Espagne: Quel sort pour les détenus algériens?
LE JUGE ESPAGNOL BALTHAZAR GARZON À ALGER
Quel sort pour les détenus algériens?
L’Expression, 22 octobre 2006
Au menu du juge, il y aura aussi la donne du Gspc qui tente de se donner une dimension régionale.
«J’aurais souhaité interpeller ce juge respectable sur le sort réservé à mon neveu Tahar». Cette phrase vient d’un parent d’un détenu à la prison madrilène de Santa Quatro en Espagne, sans jugement depuis deux ans. Au moins 70 autres Algériens sont dans le même cas. Accusés d’assistance au terrorisme et détenus dans des prisons espagnoles depuis des années sans qu’ils soient jugés.
Aussi, la visite de deux jours, du 28 au 30 octobre, qu’effectuera le juge Balthazar Garzon à Alger augure-t-elle de la fin du calvaire pour ces détenus et leurs familles? Le déplacement de M.Balthazar, à Alger, est de nature à assainir ce dossier pendant entre les justices ibérique et algérienne. Selon le président de la Fédération européenne des associations algériennes, Nordine Belmeddah, «des Algériens sont actuellement emprisonnés en Espagne sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux». Il cite les frères Bellid détenus à Cadix, dont l’aîné, Azzeddine, père de 9 enfants, est impliqué dans les attentats du 11 mars à Madrid alors qu’il était en Algérie.
En décembre dernier, une quarantaine d’Algériens ont entamé une grève de la faim de dix jours à la prison de Santa Quatro. Selon des témoignages, l’un des prisonniers a livré à sa famille par téléphone: «Les détenus revendiquaient à travers cette grève un jugement qu’ils attendent depuis plus d’une année».
Ayant gardé le silence pendant longtemps sur ce dossier, les autorités algériennes semblent décidées à solder les comptes avec les autorités espagnoles dans ces affaires de terrorisme. Solder les comptes est le vrai mot, car il n’y a pas que des coupables dans les raffles opérées par les services espagnols dans le cadre de la lutte antiterroriste. Trois cas d’Algériens, détenus et accusés de collaboration avec les terroristes, ont révélé au monde entier l’étendue des dépassements sous couvert de lutte antiterroriste: deux aux États-Unis et un autre en Grande-Bretagne. Le premier a été le pilote Lotfi Raïssi qui a défrayé la chronique au lendemain des attentats du 11 septembre. M.Raïssi a été incarcéré pendant sept mois avant d’être libéré pour faute de preuves.
Le second cas a été Benamar Benatta, officier de l’Armée de l’air algérienne, arrêté le 9 septembre 2001 alors qu’il tentait de rentrer au Canada. Écroué pour séjour illégal, il deviendra pour le FBI un potentiel suspect et subira les outrances dans la prison de Brooklyn à New York avant d’être libéré. Enfin, le troisième cas a été celui de Samir Abdoun. Arrêté à San Diego en Californie, Samir a passé trois ans de prison, puis les charges retenues contre lui ont été abandonnées. Mais il n’y a pas que ce dossier au menu pour le juge Baltazar.
La menace du Gspc prendra une part importante des discussions. Le groupe terroriste algérien, en déclin depuis une année, tente de se donner une dimension régionale en s’alliant au réseau d’Al Qaida.
Depuis 2003, le Gspc est apparu comme le porte-flambeau des factions islamistes radicales dans la région du Sahel et d’Afrique du Nord. Les racines du réseau s’implantent également en Europe.
Depuis l’an dernier, les services de lutte antiterroriste ne finissent pas de démanteler des cellules islamistes en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne et en Suisse. Balthazar Garzon est connu pour son engagement direct dans la lutte antiterroriste.
Il a été rendu célèbre, aussi, pour avoir arrêté Augusto Pinochet en Grande-Bretagne en 1998 et à être le premier à lancer un mandat d’arrêt international contre Oussama Ben Laden en 2003.
B. TAKHEROUBT