une des meilleures». Concernant l’architecture des nouvelles prisons, l’Algérie devrait, selon le conférencier, opter pour la conception qui répond à ses besoins spécifiques. «Les normes issues du Conseil de l’Europe sont de 9 à 12 m2 pour la surface d’une cellule d’un détenu.» Affirmant par ailleurs, que certains domaines restent à développer, à l’exemple des programmes de réinsertion, ou encore la détention de mineurs qui s’effectue actuellement au niveau des pénitenciers des adultes, M. Berclay soutient que «l’Algérie est dans la bonne direction, mais il faut savoir que la stratégie de réforme adoptée s’étale sur une dizaine d’années au moins. Il ne faut pas s’attendre à un changement du jour au lendemain mais il faut sentir ce changement dans les années à venir. C’est dans le cas contraire, qu’il faut s’inquiéter». A signaler aussi que M. Fellioun, le directeur général de l’administration pénitentiaire, a résumé les progrès réalisés par son administration depuis le début des réformes en 2005. Il a signalé qu’une équipe de cadres de son administration a reçu une formation en Grande-Bretagne dans le cadre de cette coopération qui vise à la mise en place d’une stratégie de gestion des pénitentiaires répondant aux standards internationaux. Il rappellera qu’un programme de construction de 13 prisons en 24 mois va permettre la création de 19 000 nouvelles places. Sur la question de la couverture sanitaire, M. Fellioun reconnaît enfin qu’un manque d’une centaine de médecins reste à combler.

H. Y.

Extradition d’Algériens de la Grande-Bretagne : c’est loin d’être gagné

Questionné sur l’avis qu’ils présenteront à la justice britannique sur
les conditions de détention en Algérie, un avis qui pourra être
déterminant sur la décision d’extrader un Algérien vers son pays
d’origine, les deux experts britanniques qui sont également conseillers auprès du ministère de la Justice de Grande-Bretagne n’ont pas été prolixes. Ces derniers ont déclaré que la visite de cinq jours qu’ils ont effectuée en Algérie n’est pas suffisante pour émettre un point de vue : «Nous établirons notre rapport. Pour nous, il est clair qu’il y a une volonté de l’administration pénitentiaire de se conformer aux normes internationales.» La volonté existe mais le pays est encore loin des standards internationaux.
Cela laisse penser que l’avis de ces experts pourraient ne pas être en faveur de l’Algérie dans le traitement de ses demandes d’extradition par la justice britannique.

H. Y.