Des Algériens sans statut «brûlés» par la Gendarmerie canadienne

Soutenus par deux ONG, ils exigent une enquête publique

Des Algériens sans statut «brûlés» par la Gendarmerie canadienne

Les manifestants, qui occupaient les bureaux du ministre de l’Immigration, ont été délogés à coups de décharges électriques.

Insultes, coups, humiliations et brûlures à l’aide de pistolets à décharge électrique (taser) : tel a été le lot d’une dizaine d’Algériens sans statut au Canada, parmi douze manifestants pacifiques non armés qui avaient occupé, pendant 8 heures, les bureaux du ministre de l’Immigration, Denis Coderre, à Ottawa, le 29 mai dernier (voir le Jeune Indépendant du 1er juin 2003).

Montréal, correspondance particulière, Le Jeune Indépendant, 11 juin 2003

Le caractère pacifique de la manifestation qui visait à obtenir une rencontre avec le ministre n’a pas empêché l’unité tactique de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), aidée par la police municipale, d’utiliser une force totalement disproportionnée à la situation lors de l’arrestation des manifestants et après leur transfert dans les locaux de la police.

Les policiers se sont particulièrement acharnés sur quatre d’entre eux.

Les manifestants soutiennent que les policiers sont venus les déloger sans préavis, justifiant la violence de leur intervention par l’échec de leurs demandes préalables aux manifestants de quitter les lieux.

Des témoignages, des enregistrements vidéo ainsi que des photos des victimes ont été pris immédiatement après la sortie des manifestants de prison, le lendemain en milieu de journée.

Soutenus par la Ligue (canadienne) des droits et libertés, ainsi que par Amnistie Internationale Canada, les manifestants algériens – des sans-statut qui risquent d’autant plus l’expulsion qu’ils ont été appréhendés et accusés, désormais, de méfait – ont décidé de réclamer une enquête publique pour brutalités policières.

Dans un communiqué commun, les deux organismes non gouvernementaux se sont dits «inquiets non seulement quant à la légitimité de l’utilisation de ces armes, mais aussi sur les conditions de leur utilisation».

«Il est particulièrement préoccupant de constater que ces armes ont souvent été utilisées contre des personnes déjà maîtrisées, comme lors de l’intervention de jeudi dernier [29 mai, ndlr]», poursuit le communiqué rendu public le 4 juin et dont la presse, tant à Ottawa qu’à Montréal, ne semble pas avoir fait état. L’arme en question, un Advanced Taser M26, est un pistolet qui tire des décharges électriques pouvant atteindre 50 000 volts. Les deux ONG «demandent sans délai la tenue d’une enquête publique, indépendante et impartiale sur ce qui s’est effectivement passé jeudi (…) afin que tous les responsables, incluant les policiers et leurs supérieurs, soient tenus de rendre des comptes».

Les dix Algériens manifestants sont peut-être sans-statut, mais certainement pas sans droits. Et ils comptent bien les exercer jusqu’au bout. C. P.

Ressources

– Site du Comité d’action des sans- statut : http://www.tao.ca/~sans-statut

– Liens vers les photos : http://www.tao.ca/~john/cic/img1-s.jpg, http://www.tao.ca/~john/cic/img2-s.jpg et http://www.tao.ca/~john/cic/img3-s.jpg

– Site de la Ligue des droits et libertés : http://www.liguedesdroits.ca

– Site d’Amnistie internationale Canada : http://www.amnistie.qc.ca

Site officiel du ministère canadien de l’Immigration et de la Citoyenneté : http://www.cic.gc.ca

Témoignages

«Après que les manifestants eurent refusé de quitter le bureau sans une rencontre avec le ministre Denis Coderre et refusé de négocier avec la police d’Ottawa avant qu’on leur apporte de la nourriture, environ 30 policiers de l’unité tactique de la GRC ont attaqué. Brandissant des pistolets électriques et hurlant «Vos mains sur la tête…! Couchez-vous à terre !», ils ont violemment jeté au sol les occupants. Pendant de longues minutes, on n’entendait que le son des chocs électriques, des coups portés aux occupants et les cris de douleur.

L’aération sur l’étage avait été coupée et, alors que les policiers fouillaient et passaient les menottes aux occupants, la chaleur était étouffante. Certaines personnes ont été particulièrement ciblées et battues, frappées contre des surfaces dures et leur tee-shirt et bandana rabattus sur leur visage pour les soumettre, les humilier et les réduire au silence. Les murs du bureau du ministre ont été maculés du sang d’une blessure à la tête d’un des manifestants (…)»

Selon des témoins de l’opération policière, un des membres de l’unité tactique s’est exclamé : «Les pistolets talon sont formidables, c’est beaucoup plus propre et plus amusant.»

«(…) La GRC a filmé toute l’opération policière.»

«(…) L’attaque de la police s’est produite quelques minutes seulement après que la MELT (Major Event Liaison Team – Équipe de liaison des événements majeurs) de la police d’Ottawa a essayé de négocier avec les Algériens sans statut… en anglais uniquement, malgré le fait que les Algériens en question ne parlaient que français ou arabe».

«(…) Plus tôt, des policiers de l’unité tactique étaient venus observer directement les occupants et manger des sandwiches devant eux. Ils savaient donc parfaitement que les occupants étaient pacifiques et non armés (…)».