Des enfants dans les prisons

POURTANT VICTIMES DE MALTRAITANCE

Des enfants dans les prisons

Le Soir d’Algérie, 22 juin 2006

Ça se passe encore dans l’Algérie plurielle, dans l’Algérie de 2006 ! Des enfants (garçons et filles), victimes de violences et de maltraitance, sont placés dans des établissements pénitentiaires, au même titre que leurs bourreaux. Non parce qu’ils sont coupables, mais pour la simple raison que notre pays ne dispose pas de suffisamment de structures d’accueil habilitées à prendre en charge cette catégorie de victimes.
Cette situation alarmante, qui interpelle vivement les autorités politiques, la société civile et les parents à agir très vite et dans l’intérêt de ces enfants, a été exposée hier par Mme Kheira Messaoudène, commissaire de police et chargée de la division de la protection de l’enfance au niveau de la Direction générale de la sûreté nationale. Intervenant lors d’une journée d’étude pluridisciplinaire sur «la prévention de la maltraitance envers les enfants», qui s’est tenue hier à l’Institut national de la santé publique (INSP) et organisée par la fondation Terre des hommes, Mme Messaoudène a mis l’accent sur l’urgence de mettre en place les moyens matériels nécessaires pour venir en aide à ces victimes de maltraitance. Selon elle, il n’est pas normal qu’une fille victime de viol, d’inceste ou autres violences soit mise dans une cellule pour qu’elle soit protégée. «Les victimes sont associées à des malfaiteurs et risquent d’ailleurs de le devenir si leur situation n’est pas reconsidérée par une prise en charge matérielle et psychologique», fait remarquer la communicante. Les chiffres avancés attestent également de cette urgence. Pour le premier semestre 2006, les services de la police ont enregistré 2133 cas de violences physiques et sexuelles contre les enfants. 1942, soit plus de la moitié du chiffre global, porte sur les cas de violences faites à des enfants âgés entre 13 et 16 ans. Pour revenir aux chiffres de l’année 2005, ceux-là sont aussi importants quand on sait que 1472 enfants (des deux sexes) ont subi des sévices sexuels. Il reste que ces chiffres sont approximatifs, sachant qu’il s’agit là des cas déclarés et recensés. Néanmoins, une grande partie des violences se passent en milieu familial et leur recensement est impossible. Ainsi, Mme Messaoudène est venue avec plusieurs propositions qu’elle a tenu à reformuler encore une fois. En plus de mise en place des structures d’accueil au profit des enfants victimes de maltraitance qui est un fait urgent, la conférencière a doublé de son pour interpeller la société civile pour s’impliquer sérieusement dans la lutte contre ce phénomène. Une implication qui impose l’inculcation de la culture de signalisation de ces crimes commis contre les enfants sans défense, et ce, par des campagnes de sensibilisation dans le milieu familial et scolaire. Les différents intervenants à cette journée ont tous abondé dans le même sens en insistant sur le rôle des pouvoirs publics dans la sensibilisation de la société à ce phénomène, notamment par la vulgarisation des textes du code pénal qui sanctionnent les bourreaux de ces actes et aussi par la large diffusion des droits des enfants qui sont méconnus dans notre société. Ainsi, le travail de la fondation Terre des hommes s’inscrit dans ce contexte de sensibilisation. Cette association suisse, installée en Algérie depuis 2004, a déjà formé, entre novembre 2004 et avril 2005, 60 directeurs d’institutions et 35 psychologues et ce, en collaboration avec le ministère de la Solidarité nationale. Selon la représentante en Algérie de cette fondation, Mme Samia Aït Belkacem, «un grand projet est également en élaboration et prendra effet en octobre prochain ». Il s’agit, en effet, de la prise en charge des mères célibataires, qui sont généralement victimes d’isolement familial et d’un rejet social. «Ces femmes et leurs enfants ont besoin d’être pris en charge sur tous les plans. Nous leur apportons aide et assistance », a déclaré Mme Aït Belkacem. L’évaluation de ce projet est établie sur plusieurs tranches. Sa mise en place pour les deux premières années est évaluée à 100 000 euros.
Rosa Mansouri