Que se passe-t-il aux frontières algéro-nigériennes ?

Terrorisme, trafic d’armes, immigration clandestine

Que se passe-t-il aux frontières algéro-nigériennes ?

Le Quotidien d’Oran, 19 avril 2006

Le renforcement de la surveillance de la longue frontière algéro-nigérienne constitue l’une des préoccupations majeures des deux pays, associés depuis quelque temps dans le même combat contre le terrorisme transnational, l’émigration clandestine, la traite des personnes et le trafic d’armes.

Un engagement qui motive d’ailleurs les fréquents échanges de visites en haut lieu de responsables, entre Alger et Niamey. L’arrivée, hier à Alger, du ministre nigérien de l’Intérieur et de la Décentralisation, M. Munkaila Mody, s’inscrit en droite ligne des motivations des deux pays de garder «l’oeil ouvert» sur une bande frontalière devenue un espace de transit presque incontournable pour le déplacement des terroristes, trafiquants de tout genre et autres passeurs. La coopération algéro-nigérienne, qui s’est intensifiée ces dernières années, s’est traduite sur le terrain par la mise sur pied de la Commission bilatérale transfrontalière entre le Niger et l’Algérie.

Le ministre de l’Intérieur nigérien, qui séjournera deux jours à Alger, abordera avec son homologue algérien tous les problèmes ayant trait à la frontière commune aux deux pays. «Nous avons une très longue frontière et il est de l’intérêt de nos deux pays de se rencontrer, de temps en temps, pour discuter des problèmes communs de part et d’autre de notre frontière commune», a déclaré hier le ministre nigérien à l’APS.

Cette frontière est régulièrement traversée par les éléments du GSPC qui trouvent refuge au Niger et par des migrants clandestins. Plus de 6.600 clandestins d’Afrique de l’Ouest, majoritairement des Nigériens, ont été expulsés de Libye et d’Algérie en 2005, selon des sources officielles nigériennes. Même si les dispositions prises et les échanges d’information entre les deux pays, pour parer aux déplacements des groupes terroristes tout au long de cette frontière, ont permis d’avorter plusieurs opérations d’incursion, il n’en demeure pas moins que la zone du Sahel continue d’être un eldorado pour les groupes armés, notamment ceux du GSPC algérien et mauritanien. L’arsenal récupéré par l’armée algérienne, au lendemain de l’opération d’El-Ménéa, qui a permis de neutraliser un important groupe terroriste en plein désert, est révélateur de la persistance du trafic d’armes entre différents pays du Sahel. Incontrôlables en raison de leur étendue et de leur relief, certains zones frontalières des pays du Sahel sont devenues, depuis l’avènement du terrorisme transnational, des bases arrière pour le GSPC, d’autres groupes terroristes africains et des trafiquants en tout genre. Terroristes, trafiquants et passeurs transitent souvent par ces frontière «sassées» pour s’approvisionner en munitions et en vivres ou pour écouler leurs marchandises.

Face à la menace constante du phénomène du terrorisme international et les proportions alarmantes qu’avaient pris la traite des personnes et l’immigration clandestine, les gouvernements des pays du Sahel, sous une impulsion US, avaient décidé de coordonner leurs efforts pour une lutte efficace contre le phénomène. Cette coopération s’est davantage accentuée après l’affaire de l’enlèvement des 32 touristes allemands par le GSPC.

Dès le mois de janvier 2004, des moyens considérables ont été déployés par l’armée américaine pour soutenir la lutte des troupes locales contre le GSPC. L’aide a été organisée dans le cadre du programme d’assistance militaire Initiative Pan-Sahel (PSI), opérationnel depuis novembre 2003 et doté pour 2004 de 6,5 millions de dollars. Ce programme visait à aider le Mali, le Tchad, le Niger et la Mauritanie dans une première phase, puis l’Algérie et d’autres pays du Maghreb, à combattre la contrebande, les criminels internationaux et les groupes terroristes. En mars 2004, quatre pays du Sahel (Mali, Tchad, Niger et Algérie) avaient mené conjointement une opération miliaire contre le GSPC. Une action militaire qui avait scellé en quelque sorte un «pacte moral» de lutte commune contre le terrorisme transnational.

Les relations algéro-nigériennes, qui ont de tout temps été excellentes, se sont davantage renforcées par la coopération accrue entre les deux pays en matière de lutte contre le terrorisme. Les deux pays se retrouvent régulièrement autour de la même table, qu’il s’agisse de séminaires ou de conférences internationales consacrés à la lutte contre le terrorisme.

La coopération dans ce domaine s’est aussi étendue à d’autres pays du Sahel et cela s’est vérifié lors du Séminaire international sur la lutte contre le terrorisme au Maghreb et dans la région sahélo-saharienne, qui s’était tenu à Alger avec la participation de huit pays africains, à savoir la Libye, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, le Tchad et la Tunisie, ainsi que des partenaires américains et européens.

Le but de ce séminaire était d’élaborer une liste d’actions concrètes visant à prévenir et à lutter contre la présence de groupes terroristes au Maghreb et dans la région sahélo-saharienne. Ce séminaire avait été suivi par d’importantes autres rencontres consacrées essentiellement au dossier du terrorisme dans les pays du Sahel. C’est le cas de la deuxième conférence de Stuttgart des chefs d’état-major des pays d’Afrique du Nord et du Sahel, organisée à l’initiative du Commandement des forces américaines stationnées en Europe (EUCOM), en décembre 2004.

Le 12 juillet dernier, le Niger et l’Algérie étaient encore présents en Mauritanie aux côtés d’autres pays du Sahel, a l’initiative du commandement militaire américain en Europe. Les deux pays avaient pris part à une réunion sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme en Afrique subsaharienne et pour faire face aux incursions de groupes islamistes armés. Cette rencontre a été initiée au lendemain de l’attaque d’une base militaire par le GSPC dans le nord-est de la Mauritanie. Aujourd’hui, il est clair qu’à l’instar de l’ensemble des pays du Sahel, l’Algérie et le Niger partagent les mêmes préoccupations face à un ennemi qui ne semble pas respecter de frontière.

Les deux pays sont engagés dans un processus qui vise à couper les groupes actifs de terroristes et de trafiquants de bases arrière à partir desquelles ils ont longtemps prospéré.

Djamel B.


 

Ouverture aujourd’hui à Tamanrasset des travaux du Comité bilatéral frontalier algéro-nigérien

Les travaux de la deuxième session ministérielle du Comité bilatéral frontalier algéro-nigérien auront lieu aujourd’hui et demain à Tamanrasset, a indiqué mardi le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales.

Les travaux de cette session entrent dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions du protocole d’accord, signé à Alger le 30 octobre 1997, portant création du Comité bilatéral frontalier entre l’Algérie et le Niger, conformément aux directives et orientations du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, et son homologue nigérien, M. Mamadou Tanja, a précisé le ministère dans un communiqué. Les délégations seront conduites, du côté algérien, par le ministre délégué auprès du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, chargé des Collectivités locales, M. Dahou Ould Kablia, et du côté nigérien, par le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, M. Mounkaila Modi.

Les travaux de cette deuxième session porteront sur «les questions économiques, administratives, sociales, culturelles, éducatives, sportives et de développement des zones frontalières», a-t-on indiqué de même source. Les deux parties aborderont également les «questions de santé, d’agriculture, de santé animale, de l’environnement et du développement durable, ainsi que les questions de sécurité et de circulation des personnes et des biens», a-t-on ajouté. M. Mounkaila Modi s’était rendu hier après-midi dans la wilaya de Blida, où il a visité l’école d’application de la Sûreté nationale de Soumaa. L’hôte de l’Algérie était accompagné de M. Moussa Sangaré, ambassadeur de la République du Niger en Algérie, de M. Brahim Djeffel, chef du cabinet du ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, chargé des Collectivités locales, et de M. Kara Bouhadba Abdelkader, directeur des écoles et des enseignements de la Sûreté nationale.

Après une visite du stand des expositions de l’école et un passage en revue des promotions en formation, le ministre nigérien a pris connaissance, à travers un long exposé, du système de formation de l’école. Le ministre nigérien a visité par la suite plusieurs infrastructures pédagogiques techniques et sportives de l’école.

Dans une déclaration à la presse, M. Mounkaila Modi a indiqué que cette visite entre dans le cadre du renforcement de la coopération entre la police nigérienne et son homologue algérienne. «Ce que je viens de voir sur le terrain me réjouit», a-t-il dit. «Cela prouve que la police algérienne jouit d’une formation qui s’adapte aux exigences des temps modernes à travers une modernisation de ses enseignements et de son matériel didactique», a-t-il souligné. Le ministre nigérien a également exprimé «sa satisfaction quant à la qualité de la formation et à la riche expérience de la police algérienne, dont le Niger va s’inspirer», a-t-il dit, «à travers la redynamisation de la coopération entre les deux pays dans ce domaine».

Synthèse: R. N.