Lettre ouverte à Mme Christiane Taubira

Lettre ouverte à Mme Christiane Taubira – Ministre de la Justice et des Libertés – Garde des Sceaux

Omar Mazri, 17 mai 2012

Permettez-moi, Madame la Ministre, de vous exprimer mes chaleureuses félicitations pour cette honorable fonction que vous méritez par vos compétences et qui vous place au cœur du dispositif de l’action de Monsieur le Président François Hollande : rendre justice d’une manière sereine, équitable, juste et accessible aux citoyens pour mettre fin à l’impunité, au déni de droit et à l’injustice.

Je note avec satisfaction que votre premier engagement pris devant le peuple français et le monde qui vous observent est l’indépendance de la Justice dans laquelle les citoyens doivent retrouver confiance et s’appuyer pour éprouver de la considération de la part des autorités qui ont tradition de les mépriser. Madame, votre nom est lié à vos positions courageuses qui ont fait loi contre la traite négrière et l’esclavage. Votre parcours intellectuel et politique est lié à la lutte contre les discriminations, l’oppression et l’injustice dont vous-mêmes avez eu à en pâtir. Vous êtes une providence pour les faibles, les opprimés et les sans voix si ces derniers retrouvent leurs droits, leur liberté et leur dignité. Vous êtes la providence car la Justice est le socle qui fait grandir un Etat ou le fait s’effondrer suivant que ce socle soit solide et authentique ou fragile et factice. L’Etat providentiel n’est pas celui de l’argent, de la force mais de la justice, de l’équité et de la restauration des droits.

Moi-même – auteur écrivain et engagé dans le combat d’idées aux côtés des opprimés – j’ai lu votre admirable livre « Égalité pour les exclus : le politique face à l’histoire et à la mémoire coloniale » et je partage non seulement votre réquisitoire anti colonialiste, mais la voie de sortie que vous proposez courageusement à la République : la restructuration de l’identité française par l’apaisement et la réappropriation de la mémoire collective de tous ses morts pour la libération et l’édification prospère de la France. Dans ces morts, nous les Arabes et les Noirs d’Afrique, avons payé le plus lourd prix du sang, des larmes et de la sueur sans réclamer une stèle ou une compensation.

Je ne me fais pas ici porte-parole du contentieux historique ni ne vous demande d’ouvrir les dossiers de l’histoire, mais d’agir pour la libération et la réintégration d’Algériens qui ont apporté du savoir à la France et milité pour la liberté et la dignité du peuple algérien d’une manière pacifique. Au moment où le Président, le Premier Ministre et vous-même êtes annonciateurs et porteurs d’une volonté de rompre avec l’esprit prédateur, injuste et inquisiteur de la Françafrique pour promouvoir en lieu et place les rapports égalitaires et la promotion du dialogue des cultures et de la rencontre des peuples, je m’adresse à vous dans la transparence et avec confiance.

Je vous sollicite, en mon nom personnel, au nom des principes humanistes que nous partageons et au nom de la beauté d’âme que vous avez et qui répond parfaitement à cette vision d’Aimé Césaire sur « La justice écoute aux portes de la beauté » pour inviter les magistrats de se prononcer, hors des laideurs du passé, sur :

La libération de Mourad Dhina qui subit un traitement infamant eu égard à sa ligne politique pacifique et à sa carrière scientifique de haut niveau.
Le réexamen du cas des Franco-Algériens déportés et assignés à Folembray puis au Burkina Faso comme fut le cas de certains de nos ancêtres déportés en Nouvelle Calédonie dans l’effort civilisateur de pacification et de confiscation des terres des Algériens.

La nouvelle France ne peut tolérer qu’on porte atteinte à la liberté des femmes et des hommes pour leurs convictions religieuses ou politiques d’autant plus qu’il n’y a aucune charge et aucune preuve qu’ils se soient livrés à des malversations ou à des atteintes à la sureté de l’État français.

Je ne suis pas juriste, mais homme de conviction, libre sans esprit partisan qui sait que « La justice doit être cultivée pour elle-même». Vous n’êtes pas Cicéron qui a sauvé la République romaine par sa culture et son esprit de justice entrant dans l’histoire très controversée ; vous êtes une femme à principes et de culture, déjà controversée par vos idées en avance sur leur temps. Vous aurez certainement la trempe de sauver la République, de lui donner son sens et d’avoir le courage et l’audace de rendre à ces hommes la liberté qu’ils revendiquent pour qu’ils retournent apaisés vers leurs épouses, leurs enfants et leur travail. Vous entrerez dans nos cœurs plus grands que l’histoire et les Univers.

Omar Mazri qui vous souhaite la réussite et l’excellence dans votre noble entreprise.