135 blessés dans un violent assaut de «clandestins» à Melilla
Maroc
135 blessés dans un violent assaut de «clandestins» à Melilla
Le Quotidien d’Oran, 4 octobre 2005
Quelque 650 clandestins d’Afrique subsaharienne, munis d’échelles artisanales, parfois armés de pierres, ont pris d’assaut, hier à l’aube, la double barrière métallique marquant la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla.
Cette nouvelle infiltration massive d’immigrés clandestins, d’une violence «inédite», s’est produite dans l’enclave espagnole de Melilla, par un secteur de la frontière réputé infranchissable. Cet assaut, similaire à celui qui a causé cinq morts le 29 septembre à Ceuta, autre enclave espagnole du nord marocain, a fait 135 blessés dont cinq dans un état grave.
Environ 350 d’entre eux ont réussi à la franchir à un endroit où elle avait été surélevée de trois à six mètres. Les immigrants clandestins sont parvenus à abattre une portion de la clôture métallique séparant le Maroc de l’enclave espagnole de Melilla.
A priori très déterminés à rejoindre l’autre côté de la frontière, les immigrés ont fabriqué des échelles artisanales hautes du double de celles qu’ils utilisaient auparavant. Selon un communiqué de la préfecture de Melilla, les immigrants ont démontré une agressivité et une virulence inédites. «Ils ont lancé de nombreuses pierres contre les forces de sécurité affectées à la surveillance de cette frontière, selon ce communiqué. Sept agents espagnols ont été blessés, dont un grièvement, un garde civil hospitalisé pour un traumatisme crânien après avoir reçu une pierre. Sur les 135 blessés, en majorité des immigrants, 130 l’ont été légèrement, cinq ont été hospitalisés pour des fractures ou des plaies ouvertes.
«Le centre de soins est débordé. J’y ai vu des dizaines de blessés ainsi qu’au commissariat de police», a déclaré un membre de l’ONG «Association pour les droits de l’enfance», joint depuis Rabat par l’AFP. «De ce que j’ai vu, ils ont été blessés par des coups de matraque et de crosse de fusil», a-t-il ajouté. Les autorités espagnoles n’ont pas précisé les moyens employés pour repousser l’assaut. Les autorités marocaines ont confirmé hier l’infiltration de nombreux subsahariens dans Melilla et ont indiqué avoir arrêté 131 personnes lors de l’assaut contre la clôture, au niveau dit Barrio Chino. Selon les autorités de Nador, ville marocaine jouxtant Melilla, 12 clandestins, tous ressortissants de pays subsahariens, ont été légèrement blessés. Pour faire face aux assauts répétés des immigrés, 1.300 agents marocains, relevant de la Gendarmerie royale et des Forces auxiliaires, ont été mobilisés, a ajouté cette source.
Hier, les autorités marocaines menaient une vaste campagne de ratissage près de Melilla contre les immigrés subsahariens dont «l’agressivité inquiète de plus en plus les habitants de la région de Nador», a indiqué l’AFP. Les autorités de Nador ont arrêté dans la journée d’hier 131 immigrés et ratissaient les collines boisées surplombant Melilla, que les milliers de subsahariens infiltrés au Maroc rêvent d’atteindre pour gagner l’Europe. «Ils étaient calmes, mais depuis le début de l’été, ils se sont organisés en bandes de 10 à 15 personnes prêtes à tout. C’est dans les campagnes avoisinantes que leur présence inquiète le plus», assure à l’AFP Mhamed Boutaybi, un fermier marocain de Nador.
«Si par le passé ils ne demandaient que de l’eau et de la nourriture aux paysans, ils se font maintenant de plus en plus menaçants», selon M. Boutaybi, qui affirme que de temps en temps des groupes de clandestins agressent des habitants.
«Ce ne sont pas les immigrés qui ont commencé le cycle de violence», répond Chakib Khiari, militant de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Nador. «En plus, ils sont de plus en plus victimes d’actes xénophobes», affirme-t-il. Le mois dernier, un hebdomadaire marocain de Tanger (nord) a été retiré des kiosques après la publication d’un article qualifiant de «criquets noirs» les Africains qui tentent d’émigrer clandestinement vers l’Europe à partir du Maroc. Quatre jours après le drame de Ceuta, cette nouvelle «avalanche» démontre que les renforts de 1.600 hommes côté marocain et de 480 militaires espagnols déployés aux frontières de Melilla et Ceuta n’ont pas entamé la détermination des candidats africains à l’eldorado européen. Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, s’était voulu optimiste jeudi, estimant que ces infiltrations «conjoncturelles» cesseraient à la fin de l’élévation des clôtures métalliques, dans les prochains mois. Le ministère de l’Intérieur s’était félicité dimanche d’une meilleure efficacité des mesures de contrôle des frontières, où 7.716 immigrants clandestins ont été interpellés de janvier à juin 2005, soit 66,3% de plus que sur la même période de 2004. L’assaut de lundi à Melilla est pourtant le troisième dans cette enclave depuis le 27 septembre: 300 clandestins sur un millier avaient franchi la frontière en deux vagues.
Plus de 12.000 tentatives de passage ont été recensées depuis le début de l’année dans le secteur frontalier de Melilla, où trois immigrants sont décédés en août dans des circonstances controversées. Des enquêtes marocaine et espagnole se poursuivent pour déterminer l’origine des tirs qui ont tué quatre des cinq personnes de jeudi à Ceuta. Aux drames terrestres s’ajoutent ceux de la mer: trois clandestins sont morts ce week-end et 14 portés disparus après le chavirement de leur barque de fortune près de l’archipel espagnol des Canaries.
Djamel B