Plus d’une cinquantaine d’Africains arrêtés à Tindouf

Immigration clandestine

Plus d’une cinquantaine d’Africains arrêtés à Tindouf

El Watan, 20 octobre 2005

Depuis le début de la crise tragique des immigrants illégaux au Maroc, la ville de Tindouf a tendance à se transformer en réceptacle de nombreux Africains, dans un état physique déplorable. Le 17 octobre dernier, les gardes-frontières ont intercepté 45 ressortissants, alors que la veille, 27 autres avait été interpellés puis refoulés vers la frontière mauritanienne.

Ce phénomène est en train de prendre une ampleur dramatique, d’autant que la ville de Tindouf n’avait auparavant jamais eu la vocation de lieu d’immigration clandestine, généralement l’apanage de Tamanrasset, Illizi et Maghnia. Selon la Gendarmerie nationale, du 1er janvier au 31 septembre 2005, les gardes-frontières ont arrêté 4664 étrangers, d’au moins 40 nationalités. Parmi ces derniers 3258 ont été refoulés et 1174 écroués surtout pour détention de faux papiers, et 232 ont été remis en liberté. Les Nigériens et les Maliens occupent la première position avec respectivement 1997 et 1089 ressortissants. Les autres clandestins viennent de tous les pays de l’Afrique noire comme le Bénin, la Guinée, le Congo, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun, le Libéria, le Soudan, la Somalie, l’Angola, la Zambie, mais également de lointains pays comme le Bengale (avec 76 ressortissants arrêtés), le Pakistan (avec 58 ressortissants interpellés, l’Irak (2 cas arrêtés) et le… Japon avec un seul cas. Contacté, le chargé de la communication de l’état-major de la Gendarmerie nationale a expliqué que « la procédure d’expulsion passe par le procureur général. Les clandestins sont d’abord mis en détention préventive puis, en cas de décision d’expulsion, ils sont remis à la police des frontières pour les convoyer vers la frontière d’où ils sont entrés. Généralement, ceux qui sont maintenus en prison sont les clandestins qui sont porteurs de faux documents ou de faux visas. Ils sont dans ces cas précis poursuivis non seulement pour immigration clandestine mais aussi pour faux et usage de faux… ». Notre interlocuteur a noté que le nombre d’Africains clandestins a sensiblement augmenté ces dernières semaines, notamment à Tindouf et à Béchar. « Il y a quelques jours, 200 immigrants ont été convoyés dans des camions par les Marocains puis abandonnés non loin de la frontière algérienne à Béchar. Jeudi dernier, 57 ressortissants africains ont été interceptés à Tindouf, puis refoulés par le même poste frontalier… », a-t-il affirmé. Durant cette semaine, le Polisario a annoncé avoir retrouvé une centaine d’immigrants africains errant en plein désert, pour certains en état de déshydratation et pour d’autres complètement traumatisés. Fuyant la misère, la famine et les guerres, des centaines, voire des milliers de ressortissants africains risquent depuis des semaines leurs vies pour rejoindre l’eldorado européen. Malheureusement, la route vers ce dernier s’est transformée en un véritable cauchemar. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s’est déclaré « très préoccupé » par cette situation. « Nous voulons savoir ce qui se passe », a indiqué à l’AFP une porte-parole du HCR, Astrid Van Genderen Storp. « L’accès est très difficile. Nous sommes en contact avec l’organisation Médecins sans frontières, des ONG espagnoles sur place ainsi que les autorités marocaines et algériennes (…) La MINURSO est à la recherche de Subsahariens dans le désert » en précisant que le HCR « croit savoir qu’ un groupe se trouve peut-être à proximité de la ligne du cessez-le-feu, à 15 km au sud de Smara ». Depuis une dizaine de jours, des centaines d’immigrants clandestins ont été refoulés du Maroc ou conduits dans le désert en direction des frontières mauritanienne et algérienne. Une bonne partie d’entre eux, et sous la pression internationale, notamment celle des ONG humanitaires, ont été récupérés par les autorités marocaines puis convoyés dans leur pays d’origine par avion ou en bus. Devant cette crise humanitaire dont les victimes se comptent par centaines, la réaction des ONG internationales des droits de l’homme a été vive. La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), qui a dénoncé, « l’hypocrisie » européenne et les « traitements inhumains » infligés aux migrants clandestins par les forces de l’ordre marocaines avant de « condamner la sous-traitance d’immigrés » exercée par le Maroc au nom de l’Union européenne.

Salima Tlemçani