L’approche européenne des politiques migratoires contestée

POLITIQUES MIGRATOIRES ENTRE LES DEUX RIVES DE LA MÉDITERRANÉE

L’approche européenne contestée

L’Expression, 03 juillet 2005

«L’aspect sécuritaire et une opinion formatée dans l’hostilité, façonnent cette politique de plus en plus restrictive».

Analysant les éléments saillants de la problématique du mouvement des personnes dans son projet de rapport intitulé «Les politiques migratoires européennes: quels enjeux?», le Conseil national économique et social n’a pas été tendre avec l’approche que font les Européens sur l’immigration. «Nous assistons à un débat unilatéral en matière de mouvement humain de flux migratoire. L’UE tend de plus en plus à renforcer ses systèmes de contrôle… Les préoccupations des pays d’accueil sont les seules à être mises en évidence et érigées en priorités. Les aspects négatifs réels ou imaginaires de l’immigration sont particulièrement mis en avant» a écrit le Cnes dans son rapport soulignant que les différentes politiques d’immigration des Etats de l’UE n’ont pas eu les effets souhaités par «manque de volonté politique avérée».
Selon le Cnes, le sommet européen de Séville du mois de juin 2002 a complètement dévié tous les objectifs des politiques sur l’immigration pour mettre la sécurité au centre de la collaboration entre les pays de l’UE et les pays d’origine des migrants. «Une nouvelle politique qui préconise la mise en place des centres de tri pour contenir l’immigration clandestine et favoriser les retours et les réadmissions des immigrants clandestins». Etayant ces déclarations, le document du Cnes se réfère à des statistiques établies par des institutions internationales. Ainsi en matière de quantification de l’immigration, les estimations faites par la division de la population des Nations unies et l’Organisation internationale des migrations chiffrent le nombre de migrants dans le monde entier à environ 175 millions. Ce chiffre ne représente que 2,9% de la population mondiale. L’Union européenne ne compte que 13 millions d’étrangers sur une population de 380 millions d’habitants (chiffres du Cnes, alors que selon d’autres sources, le chiffre est évalué à 480 millions). Dans ce nombre, seulement 5 millions sont originaires des pays du sud de la Méditerranée, ceux originaires du Maghreb ne sont que 2,3 millions de personnes dont 700.000 Algériens (les statistiques du ministère de l’Intérieur français avancent le chiffre de 1,5 million d’Algériens en France). A la lumière de ces chiffres, le rapport du Cnes affirme que «ces indicateurs illustrent parfaitement l’imaginaire de la présence étrangère non européenne». Depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York et mars 2004 à Madrid, la question de l’émigration «ballottée entre discours et actes généreux d’humanistes» d’une part, et «chauvins et xénophobes» d’autre part, devient au-delà de sa sensibilité et de sa complexité, un enjeu politique de portée stratégique aussi bien pour les pays émetteurs et récepteurs. Aussi, le document du Cnes rappelle-t-il que l’aspect sécuritaire, le matraquage médiatique et une opinion formatée dans l’hostilité, «façonnent cette politique de plus en plus restrictive», illustrant le paradoxe avec libéralisation des échanges économiques, ouverture de nos frontières aux marchandises et aux biens, et implantation de herses aux frontières européennes, pour la circulation des personnes des pays tiers. «Paradoxalement, relève le même rapport, des appels directs au recrutement des élites et des cadres étrangers à l’UE, quelle que soit la forme, ne cessent d’augmenter, vidant les pays d’origine de potentialités formées au prix de lourds sacrifices».

B. TAKHEROUBT