Rapport accablant sur le milieu carcéral

Selon le rapport annuel de la CNCPPDH

De nombreux malades mentaux croupissent dans les prisons algériennes

Par Farid Abdeladim, Le Jeune Indépendant, 15 décembre 2008

De nombreux malades chroniques dont ceux souffrant de troubles mentaux sont des pensionnaires de prisons algériennes, révèle un rapport annuel de la Commission nationale consultative de protection et de promotion des droits de l’homme (CNCPPDH).

La CNCPPDH, qui a visité 34 centres pénitentiaires sur les 131 existants en Algérie, n’a pu fermer l’œil sur les insuffisances remarquables recensées à travers ces centres visités. Exemple, à la prison d’El-Harrach, au jour de la visite, il a été remarqué que le nombre de prisonniers qui y séjournent dépasse de très loin la capacité d’accueil de cette prison : il y a exactement 3 822 prisonniers, alors que la capacité d’accueil du centre est de 1 800 prisonniers ! En outre, les 26 salles d’emprisonnement ne sont guère adaptées aux normes. L’hygiène fait toujours défaut, l’électrification et l’aération des salles sont insuffisantes. A la prison de Blida, un manque flagrant de médecins pour prodiguer les soins aux prisonniers a été constaté. Hormis un psychologue, il n’y a ni médecin généraliste, ni psychiatre, encore moins des infirmiers. Quelque 29 malades mentaux sont recensés dans ce même établissement ! Et si l’on cite encore tous les autres insuffisances recensées à travers les 34 centres visités, on en finira pas de sitôt !
Mais en dépit de ces insuffisances relevées à travers les institutions pénitentiaires nationales, la CNCPPDH constate, tout de même, que les choses se sont «substantiellement améliorées». «Théoriquement, la situation générale des prisons algériennes inspire sérénité et confiance (…)», lit-on dans le rapport de la CNCPPDH, qui explique que quel que soit le verdict prononcé à l’encontre des prisonniers, la loi veille toujours à « préserver la dignité des prisonniers, algériens ou étrangers, sans différence de sexe, de religion et d’opinion ». La CNCPPDH relève que le règlement intérieur des centres pénitentiaires est défini par 5 décrets exécutifs, et 4 décisions visant l’organisation et la gestion des prisons. Même si l’Algérie procède encore à l’emprisonnement collectif, ajoute-t-on dans le rapport, la CNCPPDH valorise, en revanche, la politique de la grâce présidentielle, notamment au profit des prisonniers ayant réussi dans leur formation professionnelle ou encore leurs études, tous paliers confondus. La commission s’est dite également satisfaite du nouveau règlement des prisons, notamment son côté humain concernant la prise en charge des prisonniers et leur réinsertion sociale. F. A.


Rapport accablant sur le milieu carcéral

Les prisons algériennes sont hors normes

El Watan, 15 décembre 2008

Dans ce document de 250 pages, remis au président de la République, le plus surprenant est que, dans la conclusion, il est fait état d’une situation toute rose, alors que dans le compte rendu des visites, il est mentionné de graves défaillances et des insuffisances en matière de prise en charge des détenus.

En effet, si les auteurs du rapport présentent les prisons sous « un beau visage », les procès-verbaux des visites dans 34 établissements durant la période comprise entre août 2007 et août 2008 font état d’une situation des plus déplorables, notamment du fait de la surpopulation et de l’exiguïté des espaces de détention. A titre d’exemple, la prison d’El Harrach, construite en 1910 avec une capacité de 1800 détenus, accueillait au jour de la visite (août 2007) 3822 prisonniers, dont 157 femmes, 32 mineurs et 60 étrangers. Les remarques sur les conditions de détention sont nombreuses : insuffisance de lits, de l’aération, de la lumière, de l’hygiène et des produits d’hygiène, dans les 26 salles où se tassent les détenus, mais aussi une insuffisance de repas. La prison de Blida, construite en 1836, ne dispose pas de périmètre de sécurité. Prévue pour un maximum de 90 pensionnaires, elle abritait 1043 détenus, dont 17 mineurs. Son équipe médicale est insuffisante du point de vue humain, notamment en cardiologie et en psychiatrie, alors qu’elle compte parmi ses pensionnaires 29 détenus souffrant de maladies mentales, 42 toxicomanes, 9 cardiopathes, 19 diabétiques, 1 épileptique, 1 cancéreux et 1 malade du sida. Son infirmerie est, selon le rapport, exiguë et manque d’aération. En août dernier, la commission a rendu visite à la prison de Serkadji, construite pour une capacité de 800 détenus. Elle en abritait 1442. Les 30 salles prévues pour 25 pensionnaires en abritent 40, voire 50 chacune et les cellules prévues pour 4 à 5 prisonniers accueillent 5 à 6 personnes.

Les détenus prennent leur bain une seule fois par semaine du fait que l’établissement ne compte qu’une douche collective pour 19 détenus. « En dépit des moyens humains et matériels dont dispose la prison, le manque d’aération et d’ensoleillement constitue l’un des plus grands problèmes qui affectent la santé des détenus, mais également pour l’équipe médicale », note le rapport, en relevant les bonnes conditions en matière de nourriture, literie, aération, hygiène et équipement médical. La prison de Boufarik (visitée en août 2007), prévue pour 90 détenus, abrite 180 pensionnaires. Dans le quartier des femmes, logent 43 détenues, dont 11 condamnées définitivement qui se trouvent dans une salle de six lits qu’elles partagent. La majorité préfère cependant dormir par terre du fait de la chaleur. « Parmi elles, des détenues enceintes qui réclament la liberté conditionnelle et une mineure qui demande son transfert vers un centre pour mineurs.

Les détenues se plaignent de l’insuffisance des repas. Les hommes, entassés à 35 dans une salle, dont la plupart sont des prévenus, étaient très fatigués du fait de la chaleur, de l’exiguïté des lieux et de l’absence d’aération », lit-on dans le rapport qui met l’accent sur le manque flagrant de médecins spécialistes, de personnel paramédical et d’assistants sociaux, d’équipements médicaux, mais aussi sur les mauvaises conditions de travail dans lesquelles exerce l’équipe soignante. La prison de Tizi Ouzou, conçue pour une capacité de 900 détenus, abritant 1419 prisonniers, dont 11 femmes et 3 enfants, est présentée comme un établissement exemplaire en matière de prise en charge sanitaire et de réinsertion. C’est le même cas pour celle de Berrouaghia où logent 1878 détenus, dans un espace conçu pour une centaine de places. La prise en charge sanitaire est significative, surtout lorsqu’on sait que 169 détenus sont des toxicomanes. L’établissement de Médéa, qui compte 156 détenus (dont 7 femmes et 6 enfants), pour une capacité d’une centaine de places, souffre d’exiguïté, notamment dans le quartier des femmes où l’aération reste insuffisante « ce qui accentue le malaise psychologique des pensionnaires ». La prison de Béjaïa, l’une des rares qui abritent 178 détenus, pour une capacité de 200 pensionnaires, est citée aussi comme « bon exemple » en matière de conditions de détention. Tout comme d’ailleurs celle de Sétif. Celle de Aïn Defla, conçue pour une soixantaine de détenus et qui en abrite 180, souffre de surpopulation.

Même constat pour l’établissement de Bordj Ménaïl (75 détenus pour une capacité de 50 places) ou encore ceux de Mascara (541 prisonniers pour une capacité de 300 seulement), de Coudiat, à Constantine, construit pour 700 personnes et qui abrite 1097 détenus, Skikda où logent 500 prisonniers dans un espace conçu pour 200 personnes et la promiscuité est telle que la séparation entre prévenus, condamnés et détenus malades devient impossible. La commission a beaucoup insisté sur le manque d’aération, d’insuffisance de repas, le manque d’hygiène et la rareté de l’eau dans les établissements de Jijel, Constantine, Bordj Bou Arréridj, Mascara, Remchi et Aïn Khiar, à Taref, et ce, en dépit des efforts consentis par l’administration pénitentiaire. Ces carences, a expliqué la commission, sont le fait de la vétusté des prisons datant le l’époque coloniale, mais aussi du non-respect des normes de construction dans la réalisation des établissements récents. Maître Ksentini a appelé, entre autres, à l’augmentation de la somme de 56 DA pour le repas des détenus, à plus d’efforts en matière d’hygiène, au recrutement de médecins spécialistes et d’assistants sociaux et au renforcement des moyens matériels et humains en matière de prise en charge sanitaire.

Par Salima Tlemçani