Le Pentagone révèle la liste des détenus de Guantanamo Bay
par Zouaoui Mouloud, Le Jeune Indépendant, 10 avril 2005
Le Pentagone a pour la première fois révélé, hier, la liste des détenus dont cinq Algériens de la prison militaire américaine de Guantanamo Bay, à Cuba, qui devront être entendus par les juges militaires américains appelés à statuer sur leur sort.
Cette liste donne pour la première fois les identités complètes et les nationalités de chacun des 57 détenus dont les dossiers ont été retenus par les tribunaux militaires pour répondre des accusations portés contre eux en tant que «combattants ennemis», tout en étant autorisés à se défendre.
Cinq des six détenus algériens font partie de cette liste. L’un d’eux est d’ailleurs présenté comme Algéro-Bosniaque. Il s’agit de Mustapha Aït Idir. Les quatre autres sont Boudella El-Hadj, Lakhdar Boumediene, Saber Mahfoudh Lahmar et Mohamed Nechal .
Un sixième Algérien, Belkacem Bensayah, qualifié par l’armée américaine d’élément hostile, n’a pas été retenu dans cette liste. Les six Algériens avaient été arrêtés en octobre 2001 en Bosnie-Herzogovine par la police locale, sur la base d’informations des services secrets américains qui les soupçonnaient de préparer des attentats contre les ambassades américaine et britannique à Sarajevo.
Blanchis par la justice bosniaque, ils ont été dans la nuit du 17 au 18 janvier 2002 remis secrètement par la police bosniaque aux forces américaines qui les ont, par la suite, internés au camp X-Ray à Guantanamo Bay. Le transfert des prisonniers a eu lieu le lendemain du jour où la Cour suprême de Bosnie a décidé de mettre un terme à leur détention préventive, et ce, en violation d’une décision de la Chambre des droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine interdisant la remise de quatre parmi eux aux autorités américaines.
Sur les 57 noms cités, 22 sont Yéménites, huit Koweitiens, cinq Saoudiens et quatre Bahreïni. Ils devront passer, à partir de cette semaine, devant les juges militaires. Quelque 550 personnes originaires de 31 pays sont incarcérées depuis octobre 2001 dans la prison à ciel ouvert de Cuba, qualifiée des plus sinistres au monde, tandis que 214 ont été libérées depuis la fin de 2003, dont des mineurs.
Au mois de mars dernier, Me Rob Kirsch, l’un des avocats des six détenus algériens, avait révélé dans un exposé adressé au Pentagone que ses clients avaient subi des actes de torture et des sévices de toutes sortes. Selon les récits des prisonniers consignés par Me Kisrch, les six Algériens subissaient des tortures depuis plus de trois ans, alors que le Pentagone avait nié ces pratiques.
Mustapha Aït Idir a été la victime la plus exposée à la torture parmi les autres Algériens. Il aurait eu deux doigts brisés par des soldats américains. Durant trois ans, selon l’avocat, Bensayah, Nechal et Aït Idir avaient été placés à plusieurs reprises en isolement dans des conditions inhumaines, dans un lieu où tous les détenus étaient privés de leurs pantalons et souliers.
En juillet 2004, Lakhdar Boumediene et Mohamed Nechal avaient intenté une action en justice contre les autorités américaines pour «enlèvement et séquestration illégale». La plainte pour «arrestation et emprisonnement arbitraire» avait été introduite devant la cour de Washington par le chef du collectif des avocats, Me Stephen Oleskey, qui plaide leur affaire depuis Boston dans l’Etat du Massachusetts.
Z. M.