A propos des expulsions de migrants subsahariens d’Algérie

OPINION

A propos des expulsions de migrants subsahariens d’Algérie

Ndzinga Amougou, Cameroon Tribune (Yaoundé), 22 Décembre 2005

De toute évidence, le phénomène n’émeut plus personne, sauf lorsqu’il y a mort d’homme comme ce fut le cas il y a deux mois au Maroc où quelques jeunes gens parmi le millier qui tentaient de gagner l’Europe par l’enclave espagnole de Ceuta et de Melila avaient tout simplement été abattus par la police marocaine. Le phénomène de l’immigration, avec ses corollaires que sont la violence et l’humiliation, tend à se banaliser dans notre  » village planétaire « .
Cette semaine encore, 556 immigrés clandestins en provenance d’Afrique noire, ont été refoulés d’Algérie vers leurs pays d’origine. L’opération qui a commencé le 19 décembre, s’est achevée le lendemain dans un concert d’accusations et de démentis qui cache mal le malaise persistant.

Ces dernières années, des milliers d’immigrants clandestins, fuyant la misère qui sévit dans leurs pays d’Afrique noir! e, tentent au péril de leurs vies, de gagner l’Europe où ils espèrent bien trouver le bonheur. Depuis quelques mois, ils n’arrivent même plus à atteindre l’Europe, les verrous de sécurité se situent désormais au niveau des pays du Maghreb, principalement le Maroc et l’Algérie, d’où ils sont refoulés sans ménagement. Sur ce, le débat est subtilement déplacé et orienté vers les mauvais traitements infligés à ces pauvres hères par leurs  » frères  » d’Afrique du Nord. Le problème est pourtant ailleurs.
Que les immigrés clandestins aient été maltraités et humiliés est indéniable, mais au risque de heurter quelques âmes sensibles, c’est un problème secondaire : un détail. Poursuivre, arrêter et emprisonner des gens désespérés qui se croyaient si prêts du but, est une opération risquée qui ne peut que s’accompagner de violence. Mais, mettre l’accent sur la violence et non sur ce qui l’a provoquée , c’est prendre l’ombre pour la proie.

En effet, la problématique migratoire est de plus en plus masquée par une épaisse fumée idéologique, voire politique. Elle charrie désormais une cohorte de préjugés et de passions dont l’intensité est souvent fatale à l’observation impartiale des faits. Au départ, préoccupation des seuls pays d’origine et de destination des clandestins, l’immigration depuis quelque temps, est devenue un problème majeur pour les pays de transit. Ce n’est pas par hasard qu’elle va figurer en bonne place au prochain conseil exécutif de l’Union Africaine qui se tient le mois prochain à Khartoum au Soudan.

Il est inutile de se leurrer : tant qu’il y aura des régions se développant plus rapidement que d’autre, celles qui sont restées au bord du chemin emprunteront toujours la voie qui est supposé le mener au bonheur, c’est à dire aux pays riches. On pourra par des mesures coercitives limiter le phénomène, mais on ne po! urra jamais l’éradiquer complètement. C’est un phénomène irréversible. A moins que le pays riche convoité tombe subitement dans une grave récession dont il ne pourra pas se relever de si tôt.
Prévenir vaut mieux que guérir. La cure la plus efficace pour contenir un tant soit peu l’immigration consisterait donc à prévenir le mal. Cette prévention pourrait se résumer à corriger les inégalités , à engager une véritable lutte contre la pauvreté et non une lutte contre les pauvres comme c’est le cas actuellement. C’est la seule réponse viable qu’on peut donner face aux frontières qui se ferment et aux barrières qu’on érige.