Ces Algériens détenus à londres

Khelifa, Al-Qaïda, Harragas

Ces Algériens détenus à londres

Par :Samia Lokmane-Khelil, Liberté, 10 novembre 2008

La face sombre de la communauté algérienne au Royaume-Uni est illustrée par le parcours chaotique de dizaines de compatriotes qui ont sacrifié leur rêve de l’eldorado en empruntant le chemin du crime. Comment des jeunes, à la dérive, se sont retrouvés un jour derrière les barreaux pour des affaires de terrorisme et de délinquance. Et comment d’autres, sans papiers, endurent leur détention, parfois très longue.

Portraits croisés.

Quand nous le rencontrons, Abderrahmane est en liberté depuis quatre jours. Il a passé trois semaines au pénitencier de Pentonville, au nord de Londres pour avoir été pris en flagrant délit de vol de vêtements. Cette sanction est sans doute la plus légère dans son palmarès. Depuis son premier larcin, il y a dix ans, Abderrahmane a fait l’objet d’une vingtaine de condamnations, dont quatre l’ont conduit tout droit derrière les barreaux. “Cette fois, c’est la dernière. Je ne volerai plus”, promet-il, l’air grave. Par crainte de ne pas paraître crédible, il révèle avoir reçu un avertissement de l’administration pénitentiaire, le menaçant de le renvoyer en Algérie, si jamais il est pris encore la main dans le sac. Bien apprêté et ayant de bonnes manières, Abderrahmane passerait pour tout, sauf pour un voleur. “Je gérais un coffee shop dans un centre commercial”, confie-t-il, aiguisant un peu plus la curiosité autour de sa triste mue. D’employé modèle à chapardeur, Abderrahmane n’a fait qu’un faux pas. Un jour, il a basculé dans le milieu de la drogue et du jeu.
Quand il était encore en Algérie, le jeune homme ignorait tout du monde vaporeux des stupéfiants. Venu en Angleterre pour assouvir ses rêves de réussite, il est appliqué et astucieux. À l’instar de tant d’autres, il acquiert des faux papiers qui lui permettent de décrocher un emploi. Recruté comme simple serveur, il monte très vite en grade et devient le responsable du coffee shop. Plein d’optimisme, il espère même régulariser sa situation administrative. Mais le diable se met sur sa route. “J’ai fait de mauvaises rencontres”, avoue-t-il d’une voix basse. Quelque temps après, il perd son travail. N’ayant plus de ressources pour se procurer ses doses de drogue et jouer, il se transforme en voleur. Lors de son dernier séjour à Pentonville, il a rencontré 6 autres Algériens. Mohamed Nacer, responsable de Arab Advice Service (ANB), une organisation d’aide juridique au profit des étrangers, dont les Algériens, évoque un nombre de pensionnaires beaucoup plus important. Selon lui, cette prison, située non loin du quartier algérien de Finsbury Park, héberge 52 compatriotes. “Beaucoup ont été arrêtés lors de la rafle de la police et des services de l’immigration dans la localité en mars dernier. Cette opération très médiatisée avait mobilisé 600 agents. Des passeports et des permis de conduire falsifiés, du matériel électronique ainsi que de l’héroïne avaient été saisis au cours de fouilles opérées à certaines adresses. Aujourd’hui, vous ne voyez plus personne rôder ici. La police veille au grain. D’ailleurs, il n’y a plus de vols comme avant”, note un commerçant. Selon lui, la délinquance est un sentier fatal pour certains jeunes Algériens qui arrivent clandestinement à Londres. “Ils ne connaissent aucun mot d’anglais, n’ont pas d’instruction et ont du mal à trouver du travail. Alors, ils commettent des larcins ou traficotent.” Chez d’autres, le spleen est autrement plus destructeur. Vivant comme des ombres, sans espoir d’obtenir des papiers, ils sombrent dans la dépression.
La drogue devient alors leur unique source de jouissance et le crime un moyen d’obtenir une dose de bonheur illusoire. À côté des naufragés de l’immigration clandestine, il y a bien évidemment les voyous professionnels. Il y a quelques mois, la presse britannique relatait l’épopée d’un délinquant notoire d’origine algérienne qui a fait 13 passages sous les verrous. Sofiane Benmakhlouf s’est apprivoisé Arsène Lupin pour détrousser ses victimes. Il choisissait ses cibles parmi les clients des hôtels de luxe dont il marquait le dos d’un jet de ketchup, pour leur subtiliser un sac, un portefeuille garni, un téléphone mobile ou un ordinateur portable. Désigné sous le sobriquet de “Ketchup thief” (le voleur au ketchup), il a été cueilli en avril dernier à Saint-James-Wood, un quartier huppé du nord de Londres, méconnaissable dans ses vêtements signés Gucci. Avant que Sofiane Benmakhlouf refasse surface, la justice britannique pensait s’être débarrassée définitivement de lui après lui avoir octroyé 3000 livres pour retourner dans son pays. Or, peu de temps après, il est revenu par le premier bateau en partance pour le port de Douvres, à partir de Calais en France. Qui sait, peut-être que les séjours en prison ne l’effrayent pas. “Ils ont tout là-bas, le gîte et le couvert. Ils font du sport, ont des cours d’informatique et ont le droit de travailler et de toucher un salaire”, remarque-t-on de part et d’autre. Abderrahmane approuve. Il ne se plaint guère de ses conditions de détention. “Nous occupons des cellules propres, dotées d’un poste de télévision et d’une bouilloire pour le thé ou le café”, souligne-t-il. Par ailleurs, les détenus peuvent se procurer ce qu’ils désirent contre de l’argent. Outre le sucre, des biscuits et du savon, ils n’ont aucune peine à acheter de la drogue. Les plus riches dépensent des fortunes en héroïne et en cocaïne. Parmi eux se trouverait Rafik Khelifa.
Abderrahmane dit l’avoir côtoyé à la prison de Hollesley où l’ex-milliardaire est incarcéré dans le cadre de l’affaire d’extradition le concernant, actuellement en débat au tribunal de Westminster. “Il dépense 600 à 700 livres par semaine pour acheter de la drogue”, relate Abderrahmane en se demandant d’où lui parvient autant d’argent. En prison, les détenus nantis sont entourés de privilèges. Ce n’est pas le cas des plus démunis. Le patron d’Arab Advice Bureau relate la mésaventure d’un Algérien qui a failli être tué par un codétenu parce qu’il a osé changer de programme télévisé. Il se fait écho également de la mort mystérieuse d’un compatriote en prison. “Les autorités carcérales prétendent qu’il s’est suicidé. De son côté, sa famille assure qu’il a été assassiné”, rapporte Mohamed Nacer entre deux appels. Dans son bureau, la sonnerie du téléphone portable retentit sans cesse. Son dernier interlocuteur lui demande de prendre contact avec son beau-frère écroué dans la matinée pour une affaire de vol. De prison lui parviennent aussi des appels de détenus sans le sou mais en quête d’une aide judiciaire ou soucieux de rassurer leurs proches.

S. L.-K.


Il a passé un an à la prison de haute sécurité de Belmarch

Chronique carcérale d’un apprenti terroriste

Par :Samia Lokmane-Khelil

Nassim n’a aucune peine à révéler qu’il était avec les terroristes à Belmarch. Ni les remords ni la honte ne sont des émotions qui tourmentent son esprit engourdi par les barbituriques. Depuis son passage en 2004 dans ce pénitencier de haute sécurité du centre de l’Angleterre, il collectionne les séjours derrière les barreaux.

“Je suis allé en prison 14 fois”, révèle Nassim hâtif. Insaisissable comme une anguille dans l’eau, il consent enfin à dévoiler sa chronique carcérale, entre deux gorgées de café. Il est 15 heures, le jeune homme de 32 ans vient tout juste de se réveiller. Cette nuit, il a trouvé refuge chez un copain. Le reste du temps, il dort dans la rue. Ayant perdu toute notion du temps, la dépendance aux drogues dures règle son horloge biologique. Il se réveille pour aller voler et va dormir après avoir épuisé les doses d’héroïne et de cocaïne qu’il s’est procurées avec le fruit de ses larcins. Mais comment donc est-il passé de grade de terroriste à celui de pickpocket ? Avec fermeté, l’ancien locataire de Belmarch se défend d’avoir été un adepte du GIA, du GSPC ou d’Oussama Ben Laden. Tout juste s’affichait-il avec leurs partisans à la mosquée de Finsbury Park, au nord de Londres. Il les fréquentait de très près, puisqu’il avoue avoir été un des gardes du corps du maître des lieux, Abou Hamza. Sa photo avec le chef terroriste égyptien devant le lieu de culte est parue en 2003, dans l’édition dominicale du Daily Mail, au moment de son arrestation par Scotland Yard. “Vous pouvez la retrouver sur internet”, insiste-t-il, comme grisé par cette sombre notoriété. Nassim est arrêté chez lui en possession de faux passeports et de matériels servant à les fabriquer, dont un appareil photo. Agissant sur renseignements, les policiers pensent que les documents sont utilisés pour exfiltrer des terroristes. Dans une vaine tentative de se disculper, Nassim jure que les passeports appartiennent à des amis. Mais ni les détectives ni le procureur ne le croient. Aussitôt écroué, il est transféré en prison. Aujourd’hui, cinq ans après l’affaire, l’ex-détenu admet qu’il était faussaire. Mais les passeports, dit-il, n’étaient pas destinés à des terroristes.
“À l’époque déjà, j’étais dépendant à la drogue et à l’alcool. Comment pouvais-je être un islamiste ?”, plaide-t-il. Outre l’épisode des faux passeports, le nom de Nassim est cité dans l’enquête de Scotland Yard sur la tentative avortée du GIA algérien de diffuser un poison mortel, la Ricine, dans le métro londonien. Mais aucune preuve n’est retenue contre lui. En tout et pour tout, il passe douze mois à Belmarch, dans le quartier réservé aux grands criminels. Parmi ses codétenus, figure Abu Kutada. Désigné par la presse anglo-saxonne comme le bras droit de Ben Laden et l’ambassadeur d’Al-Qaïda en Europe, le prédicateur d’origine palestinienne est connu en Algérie pour avoir édicté des fetwas autorisant les massacres des populations civiles par le GIA pendant les années 1990. De pair avec Abou Hamza, éditeur de la revue El Ansar, organe officiel du groupe armé algérien, il entretenait au Royaume-Uni les réseaux de soutien des terroristes en Algérie. Il y a quelques mois, Abu Kutada a retrouvé la liberté après l’échec de la procédure de son extradition vers la Jordanie. Son élargissement et sa dotation d’une allocation de subsistance ont provoqué un scandale au sein de la classe politique britannique. Presqu’au même moment, le refus opposé par un juge à la livraison d’un terroriste algérien aux autorités de son pays et sa remise en liberté étaient accueillis par un grand scepticisme. Dans l’intention de brouiller son identité, les services de sécurité l’ont affublé de l’initiale Q. Mais cette dissimulation n’a pas empêché Nassim de le reconnaître.
“C’est Abou Dhoha”, confirme-t-il avec certitude. Selon lui, l’énigmatique Abou Dhoha (soupçonné d’avoir participé à la préparation des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis) était incarcéré dans une zone de haute sécurité (High Security Zone-HSZ) de la prison, affectée aux terroristes les plus dangereux, avec une dizaine de ses compatriotes et un certain nombre de détenus d’autres nationalités, dont des britanniques. Un visiteur de cette zone la décrit comme une prison dans la prison. “Elle est éloignée de plusieurs miles de l’entrée du pénitencier. Pour s’y rendre, une voiture est indispensable. Les bâtiments sont encerclés par des barbelés et mis sous la surveillance accrue de gardes et de chiens. Les visites au parloir sont strictement encadrées.” Ayant échappé au cadre très hostile de la HSZ, Nassim se plaint néanmoins de ses conditions de détention. Sa litanie est sans fin. Il dit avoir attrapé un mal de dos persistant au cours de son séjour à Belmarch. “Il faut attendre longtemps avant de pouvoir voir un médecin”, relate Nassim qui révèle, par ailleurs, avoir patienté cinq mois pour qu’un avocat bénévole lui soit désigné. Cinq mois plus tard, il quitte Belmarch. Le juge de l’application des peines lui signifie tout bonnement qu’aucune charge n’est retenue contre lui. Nassim sort de prison sous une nouvelle apparence. Il porte barbe et kamis. Sa métamorphose est l’œuvre de ses codétenus, qui se sont engagés à faire de lui un bon musulman. “Quand ils sont libérés, la plupart des jeunes algériens se muent en pratiquants invétérés. Si certains renouent très vite avec leurs innombrables vices, comme le vol et la drogue, d’autres se radicalisent encore plus”, observe une source. Tout récemment, les responsables de l’administration pénitentiaire britannique ont dévoilé l’existence d’une vaste campagne d’endoctrinement islamiste dans les prisons. Des magistrats et des académiciens ont établi un constat similaire et préconisé des solutions d’urgence. Selon les estimations des services de sécurité, Al-Qaïda envisage de recruter un tiers des huit mille détenus d’origine musulmane. Dans le cas de Nassim, la tentative semble avoir été infructueuse. Quelque temps après son élargissement, il troque son kamis contre une paire de jeans et rase sa barbe. “Les gens avaient peur de m’approcher car j’étais identifié comme terroriste.” À Belmarch, Nassim nie avoir subi un quelconque lavage de cerveau de la part de “vrais terroristes” qu’il dit avoir côtoyés. “Nous nous rencontrions dans la cour ou durant la prière du vendredi”, relate-t-il. Selon lui, une centaine de détenus prenaient part au rituel. Mais le contenu des prêches était filtré. De même les promenades (d’une durée de deux heures par jour) se déroulaient sous le contrôle rigoureux des gardes. Sans doute, l’hostilité du milieu carcéral l’avait jeté dans les bras des extrémistes. “Les gardiens étaient racistes. Par exemple, ils ne toléraient pas qu’on porte un calot, alors que les détenus d’origine sikh étaient autorisés à garder leur turban. Ils nous accusaient tous d’avoir fait exploser les tours jumelles”, raconte-t-il. Sur un autre chapitre, son incarcération, en l’absence de procès légal, était, à ses yeux, source d’injustice. Il y a deux ans, neuf détenus algériens de Belmarch, qui se plaignaient de la prorogation de leur délai de détention préventive, avaient publié une lettre ouverte dans le quotidien The Guardian demandant à être transférés en Algérie. De son côté, le pilote d’origine algérienne Lotfi Raissi, a exigé une réparation conséquente il y a un an, après avoir été accusé à tort de son implication dans les attaques kamikazes à New York et à Washington. En vertu de la loi anti-terroriste (the Terrorist Act), le gouvernement britannique a donné les pleins pouvoirs à la police et aux magistrats pour la prise en charge des affaires de terrorisme. Cette gestion est entourée de grande confidentialité. À titre d’illustration, les chiffres concernant la population carcérale impliquée dans ce genre de crimes ne sont pas communiqués au grand public. Aussi, il est très difficile d’avoir une idée précise sur le nombre de détenus d’origine algérienne. Se fiant à ses propres statistiques, Nassim se souvient avoir séjourné avec une quarantaine de compatriotes à Belmarch. Depuis, il écume d’autres prisons, Pentonville, Brixton, Bradford, Hollesley, Shepherd Bush… Ses quatorze incarcérations ont été assorties de trois internements en hôpital psychiatrique. Accroc à l’héroïne, il multiplie les cures de désintoxication sans parvenir à s’en sortir. Sa dernière réclusion fait suite à un vol qu’il a commis dans une grande surface. Depuis quinze ans, date de son arrivée à Londres (à l’âge de 17 ans), Nassim a rarement eu l’occasion de gagner sa vie honnêtement. Les stupéfiants le déroutent de ses ambitions. C’est la drogue d’ailleurs qui l’a poussé un jour sur le chemin de la mosquée de Finsbury Park où Abou Hamza lui a donné le gîte et le couvert et lui faisait voir des cassettes sur le djihad en Afghanistan, dans l’espoir de le convertir en kamikaze. Il y a un mois, les autorités britanniques ont mis fin à son statut de sans-papiers en lui octroyant une autorisation de séjour de cinq ans, renouvelable. Avec ce document, Nassim espère obtenir une aide au logement et des allocations qui lui permettront de ne plus voler, si toutefois les démons de son corps en manque le laissent en paix…

S. L.-K.

 


Centres de rétention pour immigrés clandestins

Ces geôles qui ne disent pas leur nom

Par :Samia Lokmane-Khelil

En dépit de la réglementation, les séjours se prolongent au-delà des délais légaux. Des compatriotes ont passé jusqu’à trois ans dans ces centres.

Parmi les Algériens mis en détention figure une frange importante d’individus qui n’ont commis aucun délit, sinon de séjourner illégalement au Royaume-Uni. Aussitôt après leur arrestation, ils sont conduits dans l’un des 15 centres de rétention repartis à travers le pays. En décembre 2007, 90 ressortissants d’origine algérienne étaient recensées dans ces établissements. En termes d’effectifs, ils figuraient en seconde place après les Nigérians (230). Par crainte d’une expulsion, la majorité des résidents recourt au même procédé. Ils s’empressent de formuler une demande d’asile.
Les trois tiers des Algériens comptabilisés l’année écoulée ont opté pour cette voie. Or, depuis les attentats de Londres en 2005, la formule ne fait plus recette. Rendant compte du nombre des refoulements réalisés durant cette période, la police des frontières (Border Agency) révèle que 540 Algériens ont été renvoyés dans leur pays. Certes, les déportations sont le synonyme d’un rêve manqué pour certains. Mais chez d’autres, elles signent la fin d’un long cauchemar. “Je connais un gars d’Hussein Dey qui est détenu dans un centre en Écosse depuis plus de trois ans”, révèle Saïd, un compatriote. Selon Mohamed Nacer d’Arab Advice Bureau, les délais légaux de rétention des immigres illégaux vont de trois mois à deux ans. “Mais, il arrive que cette période soit prorogée”, note-t-il. Généralement, les victimes algériennes des détentions abusives ne connaissent pas leurs droits, n’ont pas d’argent pour prendre un bon avocat. Pis, ne parlant pas anglais, elles sont tributaires de la présence d’un interprète pour plaider leur cause. Kamel n’est pas aussi démuni. Pour autant, il estime avoir vécu le martyre et continue à souffrir avec sa petite famille. Les actions des services de l’immigration à son encontre se sont muées en véritable harcèlement. Ni régularisé ni expulsé, il vit dans la crainte d’être renvoyé dans un des centres de rétention où il a déjà effectué un séjour. Cette fois, sa femme aussi, est menacée d’internement. Pour ne pas prendre de risques, Kamel a fait valoir auprès des services de l’immigration, un certificat médical attestant que son épouse est en proie a une dépression et ne pourrait donc pas supporter d’être incarcérée. “Elle a subi un profond traumatisme et vit dans la psychose”, confie le mari très affecté. Le cauchemar a commencé quand il a été arrêté en septembre 2006.
Ayant introduit une demande d’asile qui a échoué, Kamel devait se rendre chaque semaine au commissariat de police de son quartier pour confirmer sa présence sur le territoire, en attendant de connaître l’issue des recours qu’il a introduit. Un jour, sans notification préalable, il est embarqué dans un fourgon cellulaire et conduit au centre de rétention de Heathrow. “J’ai beau expliqué aux policiers que je ne peux pas laisser ma femme enceinte et mon fils seuls, ils ne voulaient rien comprendre. Même le député de ma circonscription leur a écrit. Mais en vain”, narre-t-il. Pendant plusieurs mois, Kamel es transféré d’un établissement à l’autre, à Londres, Oxford, Portsmouth… Dans ses pérégrinations contraintes, sa femme le suit. Elle lui rend visite en s’endettant pour pouvoir prendre un taxi. La malheureuse emprunte aussi de l’argent pour payer le loyer et les honoraires des avocats et acheter à manger. “Quand je suis retourné a la maison, mon femme et mon fils étaient tellement amaigris et pâles qu’ils ressemblaient à des cadavres”, dit-il en confiant par ailleurs que son épouse a fait une fausse couche alors qu’il était encore en détention. À ce jour, Kamel ne sait pas pourquoi il a été élargi alors qu’une nouvelle menace de refoulement pèse sur lui et sur sa famille. “Ils – les services de l’immigration ndlr – ne savent pas ce qu’ils font”, lui a répondu un fonctionnaire à sa libération. “Elle m’a demandé des excuses et a promis qu’ils ne me toucheront plus”, rapporte Kamel. Or, depuis le 13 octobre dernier, il est de nouveau obligé de pointer au commissariat. Mais cette fois, il compte bien faire valoir ses droits. Sur les conseils d’un avocat, il compte attaquer en justice les services de l’immigration et leur demander réparation, suite au préjudice moral que son épouse a subi. En attendant, a chaque fois qu’il se rend au poste de police, il prie d’en ressortir en homme libre. Karima espère aussi quitter son lieu de détention au plus vite.

S. L.-K.