Rapatriement de Subsahariens dont des demandeurs d’asile

Rapatriement de Subsahariens dont des demandeurs d’asile

Nouri Zyad, Libération (Casablanca), 23 Novembre 2005

« N’appelle plus sur ce portable, son propriétaire va être rapatrié cette nuit ».

La voix de Kissanga, le jeune Congolais, était pris de panique. Il pensait sûrement à son sort à lui. Certains de ses compagnons sont appelés à plier bagages. Rapatriement bientôt. Le sort final d’un échantillon de jeunes ayant quitté leurs pays d’origine pour se taper des milliers de kilomètres et atteindre l’Eldorado européen. En vain, l’aventure s’est arrêtée aux portes des présides marocains occupés. Ainsi, les autorités marocaines ont entrepris de nouveaux rapatriements des ressortissants subsahariens regroupés dans la caserne de Bouyzakerne, à 10 km de Guelmim.
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Les éléments de la gendarmerie qui sont intervenues au camp lundi soir vers 21h ont pris pour cible les originaires de Sierra Leone, Côte d’Ivoire et du Soudan. Une panique a gagné subitement les jeunes, sujets de cette mesure. Certains d’entre eux rêvaient encore d’une autorisation de rester au Maroc ou de décrocher des papiers de réfugié. L’attente d’une réponse du Haut commissariat pour réfugiés avait longtemps duré. Depuis la visite du 2 novembre et les promesses lancées en l’air, rien de nouveau. Contacté par Libération, l’un d’eux, un Ivoirien demandeur d’asile, s’est dit «triste de retourner dans un pays où la guerre et les conflits sévissent et n’épargnent aucunement les civils». Qui pourrait bénéficier des procédures de réfugié sinon des Ivoiriens? s’est-il interrogé sur un ton amer.

Lundi matin déjà, les ressortissants de trois pays, à savoir le Soudan, le Nigeria et l’Inde ont refusé de se présenter au rassemblement matinal ordinaire, une attitude pour eux de protester contre les conditions de vie qui prévalent dans ce camp. Selon une source du camp, les deux cents personnes entassées sous des tentes souffrent du manque d’hygiène, de froid, de saleté, de poussière, mais aussi du manque de nourriture digne des êtres humains.

Par ailleurs, les ONG marocaines et étrangères continuent d’appeler à plus d’attitude humanitaire à l’égard de ces laissés-pour-compte d’une mondialisation ravageuse. A cet effet, une rencontre organisée à Tétouan récemment avait été couronnée d’un communiqué appelé «Déclaration de Tétouan » où les participants marocains et étrangers avaient dénoncé les mauvaises conditions de vie dont souffrent ces personnes, et qui empirent chaque jour dans le camp militaire. Cette Déclaration a également mis l’accent sur l’impérieuse nécessitde défendre les intérêts des migrants en situation dite irrégulière et de protéger leurs droits et leur intégrité physique et mentale, conformément aux conventions internationales en la matière telles que signées par les uns et les autres, aussi bien lorsqu’il s’agit de Marocains ou d’autres Maghrébins, que d’Africains originaires de pays subsahariens.

Le camp militaire de Bouyzakern compte encore des ressortissants de l’Inde, du Bangladesh, du Congo et du Libéria. Zones de turbulences par excellence. Beaucoup d’entre eux disposent de leurs papiers et de leurs passeports. Le moral à zéro et le désespoir commencent à miner même les plus coriaces d’entre eux. Près de cinquante ressortissants subsahariens sont demandeurs d’asile. Leurs dossiers devraient normalement être soumis aux autorités compétentes.