Le Maroc accélère le refoulement des émigrants clandestins

Le Maroc accélère le refoulement des émigrants clandestins

«Aidez-nous… nous sommes en train de mourir»

Le Quotidien d’Oran, 12 octobre 2005

« Aidez-nous… nous sommes en train de mourir». La communication n’est pas bonne, mais George, Nigérian, parvient à expliquer qu’il est «dans le désert» du Sahara-Occidental où, dit-il, les forces de l’ordre marocaines l’ont abandonné avec des dizaines d’autres. Samedi soir, par la fenêtre d’un bus affrété par les autorités marocaines, George avait tendu à un photographe de l’AFP un petit bout de papier avec son nom et un numéro de téléphone. Le bus, rempli d’Africains arrêtés par les forces de l’ordre, faisait alors une halte à Bouarfa, dans le sud-est marocain. Quatre autres autocars, tout aussi remplis le suivaient. Au bout d’une vingtaine de minutes, les véhicules ont emprunté la route d’Errachidia, plus à l’ouest, escortés par des voitures de police. Dimanche soir, une journaliste de l’AFP entrait en contact avec George. «Nous sommes en direction du Sahara». «On nous a donné un peu d’eau et du pain, nous sommes 80 dans le bus», a-t-il expliqué. Lundi après-midi, George expliquait que son groupe avait été transféré dans des camions. Il semblait alors particulièrement inquiet, parlait très vite. «Nous sommes dans des camions… Je parle doucement, je ne peux pas mettre mon téléphone à l’oreille parce qu’ils me regardent… Mais je sais que vous m’entendez… On a passé Smara, on va au Sahara… S’il vous plaît, aidez-nous ! Nous mourrons ici…»

Selon plusieurs témoignages recueillis auprès d’Africains arrêtés par les forces de l’ordre marocaines, les téléphones portables sont réquisitionnés par la police. George a réussi à dissimuler le sien. En début de soirée, George pouvait parler librement. «Ils nous ont descendus des jeeps, nous sommes dans le désert», a-t-il dit, ajoutant qu’avec lui se trouvaient des Nigérians, des Maliens et des Congolais. La communication était très mauvaise. Mardi matin, nouveau contact avec George et un autre membre du groupe, Elvis Touré, Malien de Bamako, qui a confirmé les informations de son compagnon d’infortune. «Après Smara, quand ils nous ont mis dans des camions, nous avons roulé deux heures, vers le sud je crois. Hier, vers 19 h 00, ils nous ont descendus des camions», raconte-t-il. «Nous ne savons pas où nous sommes. Nous ne savons pas si nous avons passé la frontière. Nous sommes dans le désert. Quand ils nous ont laissés, on a marché pendant une heure», poursuit Elvis. Le Malien indique qu’avant de descendre des camions, les Marocains ont donné à chacun un litre d’eau et un peu de pain. «Durant la nuit, on a allumé un petit feu», dit-il, affirmant qu’il y a des «malades et des blessés» parmi eux. «Maintenant, nous ne bougeons plus… Nous avons espoir qu’on vienne nous chercher», dit-il.

Hier, le Maroc a accéléré le refoulement de plus de 1.500 émigrants subsahariens avec de nouveaux vols programmés en direction de Dakar et Bamako et des convois d’autocars en direction des frontières algérienne et mauritanienne. Des dizaines d’illégaux subsahariens, cachés depuis de nombreuses semaines dans les forêts du nord marocain, affluaient mardi vers la ville septentrionale d’Oujda pour rentrer en avion chez eux, renonçant à leur rêve impossible de gagner l’Europe en quête d’une vie meilleure. Par ailleurs, le Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR) a envoyé hier une mission d’experts au Maroc pour examiner le sort de centaines d’Africains qui tentent de gagner l’Espagne et a appelé à ne pas renvoyer de force ces immigrants avant d’avoir suivi les procédures d’asile. Aujourd’hui, les ministres de l’Intérieur de l’UE entendront à Luxembourg le rapport de la mission de la Commission européenne, sans toutefois engager de débat sur leur politique sécuritaire de l’immigration, critiquée par les ONG.

Synthèse: Hamid Guemache