Six Algériens déposent plainte contre le gouvernement américain
par Zouaoui Mouloud, Le Jeune Indépendant, 20 avril 2005
Les six Algériens incarcérés dans la sinistre prison de Guantanamo Bay à Cuba ont déposé plainte contre le gouvernement fédéral américain, suite aux tortures et multiples sévices qu’ils sont subis depuis janvier 2001. Les avocats de Boudela Omar El-Hadj, Mustapha Aït Idir, Mohamed Nechla, Belkacem Bensayah, Boumediene Lakhdar et Saber Lahmar, pensionnaires depuis janvier 2002 du camp X-Ray, ont engagé, vendredi dernier, une plainte à travers laquelle ils réclament de l’administration américaine de remettre à la justice les dossiers qui contiennent les preuves de tortures et abus subis par leurs clients.
Selon le quotidien Boston Globe, citant Me Robert C. Kirsch, les avocats des plaignants demandent au juge fédéral d’obliger le ministère américain de la Justice et le Pentagone de rendre publiques les informations qui attestent que les prisonniers ont été soumis à des actes de torture par l’armée américaine dans la prison à ciel ouvert de la base de la marine américaine à Cuba.
Les avocats ont souligné que leur action est intervenue suite au refus du gouvernement fédéral de répondre à leur demande, en violation de la loi sur la liberté d’information (Freedom of information act). «Nous n’avons reçu aucun document de la part du gouvernement», a déploré Me Kirsch dont le cabinet est basé à Boston.
Le collectif des avocats réclame surtout les dossiers médicaux ainsi que des vidéos de l’armée montrant des soldats américains infligeant des sévices et des actes de torture aux six Algériens, notamment Mustapha Aït Idir, Saber Lahmer, Mohamed Nechla et Bensayeh Belkacem.
Dans la plainte déposée par ses avocats, Aït Idir relate les sévices qu’il a subis dès les premiers jours de sa détention, indique Me Kirsch qui précise que son mandant a été la victime la plus exposée aux humiliations des GI’s. Réagissant à cette plainte, un porte-parole du Pentagone, le major Michael Shavers, a affirmé au Boston Globe que l’armée américaine ne l’avait pas encore reçu, se contentant de dire que «les Etats-Unis s’opposaient à l’usage de la torture».
Dans un récent entretien (voir le Jeune Indépendant du 17 mars) au magazine américain New Yorker, Me Kirsch avait, pour la première fois, révélé que les six Algériens avaient subi des actes de torture et des sévices de toutes sortes, dans le goulag américain à Cuba, alors que le Pentagone avait nié ces pratiques.
Selon son récit, Aït Idir a eu deux doigts brisés par des soldats américains lors d’un effroyable matraquage durant lequel il a essuyé une série de coups de rangers dans ses parties intimes pendant qu’il s’était évanoui. Selon un exposé adressé au Pentagone par leurs avocats, les prisonniers algériens avaient été placés à plusieurs reprises en isolement dans des conditions inhumaines, dans un lieu où on leur avait retiré leurs pantalons et leurs souliers.
Interpellés à Sarajevo en octobre 2001 par la police bosniaque, les six Algériens avaient été accusés d’avoir planifié des attentats contre les ambassades américaines et britanniques avant d’être blanchis par la Cour suprême bosniaque.
A leur libération en janvier 2002 de la prison de Sarajevo, ils ont été kidnappés par des agents de la CIA puis conduits dans l’enclave américaine à Cuba. De nombreux prisonniers de Guantanamo avaient certifié à leur libération qu’ils avaient été torturés et maltraités par les soldats américains.
Le scandale de la prison d’Abou Ghrib en Irak avait révélé au monde entier l’étendue de la torture subie par les détenus dans les centres de détention de l’armée américaine et jeté l’effroi au sein de l’opinion internationale. Z. M.