La mort aux portes de l’Espagne
Plus de 50 clandestins tentent de passer la frontière de force
La mort aux portes de l’Espagne
Le Quotidien d’Oran, 4 juillet 2006
Deux immigrants clandestins sont morts et sept autres ont été grièvement blessés, hier, en tentant de franchir la barrière métallique séparant l’enclave de Melilla du territoire marocain.
Dans la même journée, l’agence marocaine Map annonçait la découverte de 18 corps sans vie de clandestins d’origine subsaharienne, sur une plage près d’El-Ayoune.
Selon des sources policières marocaines, citées par les agences de presse, deux immigrants clandestins sont morts, l’un du côté espagnol et l’autre du côté marocain, en tombant d’un grillage de six mètres de haut à la frontière entre l’enclave espagnole de Melilla et le Maroc, lors d’un assaut mené par plus de 50 clandestins qui voulaient passer en Espagne. L’immigrant mort du côté de la frontière marocaine a succombé à ses blessures au cours de son transfert vers l’hôpital de Nador. Hier peu après l’aube, entre 50 et 70 personnes ont tenté de passer simultanément la frontière entre les zones de Farhana et Zoco Had. Des tirs de sommation à balles réelles ont été effectués par les gardes-frontières marocains pour dissuader les immigrants clandestins d’approcher des barrières métalliques séparant les deux territoires. D’ailleurs, le préfet de Melilla, cité par l’AFP, n’exclut pas le fait que l’immigrant décédé soit tué par balles. Selon un porte-parole de la garde civile espagnole, cité par l’AFP, cinq clandestins ont réussi à sauter de l’autre côté de la barrière, dont celui qui est mort et celui qui a été grièvement blessé.
L’assaut massif de lundi est le premier enregistré depuis octobre 2005 sur cette frontière. Quatorze émigrants africains étaient morts en 2005, dont certains tués par balles par les forces de sécurité. Le 3 octobre de l’année écoulée, quelque 650 clandestins d’Afrique subsaharienne, munis d’échelles artisanales et parfois armés de pierres, avaient pris d’assaut la double barrière métallique marquant la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole. 135 clandestins avaient été blessés dont cinq ont dû être hospitalisés. Plus de 1.200 tentatives de passage avaient été recensées en 2005 dans le secteur frontalier où plus de 300 clandestins ont réussi à passer la frontière.
Le renforcement des contrôles de la part des autorités marocaines et espagnoles, ainsi que l’élévation de trois à six mètres du double grillage et l’installation entre les deux grilles d’un treillis de câbles, avaient fini par détourner des enclaves les milliers d’émigrants venant d’Afrique noire et cherchant à gagner l’Europe. Le circuit de cette émigration clandestine s’est désormais organisé prioritairement à partir de la façade ouest de l’Afrique, entre le nord de la Mauritanie et le Sénégal, d’où des embarcations rudimentaires chargées d’émigrants partent depuis mai pour atteindre l’archipel espagnol des Canaries. Le nombre d’émigrants sans papiers arrivés aux Canaries par voie maritime a dépassé les 10.000 personnes depuis le début de l’année 2006, battant le record de 2002, qui avait été de 9.929 émigrants pour toute l’année. Malheureusement, il ne se passe pas un jour sans que l’on signale la découverte de corps sans vie de clandestins, échoués sur les côtes européennes ou maghrébines.
C’est le cas d’ailleurs des corps des 18 clandestins originaires d’Afrique subsaharienne découverts, hier, sur une plage près d’El-Ayoune, capitale du Sahara Occidental sous occupation marocaine. Selon l’agence marocaine MAP, ces migrants, qui comptaient se rendre dans l’archipel espagnol des Canaries, sont morts noyés après le naufrage de leur embarcation. Sept rescapés, qui ont réussi à rejoindre la côte à la nage, ont indiqué que leur bateau transportait au total 37 personnes. Les rescapés sont de nationalité gambienne, ghanéenne, guinéenne et sénégalaise. Deux femmes se trouvent parmi eux. Les recherches se poursuivaient en milieu de journée d’hier pour retrouver les 12 disparus. La traversée depuis la Mauritanie ou le Sahara Occidental vers l’archipel espagnol des Canaries est un des chemins privilégiés par les clandestins. Par ailleurs, deux migrants sont morts lundi selon les forces de sécurité marocaines en tentant de passer dans l’enclave du nord du Maroc, Melilla.
Des militants des droits de l’homme avaient, samedi à Rabat, dénoncé la répression des immigrants et appelé pour la fin du tout sécuritaire dans la gestion du phénomène migratoire. Il faut mettre un terme à la politique répressive développée par plusieurs gouvernements pour faire face à l’afflux d’immigrants, avaient souligné ces ONG durant une conférence sur les migrations, les droits fondamentaux et la liberté de circulation.
Djamel B.