Ksentini appelle à un contrôle de la garde à vue et du lieu d’interrogatoire

Commisssion consultative des droits de l’homme

Ksentini appelle à un contrôle de la garde à vue et du lieu d’interrogatoire

El Watan, 20 août 2011

Remis au président de la République, le dernier rapport de la Commission nationale consultative pour la promotion et la défense des droits de l’homme (CNCDDH), pour l’année 2010, dresse un tableau peu éloquent de la situation des droits de l’homme en Algérie.

Certes, quelques avancées sont enregistrées, lit-on dans ce document d’une centaine de pages, mais le constat est relativement le même que celui des années 2008 et 2009, marquées par des situations critiques. D’abord en matière de garde à vue durant laquelle de nombreux citoyens se plaignent «des agissements intolérables de certains agents chargés de l’application des lois à l’occasion d’interrogatoires». De ce fait, la commission exhorte les autorités à installer «des caméras de surveillance dans les salles d’interrogatoire afin de dissuader les éléments de sécurité qui seraient tentés de recourir à une quelconque violence, qu’elle soit physique ou morale».

Elle rappelle, qu’en 2009, elle avait proposé des mesures pour éviter ce genre de dépassements, celles-ci n’ont pas été prises en considération en dépit du fait que les «procédés utilisés portent atteinte à l’intégrité physique de la personne gardée à vue, au mépris du respect de la personne humaine le plus élémentaire, et, surtout, en violation de la Constitution, notamment son article 34», écrit l’Organisation que dirige Me Farouk Ksentini. Elle appelle à des «décisions concrètes» et insiste particulièrement, sur «le contrôle inopiné au moins une fois par mois, de jour et de nuit, des locaux de la garde à vue par le procureur général, le président de la cour, le procureur de la République et le président du tribunal.

Ce contrôle donnera lieu à l’établissement d’un rapport adressé à la chancellerie et au directeur central de la police judiciaire concerné qu’il soit de la police, de la gendarmerie, ou du Département du renseignement et de la sécurité de l’Armée». Le rapport fait état du «recours excessif» à la détention préventive, «appliquée même pour des délits mineurs». Cette tendance, rappelle l’organisation, n’est pas conforme à la loi qui privilégie la présomption d’innocence afin de préserver la liberté individuelle des inculpés. «La détention préventive devrait être requise dans les affaires criminelles où l’inculpé présente véritablement un danger pour la société. En dehors de cette hypothèse, c’est le principe de la liberté qui doit primer.»

Comme chaque année, la commission appelle à l’abrogation de la peine de mort et propose de lui substituer la réclusion criminelle à la perpétuité. Elle déclare que les actes de gestion «sont devenus trop dangereux pour les responsables des entreprises». «Une situation, a-t-elle noté, qui résulte de l’absence de formation de magistrats dans les techniques de gestion qui fait que les juges ne seront jamais en mesure de voir plus clair, de se prononcer équitablement et de ne pas causer de préjudice aux gestionnaires.» De ce fait, elle plaide pour une dépénalisation de ces actes qui ne s’étend pas à «la faute intentionnelle ou l’infraction du gestionnaire avec intention de nuire».

Plaidoyer pour un tribunal des crimes contre les enfants

Revenant sur la protection de l’enfance, elle exhorte les pouvoirs publics «à appréhender cette question non pas par des solutions fragmentées, mais par une stratégie nationale prévoyant une politique en amont dans laquelle interviendront tous les secteurs concernés de l’Etat». A ce titre, elle appelle à la création d’une juridiction spéciale pour les crimes commis contre les enfants. Les auteurs feraient l’objet d’un jugement infamant et seraient passibles de la peine maximale sans aller jusqu’à la peine de mort. Elle se déclare «favorable à ce que les parents indignes soient déchus de leur autorité parentale et les enfants maltraités seraient alors confiés à des institutions spécialisées».

Au chapitre des violences faites aux femmes, la commission relève la gravité du phénomène et estime qu’il «est temps de promulguer une législation spécifique couvrant toutes sortes de violence à l’égard des femmes. Une revendication légitime qui nécessite de nouvelles dispositions juridiques légales». A propos de la condamnation de non-jeûneurs, les magistrats «font dans l’interprétation erronée des lois, parce qu’en Algérie, le principe de la liberté du culte est protégé». Les juges, insiste l’organisation, doivent faire preuve «d’une plus grande vigilance à l’occasion du traitement des affaires ayant trait à la liberté religieuse, car leurs décisions peuvent ternir l’image du pays et compromettre les efforts considérables déployés par les pouvoirs publics en matière de protection et de promotion des droits de l’homme». Abordant le phénomène des harraga, la commission exprime son regret «de voir un phénomène comme celui-ci réglé par la justice».

Elle rappelle que depuis 2005, les services de sécurité ont intercepté 7779 jeunes candidats à l’immigration clandestine, alors que de nombreux autres ont péri en mer, citant 29 en 2005, 73 en 2006, 83 en 2007, 102 en 2008, 117 en 2009 et 337 en 2010, alors que des centaines sont toujours portés disparus. Les corps des deux tiers des victimes repêchées n’ont pas pu être identifiés. Pour ce qui est de la charte pour la réconciliation, l’Organisation indique que sa mise en application a été très lourde et coûteuse. Elle précise que 95% des familles des disparus ont accompli une démarche volontaire pour bénéficier de l’aide de l’Etat dans un esprit d’entraide sociale et affirme que les personnes ayant été internées au sud du pays ont subi un préjudice physique et moral pour lequel elles doivent être indemnisées à la hauteur de ce dernier. Néanmoins, de nombreux problèmes compliquent encore la mise en œuvre des dispositions de ce texte.
Salima Tlemçani