Mutinerie à la prison de Béjaïa

Mutinerie à la prison de Béjaïa

Les détenus réclament une grâce présidentielle

Par Kamel Ouhnia ; Liberté, 26 avril 2004

Hier, vers 11 h 50, un groupe de détenus du centre de rééducation de Béjaïa, a mis à profit la “promenade” pour échapper au contrôle des gardiens.
Le centre de rééducation de Béjaïa, situé au quartier populaire d’El-Khemis, en plein centre-ville, a été, hier, le théâtre d’une tentative d’évasion menée par quelques dizaines de prisonniers qui se sont révoltés, en fin de la matinée, en réclamant une grâce présidentielle au même titre que les autres détenus qui venaient d’en bénéficier à l’occasion de la réélection du président Abdelaziz Bouteflika.
Selon quelques témoignages recueillis auprès des agents de ce centre pénitentiaire, tout a commencé vers 11h 50, quand un groupe de détenus, à majorité juvénile et relevant du droit commun, a saisi l’occasion de la récréation de midi pour organiser subtilement une fugue à l’intérieur même de l’établissement.
Profitant de la baisse de vigilance des gardiens en faction, les prisonniers réfractaires, qui ont certainement déjà conspiré pour se mutiner, se sont précipités en rangs dispersés vers l’arrière-cour pour escalader immédiatement les escaliers métalliques menant vers les différentes terrasses du centre.
Cette dispersion inattendue a provoqué une panique générale. Une alerte a été aussitôt donnée par les gardiens en poste. Dans la cour, c’est le branle-bas de combat. Le reste des détenus qui tentaient de rallier leurs compagnons en fuite ont été confrontés à la résistance des gardiens et autres agents de sécurité de l’établissement. Des bousculades, des gémissements, des va-et-vient, des hurlements…, tel est le décor qui s’en est suivi. La situation étant difficile à maîtriser, les responsables de la prison ont aussitôt alerté les services de sécurité.
Quelques minutes après, un dispositif sécuritaire, composé de plusieurs dizaines de policiers et de nombreux éléments de la Protection civile, arrive sur les lieux. La maison d’arrêt d’El-Khemis a été encerclée par les forces de l’ordre qui ont procédé à la fermeture provisoire de la rue de la Liberté qui longe ce centre pénitentiaire.
Les habitants du quartier d’El-Khemis auxquels s’ajoutent d’autres badauds n’ont cessé d’affluer aux alentours de la prison pour contempler ces scènes spectaculaires qui relèvent ici, à Béjaïa, du jamais vu. Perchés sur les toits et les terrasses de l’établissement, les prisonniers scandaient “Pouvoir assassin”, “Vive la liberté”, “Accordez-nous une grâce”.
En début d’après-midi, le procureur général et le président de la cour de Béjaïa se sont rendus dans la prison où ils ont dû rencontrer quelques prisonniers.
Les pourparlers auront duré jusqu’à 17 heures, moment où tous les détenus ont fini par rejoindre leurs cellules respectives.
Selon certaines indiscrétions, le représentant du ministère public aurait promis aux détenus révoltés d’étudier leur dossier cas par cas, en vue d’élucider rapidement toutes les affaires restées jusque-là en instance.
Il est à noter que le procureur général qui devait animer, le soir, une conférence de presse, a préféré garder le black-out en maintenant la rétention sur l’information, et ce, bien que ses services aient récemment annoncé la mise en place d’une cellule de communication au niveau de la cour de Béjaïa.

K. O.

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Une soixantaine de prisonniers menaçaient de se suicider

Mutinerie à la prison de Béjaïa

Le Quotidien d’Oran, 26 avril 2004

Une soixantaine de prisonniers, condamnés dans leur grande majorité pour des affaires de droit commun, sont entrés en mutinerie hier à 11 heures à la prison de Bejaïa, sise en plein centre ville.

Les «mutins» qui ont, semble t-il, déjoué la vigilance des gardiens du centre pénitencier qui date de l’ère coloniale, sont montés sur le toit et ont menacé de se jeter si leurs revendications ne sont pas satisfaites.

En effet, les prisonniers en question ont exigé des autorités compétentes que soit appliquée en leur faveur l’amnistie décrétée par le président de la République juste après sa réélection et qui concerne pour rappel, des milliers de prisonniers à travers tout le territoire national.

Hier, une fois l’alerte donnée, un impressionnant service d’ordre a été déployé tout autour de la prison. Le périmètre a été bouclé et la circulation automobile a été interrompue durant toute la journée au niveau de la rue de la Liberté où est implanté le centre de détention situé non loin du groupement de gendarmerie de Bejaïa. Des «pourparlers» conduits par le procureur général, le directeur de la prison, le président de la Cour de Bejaïa, un juge d’instruction ainsi que le commissaire de la police judiciaire ont été engagés dès les premières minutes qui ont suivi la mutinerie mais les «mutins» campaient toujours hier à 18 heures sur leurs positions, ce qui a rendu la tâche ardue aux représentants du ministère de la Justice, d’autant plus que les «prisonniers» qui se trouvaient à une trentaine de mètres du sol menaçaient de se suicider à tout moment.

Des centaines, voire des milliers de badauds occupaient hier le moindre espace autorisé par la police en scrutant le moindre fait et geste des mutins qui, tantôt gesticulaient tantôt criaient.

Durant toute la journée des rumeurs circulaient sur un assaut imminent des services de sécurité pour ramener les prisonniers dans leurs cellules.

Finalement vers 19 heures, après près de 8 heures de négociations, les mutins se sont rendus et ont regagné leurs pavillons mais aucune information n’a filtré sur les discussions engagées depuis la matinée par les autorités judiciaires.

Une chose est cependant certaine, aucun blessé n’a été enregistré lors de cette première mutinerie qu’a connue cette prison dans toute son histoire.

A noter qu’une conférence de presse, devait être animée hier soir par le procureur général pour apporter des éclaircissements en ce qui concerne cette «révolte de prisonniers» qui a tenu en haleine toute la ville de Bejaïa.

Z. Mehdaoui