Rassemblement contre la nouvelle loi sur les associations

Ils étaient une soixantaine de militants à organiser un sit-in devant l’APN

Rassemblement contre la nouvelle loi sur les associations

Par : Karim Kebir, Liberté, 13 janvier 2014

Une soixantaine d’animateurs de plusieurs associations ont tenu, hier à Alger, un sit-in devant l’APN pour exiger l’abrogation de la loi sur les associations, jugée liberticide. Des militants de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme dont son président, Me Benissad, son successeur et désormais député, Me Bouchachi, des militants du Rassemblement action jeunesse (RAJ) et des représentants de nombreuses autres associations ont tenu à exprimer publiquement leur rejet de cette loi adoptée en 2012 et dont les délais accordés aux associations pour se conformer aux nouvelles dispositions, sous peine de disparaître, arrivent à terme aujourd’hui. Comme souvent en pareille circonstance, un dispositif policier a été déployé autour de l’APN et les manifestants ont été cantonnés à la placette qui fait face à l’imposant édifice de l’Assemblée, histoire de ne pas perturber la circulation.
Mais pour une fois, la police n’a ni chargé ni brutalisé les manifestants, selon Abdelwahab Fersaoui, président de RAJ. À l’issue du rassemblement, une délégation composée de Me Aïssa Rahmoune de la Laddh, d’Abdelwahab Fersaoui et de Mme Nassera Dutour des familles des disparus a été reçue par le président de la commission de la jeunesse et des sports et de l’activité associative de l’APN. “Cette rencontre a permis à la délégation d’exposer les préoccupations et les inquiétudes de la société civile par rapport à la loi 12/06 qui menace l’existence effective du mouvement associatif algérien”, indique un communiqué du collectif d’associations pour l’abrogation de la loi.
Mais la délégation a demandé à rencontrer le bureau de l’APN et la commission juridique, vu que l’abrogation ne relève pas des prérogatives de la commission de la jeunesse. “Après échange, M. Belkacem Berkat, président de ladite commission, a pris l’engagement de transmettre la demande du Collectif au président de l’APN et de nous tenir informés d’une éventuelle rencontre avec ce dernier ou avec le président de la commission des affaires juridiques”, indique le texte.
Selon Abdelwahab Fersaoui, plusieurs autres actions sont envisagées dans les prochaines semaines dont, notamment, la rencontre des groupes parlementaires et l’interpellation des partis politiques. “Le combat va continuer”, a-t-il dit. Une dizaine d’associations risque de disparaître du paysage associatif.
Critiqués par les acteurs de la société civile, certains partis et de nombreuses ONG étrangères, le nouveau texte exige l’agrément interdit aux associations dans l’une de ses dispositions à “s’ingérer dans des affaires internes du pays”, tandis que la coopération ou le financement provenant de l’étranger sont soumis à un sévère contrôle.


A la veille de l’expiration du délai fixé pour leur mise en conformité par la loi

Des associations lancent un ultime SOS

El Watan, 13 janvier 2014

Les représentants de 17 organisations initiatrices du rassemblement d’hier ont lancé un ultime SOS pour sauver le mouvement associatif autonome de disparition.

La loi 12/06= mort de la société civile», «Liberté d’associations !»…Plusieurs militants associatifs se sont rassemblés, hier, devant le siège de l’Assemblée populaire nationale (APN) pour exiger l’amendement ou l’abrogation de la loi sur les associations.
Organisée à la veille de l’expiration du délai de deux ans qui leur a été accordé pour se conformer aux nouvelles dispositions de ce texte, cette action constitue, selon les représentants de 17 organisations initiatrices de ce mouvement, un ultime SOS lancé pour sauver le mouvement associatif autonome de disparition. Ils veulent alerter les députés, dont l’institution qu’ils occupent avait voté pour cette «loi liberticide en 2011».

En effet, les représentants de la LADDH, de RAJ, de SOS Disparus… ont réussi à organiser leur action malgré un important dispositif policier dépêché sur le lieu pour contenir les manifestants. Les agents de l’ordre n’ont pas, contrairement à leur habitude, empêché les manifestants d’exprimer leur colère contre cette loi qui, si elle est appliquée, obligerait un nombre important d’associations à disparaître. «Théoriquement, toutes les associations, qui ne se sont pas conformées à la loi, seront dissoutes à partir d’aujourd’hui à minuit», a déclaré avec ironie Noureddine Benissad, président de la LADDH, avant de dénoncer l’attitude des autorités qui ont refusé d’autoriser un certain nombre d’associations à organiser leurs assemblées générales de mise en conformité avec la loi.

«D’un côté, on nous demande de nous conformer à la loi et d’un autre, ils (les pouvoirs publics) s’entêtent à refuser de nous donner des autorisations», dénonce-t-il, en exigeant l’abrogation, ou du moins, l’amendement de ce texte. «Cette loi constitue une véritable régression par rapport à celle de 1990 qui a instauré un régime déclaratif pour la création des associations. Celle de 2012 nous oblige à demander à nouveau un agrément, comme si on n’avait pas existé depuis 30 ans. De plus, il y a des dispositions, comme celles contenues dans l’article 39 qui menace de dissolution les associations qui s’ingèrent dans les affaires internes du pays, qui sont de véritables aberrations», regrette-t-il.
Malgré le fait que l’action est organisée près de chez eux pour attirer leur attention sur les dangers qui pèsent sur l’avenir du mouvement associatif, les députés ne se sentent visiblement pas concernés.

Les députés ne… se mouillent pas

Hormis deux députés du FFS, Mostafa Bouchachi et Ahmed Betatache, qui ont tenu à soutenir par leur présence les contestataires, le reste «des élus du peuple» ont préféré se confiner dans les bureaux confortables de l’APN. Interrogé sur ce que comptent faire les députés pour tenter d’amender cette loi, Mostafa Bouchachi affirme d’abord que le groupe parlementaire de son parti prépare un projet de proposition de loi. «Il sera finalisé très bientôt et remis au bureau de l’APN», annonce-t-il. L’ancien président de la LADDH dénonce, dans la foulée, le contenu de cette loi qui consacre, selon lui, une régression, non seulement par rapport à celle de 1990, mais aussi aux pratiques internationales en la matière. «En Algérie, il y a deux sociétés civiles, l’une constitue un alibi pour le pouvoir et travaille en sa faveur et l’autre est indépendante. Celle-ci est constamment harcelée par les autorités», lance-t-il. Pour sa part, Ahmed Betatache, premier secrétaire du FFS, rappelle «les blocages que rencontre le parti au sein de l’assemblée». «Toutes nos propositions sont bloquées au niveau de l’APN. Mais nous en préparerons une autre pour l’amendement de la loi sur les ass

ociations», assure-t-il. A l’issue de cette action, une délégation composée des représentants des associations a été reçue, au siège de l’APN, par le président de la commission de la jeunesse, des sports et de l’activité associative. «Nous lui avons remis notre plateforme de revendications et expliqué les graves atteintes aux mouvements associatifs consacrées par ce texte. Il avait promis de soumettre nos doléances au bureau de l’APN et de fixer une réunion à laquelle devront participer les présidents des deux commissions, jeunesse et sport, ainsi que celui des affaires juridiques», explique Aïssa Rahmoune, membre de la LADDH. «La balle est maintenant dans leur camp (les parlementaires ndlr)», enchaîne-t-il.

Madjid Makedhi


Seul 1/5e des associations conforme aux règles à Béjaïa

Alors que la nouvelle loi 12/06 sur les associations est entrée en vigueur le 12 janvier, seules 1000 associations sur les 5000 que compte la wilaya de Béjaïa se sont présentées auprès de la DRAG pour se conformer aux nouvelles règles régissant leur activité.

C’est ce qui a été indiqué, samedi dernier, lors d’une réunion organisée à cette occasion par la LADDH de Béjaïa. La rencontre a été animée par l’ex-député Tarik Mira et Saïd Salhi, vice-président de la LADDH, en présence des représentants de plus d’une trentaine d’associations de la wilaya. Les présents sont revenus sur la nouvelle loi sur les associations qui a été assimilée à «une pratique abusive de l’administration pour restreindre les libertés d’association», pouvons-nous lire dans un communiqué de la LADDH. Pour Tarik Mira, il n’y a nul doute, la loi a été mise au point de façon à consolider le régime en place. «Après avoir normalisé les partis politiques, le pouvoir s’attaque désormais à la société civile sur laquelle il veut avoir la mainmise totale», a-t-il indiqué.

L’ex-député qualifie de «régression» le passage du système déclaratif au système d’agrément pour la création des associations. Pour ce qui est des organisations internationales, il définit les nouvelles restrictions imposées aux ONG internationales, notamment celles relatives au financement et à la collaboration, comme étant une parade de l’Etat pour couper les ponts entre la société civile et la communauté internationale. Saïd Salhi, pour sa part, trouve les fondements de cette nouvelle loi truffés de contradictions et «d’arrière-pensées». Selon lui, la nouvelle loi «fait partie d’une optique de suspicion adoptée par le pouvoir, lequel voit des tentatives de déstabilisation partout».

Il préconise l’ouverture d’un espace de négociation avec l’administration pour redéfinir le texte de loi. Par ailleurs, Saïd Salhi se montre favorable à la création d’un collectif national de suivi. Il estimera, par contre, qu’il faut rester «mesuré» dans la construction du rapport de force, contrairement à certaines associations qui ont proposé le recours à des actions de rue pour faire barrage à la nouvelle loi. Il convient de rappeler, enfin, que Béjaïa est la deuxième wilaya dans le pays en termes de nombre d’associations, après la capitale.

M. H. Khodja