Prison d’El Harrach (Alger): Les détenus suspendent la grève de la faim

Prison d’El Harrach (Alger)

Les détenus suspendent la grève de la faim

El Watan, 12 juillet 2005

Les détenus grévistes de la prison d’El Harrach ont suspendu, avant-hier soir, leur grève de la faim après avoir eu des promesses du procureur de la République territorialement compétent de prendre en charge leurs revendications.

Revendications qui consistent en l’amélioration de leurs conditions de détention, notamment le suivi médical et l’hygiène. Aussi, ils ont demandé qu’ils soient traités de la même manière que les détenus de droit commun. Accompagné du juge de l’application des peines, le procureur de la République près le tribunal d’El Harrach s’est rendu, dimanche 10 juillet, sur le lieu de la contestation en vue d’apaiser les esprits. Il a ainsi annoncé aux détenus contestataires l’ouverture d’une enquête judiciaire afin de faire la lumière sur les véritables circonstances de la mort « non naturelle » (selon le constat de décès établi par l’hôpital Zmirli de la même localité) d’un détenu, survenue dans la nuit de jeudi à vendredi derniers. En fait, c’est la mort de ce prisonnier, 56 ans, incarcéré depuis le 1er janvier 2005 et condamné à 6 ans de prison pour « association terroriste », qui a suscité l’ire des autres détenus, lesquels se sont abstenus de manger dès la nouvelle de la mort de leur codétenu connue. Selon le directeur général des établissements et de l’administration pénitentiaire, Mokhtar Felioune, une autopsie du corps du détenu décédé a été faite. Le rapport a été remis au procureur de la République. « C’est un document judiciaire. Ni moi ni le procureur de la République ne pourrons vous donner les résultats de cette autopsie », nous a indiqué hier M. Felioune. Pour lui, il y a eu seulement « une soixantaine » de détenus qui ont suivi le mot d’ordre de grève d’« une journée ». Les familles des détenus et leurs avocats ont parlé de 300 détenus. « Ils ont déposé un préavis de grève et entamé leur grève de la faim dimanche matin avant qu’ils ne se rétractent dans la même journée », a-t-il précisé. M. Felioune a défendu la thèse selon laquelle les conditions de détention se sont améliorées par rapport à 2002. Pour étayer ses propos, il a fait état de l’augmentation de l’enveloppe budgétaire de 500% de 2002 à 2005, sans toutefois dévoiler le montant exact destiné au financement des prisons, dont le nombre est de 127 établissements sur l’ensemble du territoire national. Sur sa lancée, M. Felioune insistera sur le fait que l’assistance médicale se fait de manière systématique. « Nous avons 12 médecins permanents à la prison d’El Harrach, soutenus par 5 autres de garde. Et il y a aussi 8 infirmiers et 6 chirurgiens-dentistes et 4 ambulances. C’est nettement suffisant pour assurer une bonne couverture sanitaire. Les détenus sont auscultés à chaque fois qu’ils le demandent », a-t-il souligné. La prison d’El Harrach a été construite en 1917 par les colons pour emprisonner les résistants autochtones. Elle obéit donc à des normes spécifiques dictées par la conjoncture de l’époque. Elle dispose de 2000 places. Mais actuellement il y a 3500 détenus. Ces chiffres sont ceux livrés par M. Felioune, qui reste ambitieux en annonçant la construction d’ici à 2009 de 51 nouveaux établissements pénitentiaires selon les normes internationales. Cela permettra, toujours selon lui, de créer « 36 000 nouvelles places ». Mais que fera le gouvernement des prisons existantes et qui ne répondent pas aux normes internationales de détention ? Il faut dire que la plupart des prisons algériennes datent de l’époque coloniale, notamment la fameuse prison de Serkadji qui existe depuis le XIXe siècle. Les détenus contestataires menacent de reprendre le mouvement de grève si les autorités ne respectent pas leurs engagements, a-t-on appris d’une source proche de leur entourage.

Aït Ouarabi Mokrane