L’Algérie dit non aux camps de transit

émigration clandestine

L’Algérie dit non aux camps de transit

Le Quotidien d’Oran, 25 octobre 2004

Par la voix de son chef de la diplomatie, l’Algérie dit non à l’idée européenne d’ouvrir des camps de transit en Afrique du Nord pour accueillir des immigrants clandestins.

« L’Algérie ne pourra pas accepter d’avoir sur le territoire d’un pays du Maghreb un camp où seront parqués les immigrants clandestins, en attendant que leurs dossiers soient régularisés dans un pays européen», a déclaré le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, à l’APS en marge de la journée des Nations unies. Le chef de la diplomatie algérienne a précisé que «l’Algérie oeuvrera à rejeter cette proposition dans le cadre du Forum méditerranéen». Ainsi, l’Algérie compte-t-elle se prononcer sur ce dossier lors de la 11ème session de ce forum qui se tient depuis hier dans la capitale française.

D’ailleurs, c’est une bonne tribune pour exposer l’avis de l’Algérie sur les centres de transit et l’émigration clandestine, puisque les principales questions à l’ordre du jour de la rencontre de Paris sont le déplacement des personnes et la lutte contre le terrorisme.

Il reste curieux que pendant que les pays signataires de l’accord d’association avec l’Union européenne, notamment l’Algérie, insistent sur la régularisation de la circulation des personnes et par conséquent l’allégement des procédures d’octroi des visas pour l’espace Schengen, les Européens pensent, eux, à ouvrir des centres de transit en terre maghrébine, ou ce qu’ils appellent l’Afrique du Nord. Des médias européens citent aussi la Libye, l’Ukraine ou le Kenya comme terre «d’accueil» de ces centres, mais rien n’est encore tranché à cet effet. C’est en tout cas ce qui a alimenté le débat ouvert jeudi dernier aux Pays-Bas, où se tenait une conférence de deux jours des responsables de l’Union européenne autour des moyens de renforcer la coopération et les politiques communes sur le droit d’asile et l’immigration. L’idée fait actuellement l’objet de discussions profondes entre les ministres de la Justice et de l’Intérieur européens, après qu’elle eut été clairement exposée par le ministre allemand de l’Intérieur, qui a estimé que l’établissement «des centres de tri» en Afrique du Nord permettra aux pays membres de l’UE de faire le tri entre les demandes justifiées d’immigration et celles qui ne le sont pas.

Pour le moment, seul Rome partage l’avis allemand. Il faut signaler que l’Italie et l’Allemagne l’avaient suggéré l’été dernier, lorsqu’une ONG allemande s’est fait confisquer son bateau en Italie avec à son bord 37 demandeurs d’asile africains.

En clair, il est demandé aux pays maghrébins de faire pour les Européens la sale besogne du tri de l’espèce humaine qui leur convient le mieux et de se débarrasser après, à leur place, des rebuts que l’opération du tri aura rejetés, en se chargeant, bien sûr, de renvoyer chaque immigrant clandestin dans son pays d’origine.

Contredisant le principe même de la préservation et du respect des droits de l’homme, la proposition allemande trouve son originalité dans le fait qu’elle est proposée pour être exécutée dans les pays maghrébins. C’est peut-être là une démarche qui permettra aux pays européens de ne prendre aucun risque en matière d’immigration clandestine. Tout le processus sera observé, contrôlé et suivi par les Européens mais sur des territoires africains. «Nous pouvons soit attendre que les problèmes arrivent en Europe, ou nous pouvons nous y attaquer activement et chercher à les régler. Je suis pour la deuxième solution», a déclaré le ministre allemand à la presse après avoir noté que «nous devons penser prévenir avec plus de force l’immigration illégale». Le ministre irlandais de la Justice a souligné l’urgence à trouver une solution aux nombreux clandestins qui tentent de gagner l’Europe, «mais l’idée des camps doit être évoquée avec prudence». Le commissaire européen à la Justice et à l’Intérieur ainsi que le ministre de la Justice néerlandais reconnaissent que le sujet est «fort polémique». Les militants des droits de l’homme et le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), pour leur part, estiment que «l’idée est risquée et pourrait générer des violations du droit international». Le souci des militants des droits de l’homme, faut-il le dire, est que les premiers pays évoqués pour l’ouverture de ces camps (Libye, Ukraine, Kenya) sont loin d’être des modèles en matière de respect des droits de l’homme. S’abstenant de voir dans le projet Schily (du nom du ministre de l’Intérieur allemand) un projet dégradant vis-à-vis de la personne humaine, Amnesty International a souligné cependant, à l’évocation de ces pays, que «la principale inquiétude est la protection juridique de ces gens».

Ainsi, loin d’être une proposition moderne, l’ouverture de centres de tri des immigrants clandestins est-elle objet à controverse au sein des Européens eux-mêmes. Mais pour l’instant, seules la France et la Suède pensent que Otto Schily, le ministre de l’Intérieur allemand, va trop loin.

Ghania Oukazi

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L’Algérie opposée à la mise en place de centres de transit au Maghreb

par Zouaoui Mouloud , Le Jeune Indépendant, 25 octobre 2004

L ‘Algérie n’acceptera pas que son territoire serve à l’installation de centres de transit pour les immigrants clandestins, tel que demandé par des pays européens, notamment l’Allemagne. C’est ce qu’a affirmé le ministre des Affaires étrangères, M.Abdelaziz Belkhadem, à la veille de sa participation à la 11e session ministérielle du Forum méditerranéen qui se tient depuis hier à Paris.

L’Algérie est opposée, a-t-il indiqué, à la proposition allemande appelant à la mise en place dans les pays du Maghreb de centres de transit, financés par l’Union européenne et devant accueillir des immigrants en provenance des pays subsahariens et africains.

«L’Algérie ne pourra accepter d’avoir sur le territoire d’un pays du Maghreb un camp où seront parqués des milliers d’immigrants clandestins en attendant que leurs dossiers soient régularisés dans un pays européen», a souligné M. Belkhadem, qui a tenu ces propos en marge de la journée des Nations unies au palais de la Culture.

Le chef de la diplomatie a fait savoir qu’il compte faire connaître la position de l’Algérie au sujet de cette question lors du forum qui s’achèvera aujourd’hui. Le Forum méditerranéen axe ses priorités sur les relations entre les pays du Bassin méditerranéen notamment en matière de lutte contre le terrorisme, le crime organisé et l’immigration.

Créé en 1994, à l’initiative des autorités françaises et égyptiennes, il réunit l’Algérie, l’Egypte, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, Malte, le Maroc, le Portugal, la Tunisie et la Turquie. La question de l’immigration clandestine est l’un des casse-tête des pays européens de la rive sud de la Méditerranée notamment l’Espagne, la France et l’Italie qui font face a une marée de clandestins en provenance plus particulièrement du Maroc et de la Libye.

Pour gérer les flux migratoires, les ministres des Affaires étrangères des pays membres du forum avaient plaidé, lors de leurs précédentes rencontres, pour un renforcement de la coopération par l’adoption de mesures adéquates afin de prévenir et de lutter contre l’immigration illégale dans les pays d’origine ou de transit, mais sans se mettre d’accord sur la formule.

Z. M.

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CRÉATION DE CENTRES DE TRANSIT EN AFRIQUE DU NORD

L’Algérie dit non

L’Expression, 25 octobre 2004

Les pays du Maghreb n’arrivent toujours pas à parler d’une seule voix.

Refus sur refus. Après le rejet exprimé tant par la Libye que par la Tunisie de voir s’ériger en Afrique du Nord, des centres de transit pour « filtrer » l’immigration clandestine, une proposition émise par certains pays européens, notamment la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Allemagne, au cours d’une rencontre du G5 tenue récemment à Florence en Italie, l’Algérie a, à son tour, emboîté le pas à ses voisins maghrébins en rejetant de la manière la plus officielle qui soit, l’idée européenne.
Ainsi, tandis que certains bruits ont été colportés et grossis quant à un éventuel modus vivendi qu’auraient conclu, après tractations, les pays initiateurs avec notre pays, le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, a balayé d’un revers de main, une telle rumeur en déclarant, samedi 23 octobre, que « l’Algérie était contre la proposition faite par quelques pays européens de mettre en place au Maghreb des centres de transit des immigrants clandestins ».
Les soupçons, de fait, levés sur la position algérienne, d’autres voix indiquent, quant à elles, que des négociations avec le Maroc sont actuellement à un stade assez avancé et parlent même de l’installation, secrète, d’un centre de transit sur le territoire chérifien.
Ils subordonnent l’assentiment marocain à la souplesse des pays européens vis-à-vis de ce pays, quant à la question du Sahara occidental. Car, en s’abstenant de voter la semaine précédente, les recommandations faites par le comité des Nations unies chargé des questions de colonisation, largement favorables à la partie sahraouie, ces mêmes pays ont poussé les dirigeants marocains à fermer les yeux et acquiescer au projet européen.
Quant à la Libye dont la position officielle, le rejet de cette initiative, avait été explicitée précédemment par son Premier ministre, Choukri Ghanem, que certaines informations indiquent qu’un projet-pilote d’un centre de transit financé par l’UE, sous la houlette du Haut Commissariat aux réfugiés serait actuellement à l’oeuvre.
L’idée, donc d’installer sur les terres de l’Afrique du Nord des « guichets » européens, a été, rappelle-t-on, « soufflée » par le Premier ministre britannique, Tony Blair. De fil en aiguille, la proposition anglaise a progressivement, fait l’effet boule de neige jusqu’à la tenue, à la mi-octobre, d’une rencontre entre les ministres de l’Intérieur des cinq pays européens formant le G5: L’Italie, la France, l’Allemagne, l’Angleterre, et l’Espagne, au cours de laquelle les trois premiers avaient soutenu le souhait de Tony Blair, ont appelé à la création de centres d’accueil à travers les pays du Maghreb pour, selon les ministres allemands, anglais et italiens, « filtrer » les candidats désireux d’entrer en Europe. Ces guichets seraient conçus de telle façon à permettre un premier tri parmi les candidats à l’exil.
Toutefois, le projet de la troïka fut contesté par la France et l’Espagne qui ont émis des doutes, quant au respect des conditions humaines à l’intérieur des centres. Ils ont également mis en garde contre les violations des droits de l’homme, si récurrents en pareille situation.

 

Amine GOUTALI

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Centres de transit pour immigrés 
Le Maghreb et l’Europe divisés sur la question

El Watan, 25 octobre 2004

Le débat, prometteur pourtant, engagé par le Maghreb et l’Europe sur le thème de l’immigration clandestine s’embourbe. La raison est à imputer à la proposition émanant du couple germano-italien portant sur la création de guichets européens au Maghreb destinés à « traiter » les demandes des immigrants clandestins.

L’Allemagne et l’Italie (les deux destinations privilégiées des clandestins) voient dans ces guichets un moyen efficace pour juguler le phénomène de l’immigration clandestine menant, chaque année, des centaines de personnes à risquer leur vie pour atteindre l’Europe. Cet avis est cependant loin d’être partagé au Maghreb, puisque les pays de la région estiment que la gestion de l’immigration clandestine, actuellement soutenue par Berlin et Rome, ne fera qu’aggraver le problème. Car en projetant d’installer de tels centres, l’Europe cherche en réalité à se débarrasser du problème à peu de frais. Ce projet, qui emprunte à la théorie du « containment », dans la mesure où il consiste à surveiller de loin le phénomène et surtout à remballer dans les pays du Sud la responsabilité de la gestion du dossier, ne s’attaque pas en effet aux vraies questions posées par l’immigration clandestine. C’est ainsi qu’après la Libye et la Tunisie c’était au tour, samedi, de l’Algérie d’exprimer son opposition à la proposition de création de ces centres de transit. L’Allemagne et l’Italie, qui sont actuellement soutenues par la Grande-Bretagne, ont fait connaître leur idée la semaine dernière lors de la rencontre de Florence des ministres de l’Intérieur du G5 (réunissant l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie et la Grande-Bretagne) consacrée au terrorisme et à l’immigration clandestine. Le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, a déclaré en marge de la cérémonie organisée à l’occasion de la célébration de la Journée de l’ONU, que l’Algérie était contre la proposition faite par certains pays européens d’ériger des centres de transit au Maghreb pour accueillir des immigrants clandestins. Le chef de la diplomatie algérienne a souligné que l’Algérie « ne pourra pas accepter d’avoir sur le territoire d’un pays du Maghreb un camp où seront parqués les immigrants clandestins, en attendant que leurs dossiers soient régularisés dans un pays européen ». M. Belkhadem a indiqué en outre que « l’Algérie ouvrera à rejeter cette proposition dans le cadre du Forum méditerranéen ». Le ministre des Affaires étrangères a, mentionne-t-on, fait sa déclaration à la veille de sa participation à la 11e session ministérielle du Forum méditerranéen tenue à Paris. Le déplacement des personnes et la lutte contre le terrorisme font partie des questions à l’ordre du jour de cette rencontre.

Rejet des pays du maghreb

Au-delà de son rejet par les pays du Maghreb, il y a lieu de préciserque la proposition germano-italienne ne fait également pas l’unanimité enEurope. La France et l’Espagne s’y opposent fermement. Pour ces deux pays, cetteproposition aggravera la situation et fera le bonheur des filières mafieusesimpliquées dans l’immigration clandestine. La France et l’Espagne ont égalementmis en avant un effet pervers à la création de ces centres. Lespersonnes qui y seraient regroupées pourraient changer de mentalité et « détesterl’Europe ». Cela en ferait « des centres de contamination(terroriste) qui pourraient devenir des sortes de bombes à retardementpour les Etats européens », estiment encore des observateursfrançais. Les deux pays partent aussi du principe qu’il n’appartient pas à l’Europeseule de décider de la création de centres. Il faut, selon eux,que le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) etles organisations non gouvernementales aient un rôle de premier plan à jouer.Ils proposent toutefois une alternative, celle des « points de contactoù les migrants pourraient obtenir de l’information sur leurs droits etleur entrée potentielle dans l’Union ». Outre la problématiquede l’immigration clandestine, la réunion des pays du G5, tenue à Florence,s’est, rappelle-t-on, penchée aussi sur les problèmes de terrorisme.Cette réunion fait office, estiment les observateurs, de « répétition » avantle sommet officiel du 4 novembre, où 25 chefs d’Etat et de gouvernementde l’Union européenne seront appelés à définir lestermes de leur politique d’asile et d’immigration. Et au vu des conclusions dela rencontre du G5, les discussions promettent d’être tendues. La Commissioneuropéenne (CE) n’était pas représentée, précise-t-on, à laréunion informelle de Florence. Bruxelles souhaite, néanmoins,que des solutions soient trouvées pour lutter contre l’immigration clandestine.L’idéal pour la CE serait que les positions se rapprochent « car,en réalité, quand des personnes sont interceptées lorsqu’ellestentent leur chance en Méditerranée, la nécessité d’installationde transit se fait sentir ». Malgré la polémique suscitéepar la proposition germano-italienne et l’opposition exprimée par lespays maghrébins à la création de ces centres de transit,il est à rappeler que la CE finance actuellement un projet-pilote en Libyesous la houlette du HCR.

Zine Cherfaoui

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