L’extradition d’un opposant algérien entre les mains de la justice
Par MATHILDE TOURNIER, Libération, 24 février 2012
http://www.liberation.fr/societe/01012391938-l-extradition-d-un-opposant-algerien-entre-les-mains-de-la-justice
Le 16 janvier, à Orly, Mourad Dhina attend son vol pour Genève, où il habite depuis vingt ans, pensant être chez lui le soir même. Depuis 2003, l’homme est sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Mais la France, où il se rend parfois, n’est pas très regardante. C’est donc tout naturellement qu’il est venu à Paris, pour une réunion de Rachad, le mouvement d’opposition au pouvoir algérien qu’il a fondé en 2007. Péché de confiance : interpellé, Mourad Dhina est placé en détention sous écrou extraditionnel.
Qui est Mourad Dhina ?
Début janvier 1992, un coup d’Etat militaire destitue le président algérien Chadli Bendjedid et annule les élections législatives remportées par le Front islamique du salut (FIS), dissous peu après. Proche de cette formation, Mourad Dhina intègre l’organisation reconstituée clandestinement, dont certains secteurs s’engagent dans la lutte armée contre l’Etat autoritaire. Ce docteur en physique nucléaire a alors 30 ans. Il vit en Europe, et travaille comme physicien au Centre européen pour la recherche nucléaire (Cern). Il quitte en 2004 le FIS moribond et, avec des officiers dissidents, fonde Rachad – un mouvement «assagi», qui appelle à une transition démocratique et à des élections libres.
Pourquoi l’Algérie demande-t-elle son extradition ?
La justice algérienne a dans son viseur le passé d’activiste de Dhina et ses accusations sur la responsabilité de la police politique dans les exactions de la guerre civile de la décennie 90. En 1997, il est condamné à vingt ans de réclusion par contumace, pour des liens présumés avec les groupes armés depuis la Suisse. A plusieurs reprises, l’Algérie demande à l’Etat helvète son extradition. Sans succès. «La Suisse a mené son enquête et elle n’a rien trouvé», souligne son avocat français, Me Antoine Comte. Pour lui, les allégations de la justice algérienne sont sans fondement : l’Algérie a «tout inventé pour faire taire un opposant». C’est la conviction de plusieurs associations pour les droits de l’homme. Dans une pétition adressée le 16 février au Premier ministre français, elles dénoncent «une mise en détention à la demande du gouvernement algérien pour des motifs manifestement politiques»
Quel sort attend Dhina ?
Mi-février, la justice française a refusé sa demande de libération provisoire. Prochaine étape : le 21 mars, pour une audience sur son éventuelle extradition. Le dernier mot appartiendra à François Fillon. Le comité de soutien de Mourad Dhina a lancé hier un appel au Conseil des droits de l’homme de l’ONU.